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Développement durable

Loi industrie verte : quelles nouvelles mesures ?

Loi industrie verte : quelles nouvelles mesures ?

La loi industrie verte a récemment été adoptée de manière définitive par les deux assemblées. Elle répond à deux objectifs : l’implantation de nouvelles industries vertes et la décarbonation des industries existantes.

Quels enjeux ?

Renouer le « dialogue avec les industries », qu’appelait déjà de ses vœux Robert Poujade en 1975, premier titulaire du portefeuille de ministre de l’environnement, afin de réconcilier croissance et nuisances. La nouvelle loi ambitionne de répondre à cet enjeu via l’économie circulaire et la croissance verte.

Concrètement, quelles mesures ?

Le recours à l’outil de la planification. L’article 1er de la loi dispose que les objectifs de développement industriel seront fixés dans le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET). Ainsi, les objectifs en matière de décarbonisation et d’implantation d’industries vertes seront adoptés au niveau local afin de mieux prendre en compte les spécificités des régions.

Le développement de l’économie circulaire. La sortie de statut de déchet est simplifiée : La loi pose le principe que les produits fabriqués à partir de déchets ne prennent pas le statut de déchet. Cette simplification contribue au passage d’un contrôle de l’administration non plus ex ante mais ex post (nouvel art. L541-3-4 et L541-4-5 du code de l’environnement).

Le financement de l’industrie verte. Toutes les générations sont invitées à financer la décarbonation des entreprises. Les plus jeunes via le plan épargne avenir climat, ainsi que les seniors via l’assurance vie et les plans épargnes retraite.

Nota : Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit également un crédit d’impôt investissement « industries vertes », pour encourager les entreprises à investir dans les technologies de la décarbonation (pompe à chaleur, photovoltaïque, éolien, batteries et hydrogène).

La prise en compte de critères environnementaux dans la commande publique. Les opérateurs économiques qui ne respecteraient pas leurs obligations d’établir un bilan des émissions de gaz à effet de serre (notamment entreprises de plus de 500 employés- art. L229-25 code env.) seront exclus de l’accès aux marchés publics (nouvel art. L2141-7-2 du code de la commande publique).

La loi cherche donc à fluidifier les relations entre les acteurs tout au long du cycle de vie des entreprises, depuis l’implantation des industries vertes jusqu’à la simplification de la sortie de statut de déchet.


Dérogation espèces protégées : demande d’avis au Conseil d’Etat

Dérogation espèces protégées : demande d’avis au Conseil d’Etat

La Cour administrative d’appel de Douai a sursis à statuer par un arrêt du 27 avril 2022 et interroge le Conseil d’Etat alors qu’elle est confrontée à une demande d’annulation d’une autorisation environnementale d’un parc éolien.

Elle demande à la Haute juridiction :

  • d’une part, si un porteur de projet doit déposer une demande de dérogation espèces protégées (DEP) dès lors qu’un seul spécimen est en cause
  • et, d’autre part, si le dépôt d’une demande de DEP est conditionné au seul risque d’atteinte ou également aux mesures ERC prévues par le porteur de projet.

Le Conseil d’Etat a trois mois pour se prononcer.

Source et lien : CAA Douai, 27 avril 2022, n°20DA01392

Terrains artificialisés : un projet d’ordonnance pour simplifier les procédures

Terrains artificialisés : un projet d’ordonnance pour simplifier les procédures

I. Contexte

La loi « Climat et résilience » fixe un objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif, le législateur a notamment prévu l’intervention du Gouvernement, par ordonnance, afin d’adapter les règles environnementales et urbanistiques.

Le projet d’ordonnance relative à la rationalisation de procédures d’urbanisme et environnementales vise ainsi à simplifier l’obtention des autorisation pour des projets situés sur des terrains déjà artificialisés.

Ses dispositions concernent uniquement le périmètre de certaines opérations d’aménagement associant l’État et les collectivités territoriales de façon étroite. Il est en consultation jusqu’au 9 mai 2022.

II. Analyse

L’article 226 de la loi « Climat et résilience » vise à prendre : « toutes mesures […] afin de rationaliser les procédures d’autorisation, de planification et de consultation […] pour accélérer les projets sur des terrains déjà artificialisés, dans les périmètres d’opérations de revitalisation de territoire, de grandes opérations d’urbanisme ou d’opérations d’intérêt national ».

C’est l’objet du projet d’ordonnance en consultation.

Il ne concerne que certaines opérations : les opérations de revitalisation des territoires (ORT), les grandes opérations d’urbanisme (GOU) et les opérations d’intérêt national (OIN). Les procédures ne sont donc simplifiées que si elles portent sur des projets situés dans le périmètre de ces opérations.

Le texte traite des mesures relatives aux procédures environnementales. Dans un souci de simplification et d’accélération de la procédure d’autorisation environnementale, les articles 1 et 2 du projet prévoient une substitution de l’enquête publique par une simple participation du publique par voie électronique, selon les modalités de l’article L. 123-19 du code de l’environnement. Cette disposition ne pourra profiter qu’aux opérations présentées en commission de suivi de site au sens de l’article L. 125-2-1 du code de l’environnement. 

L’article 3 du projet d’ordonnance prévoit quant à lui de faciliter l’octroi d’une dérogation « espèces protégées ». Cette dérogation est octroyée si trois conditions sont remplies[1] dont la raison impérative d’intérêt public majeur. Pour les projets soumis à déclaration d’utilité publique (DUP), la DUP vaudra raison impérative d’intérêt public majeur. Cette dernière ne pourra être contestée que lors d’un recours contre une DUP et non plus à l’appui d’un recours contre la DEP elle-même, même par voie d’exception d’illégalité.

Ensuite, différentes mesures relatives aux procédures d’urbanisme sont examinées. La procédure de consultation en matière d’opérations de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national (ORCOD-IN)[2] devra être alignée sur celle des OIN dites « classiques »[3], en vertu de l’article 4 du projet d’ordonnance.

La mesure de l’article 5 du projet d’ordonnance permettra quant à elle, pour les communes soumises à la loi « littoral », de déroger à l’obligation de continuité avec l’urbanisation existante pour les projets photovoltaïques. Cette exception sera néanmoins limitée aux friches[4].

Par ailleurs, selon l’article 6, les OIN rejoindront les ORT et les GOU dans le champ d’application de la procédure intégrée prévue à l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme. Cette procédure permet la mise en compatibilité des documents d’urbanisme (PLU, SCoT, …) avec les documents de planification de niveau supérieur, sous réserve que l’économie générale du projet ne soit pas remise en cause. De sorte que, l’adaptation des documents de planification en amont sera plus rapide, en comparaison à une déclaration de projet.

Ensuite, alors que les GOU bénéficient déjà de plusieurs dérogations aux règles d’un PLU[5], l’article 7 du projet d’ordonnance en prévoit une nouvelle. Cette exception, déjà mise en place pour les ORT via la loi « 3DS », concernera les constructions dont la destination n’est pas autorisée par le PLU, sous réserve que celle-ci contribue à la diversification des fonctions urbaines du secteur concerné.

Le projet d’ordonnance aligne également le régime des GOU sur celui des ORT pour ce qui est du constat de l’abandon manifeste d’une partie d’immeuble : dès lors que des travaux ont condamné l’accès à une partie d’un immeuble, celui-ci est déclaré en état d’abandon manifeste, au sens de l’article L. 2243-1-1 du code général des collectivités territoriales.

Enfin, l’article 8 prévoit que les OIN, GOU et ORT bénéficieront du dispositif temporaire de dispense de formalités d’urbanisme pour certaines constructions[6], d’une part. D’autre part, une dérogation à l’article L. 442-10 du code de l’urbanisme est envisagée afin de permettre une subdivision des lots d’un lotissement dès lors qu’une majorité qualifiée à la moitié est constituée, si le maire souhaite augmenter le nombre de lots (contre une majorité qualifiée de deux tiers actuellement).

Revendiquant s’inscrire dans l’objectif ZAN, l’ensemble des dispositions de ce projet d’ordonnance visent à faciliter et accélérer les procédures de reconversion du foncier.  

Ce projet d’ordonnance est ouvert à la consultation publique jusqu’au 9 mai 2022, déposez ici votre commentaire.


[1] L. 411-2, I, 2° du code de l’environnement

[2] L. 741-2 du code de la construction et de l’habitation

[3] L. 102-12 du code de l’urbanisme

[4] L. 111-26 du code de l’urbanisme

[5] L. 152-6 du code de l’urbanisme

[6] Ce dispositif est aujourd’hui prévu par le décret n°2021-812 du 24 juin 2021

Encourager le consentement à la fiscalité verte : la Cour des comptes livre ses propositions

Encourager le consentement à la fiscalité verte : la Cour des comptes livre ses propositions

I. Contexte

Huit Français sur dix se disent « inquiets » vis-à-vis du changement climatique. D’un autre côté, le mouvement des gilets jaunes est né du refus d’augmentation de la composante carbone de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Par la suite, les travaux de la Convention citoyenne pour le climat ont témoigné de ce rejet de la fiscalité dite environnementale. Il n’en ressort en effet aucun instrument fiscal performant et consensuel pour atteindre les objectifs de transition écologique et énergétique.

C’est dans ce contexte que le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de la Cour des comptes a rendu, le 9 février 2022, un rapport relatif au consentement à la fiscalité environnementale. Des propositions qui encouragent Bercy à remettre en cause le principe de non-affectation des recettes fiscales, dans le but d’encourager le consentement aux taxes vertes.

II. Analyse

Le rapport part du constat du non-consentement à la fiscalité environnementale afin de proposer différents leviers d’action pour renverser cette tendance.

Tout d’abord, d’après le Conseil des impôts, dont la définition est reprise par le rapport de la Cour des comptes (p.16) , la notion de « fiscalité environnementale » s’entend de : « l’ensemble des mesures fiscales ayant un impact sur l’environnement. Dans cette approche, une disposition prise par les Pouvoirs publics est considérée comme liée à l’environnement si elle « taxe » des éléments qui nuisent à celui-ci. Répondent à cette définition des taxes, des redevances, des allégements, des exonérations, des crédits ou remboursements d’impôts bénéficiant à certains contribuables et favorables à l’environnement ».

Pour favoriser la modification du comportement des acteurs, le système fiscal doit donc non seulement dissuader les comportements polluants (taxes) mais aussi soutenir et encourager les solutions alternatives permettant d’adopter des comportements vertueux.

Parmi les instruments proposés pour y parvenir, la Cour des comptes prône l’allocation du produit de la fiscalité environnementale aux ménages modestes et au financement de la politique environnementale dans le cadre de projets verts. Un tel fléchage (réinvestissement) de la fiscalité verte garantirait ainsi que les taxes vertes prélevées seront intégralement affectées à ces enjeux.

En effet, selon le rapport, un biais comportemental fait que les citoyens relient de façon thématique les recettes aux dépenses effectuées. En outre, le rapport recommande de réallouer une partie des recettes pour compenser les pertes de revenus des ménages affectés par la mise en œuvre de la taxe, surtout les plus modestes.

Or, la mise en place de cet instrument se heurte à deux principes juridiques, à l’origine de l’absence du fléchage de la fiscalité verte :

– le principe de non-affectation d’une recette à une dépense, d’une part ;

– le principe d’égalité devant les charges publiques, d’autre part.

a) Principe d’universalité budgétaire

Le principe d’universalité budgétaire (ou de non-affectation des recettes fiscales) est défendu par Bercy depuis de nombreuses années, car il permet au ministre des Finances de décider librement les affectations des ressources de l’État. Bien qu’il se heurte à la notion du consentement citoyen dans un contexte de taxes vertes nouvelles ou plus élevées, il bénéficie de soutiens juridiques puissants.

Tout d’abord, l’article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) proscrit l’affectation d’une recette fiscale à une dépense. Certaines dérogations sont néanmoins prévues comme les budgets annexes ou les comptes spéciaux pour le budget de l’État. Dans un précédent rapport de mars 2018 L’évolution du cadre juridique de la fiscalité affectée et le suivi des propositions formulées, la Cour des comptes défendait ce principe. Elle mettait en exergue le risque de déconnexion entre le montant des ressources allouées à une “taxe affectée“ et les besoins réels des administrations publiques.

Ensuite, le Conseil constitutionnel s’est saisi de la question et considère que l’affectation d’une recette à une dépense, en matière de fiscalité environnementale, engendrerait un effet pervers selon lequel : « [l’État], ou les organismes bénéficiaires du produit de la taxe, se trouve ainsi en position d’avoir intérêt à ce que le comportement dont l’élimination est officiellement recherchée se poursuive en réalité » (Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n°43, avril 2014).

La Cour des comptes a fait progressivement évoluer sa position ces dernières années. Dans un rapport de 2019 relatif à la fiscalité environnementale face à l’urgence climatique, elle recommande « la création d’un dispositif assurant la transparence dans l’utilisation des recettes, sans qu’il n’y ait nécessairement d’affectation juridique ». Si dans son rapport sorti le 9 février 2022 la Cour des comptes prône à nouveau l’accroissement de la transparence, elle innove en défendant l’affectation du produit de la fiscalité verte à des investissements verts et aux ménages modestes. C’est l’objet de la proposition n°9 (p.108) du rapport qui prévoit :

« [d’allouer] de manière explicite et transparente une partie des revenus de la fiscalité environnementale à des projets verts permettant notamment de développer les alternatives (baisse de la fiscalité sur les énergies vertes, solutions de transport collectif, aides à l’investissement vert) et une autre partie à la compensation des effets distributifs de la fiscalité, en particulier à destination des ménages modestes et/ou sans alternatives.»

En outre, la Cour des comptes souhaite instaurer une consultation directe des contribuables sur le choix de l’affectation des ressources issues de la fiscalité environnementale.

Le principe de non-affection d’une recette à une dépense est donc de fait remis en cause par la Cour des comptes. Des précédents ont d’ailleurs déjà été admis , tel que les redevances perçues par les agences de l’eau, affectées aux politiques de gestion des ressources en eau et à l’amélioration de leur état écologique et sanitaire.

b) Principe d’égalité devant les charges publiques

En second lieu, il découle de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC), un principe d’égalité devant les charges publiques. Or, la Cour des comptes défend la redistribution d’une partie des recettes de la fiscalité environnementale aux ménages les plus modestes. Cette redistribution est déjà admise par le Conseil constitutionnel afin « d’utiliser la fiscalité comme un outil destiné à guider les comportements des contribuables » (Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n°43, avril 2014).

Au contraire, s’agissant de la “contribution carbone“, la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2009 (n° 2009-599 DC) relative à la loi de finances pour 2010, considère que les moyens retenus par le législateur ne permettaient pas la mise en place de l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique dans des conditions respectueuses du principe d’égalité devant les charges publiques. En effet, les entreprises, qui allaient être soumises au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, détenaient pendant une certaine période des quotas obtenus gratuitement.

Les dérogations au principe d’égalité sont donc soumises à un contrôle au cas par cas. Ici, la proposition de redistribution d’une partie de la fiscalité environnementale aux ménages les plus modestes émanant de la Cour des comptes contribuera, si elle est reprise par le législateur, à éviter une censure du Conseil constitutionnel.

En définitive, ce rapport témoigne de l’implication de la Cour des comptes dans la transition écologique et énergétique. Il s’insère dans la dynamique initiée par le Conseil d’État qui a condamné l’État français, dans une décision historique du 1er juillet 2021, pour inaction face au changement climatique.

En permettant de revenir sur le principe d’universalité budgétaire, défendu depuis des années, la Cour des comptes reconnait à son tour que l’urgence écologique implique une réponse juridique à la hauteur.


Déchets du bâtiment : La consultation publique du projet de décret REP est terminée

Déchets du bâtiment : La consultation publique du projet de décret REP est terminée

Afin notamment de réduire le nombre de déchets du bâtiment dans les dépôts sauvages, le gouvernement a organisé la création d’une filière de responsabilité élargie du producteur (REP). Ainsi, la loi AGEC, adoptée en 2020, prévoit l’entrée en vigueur de cette nouvelle responsabilité pour les produits et les matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) au 1er janvier 2022.

Pour ce faire, le gouvernement a élaboré plusieurs mesures d’application de cette REP, dans un projet de décret dont la mise en consultation s’est terminée le 26 juillet 2021 (Projet de décret relatif à la responsabilité élargie du producteur pour les produits et les matériaux de construction du secteur du bâtiment).

La consultation publique du cahier des charges de la filière REP doit à présent  commencer.

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Justice climatique : le juge administratif condamne définitivement l’inertie climatique de l’État français (affaire Grande-Synthe)

Justice climatique : le juge administratif condamne définitivement l’inertie climatique de l’État français (affaire Grande-Synthe)

A l’heure où le Canada subit un épisode de chaleur extrême, le Conseil d’Etat a rendu une décision inédite en matière de justice climatique (CE, 1er juillet 2021, n°427301, affaire dite de Grande-Synthe). La Haute juridiction administrative a jugé que les mesures prises par l’Etat français étaient insuffisantes pour atteindre les objectifs climatiques européens et internationaux. Par conséquent, la juridiction a ordonné à l’Etat de « prendre des mesures supplémentaires permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre » dans un délai de 9 mois.

La lutte contre le changement climatique n’est donc pas seulement une obligation de moyen mais presque de résultat. Si l’État n’est pas à la hauteur des enjeux, le recours au juge permet de l’obliger à agir dans l’intérêt commun via des politiques publiques efficaces.

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Travaux du bâtiment : le gouvernement fixe les conditions du nouveau diagnostic pré-démolition (PMD)

Travaux du bâtiment : le gouvernement fixe les conditions du nouveau diagnostic pré-démolition (PMD)

Par deux décrets n° 2021-821 et n° 2021-822 du 25 juin 2021, le gouvernement vient préciser les conditions relatives au diagnostic dit PMD (gestion des produits, matériaux et  déchets issus du bâtiments).

L’objectif est d’apporter aux acteurs des travaux du bâtiments des règles une méthodologiques permettant de disposer d’une « carte d’identité du bâtiment », soit un document de référence, avec des données fiables et quantifiées. Il améliore le processus de déconstruction sélective, et la traçabilité des matériaux et déchets du bâtiment.

L’ancien diagnostic était critiqué à plusieurs égard : exclusivement relatif aux déchets, il était réalisé dans seulement 5 % des cas.

Le nouveau diagnostic pré-démolition (PMD) doit répondre aux attentes et objectifs en devenant une condition préalable et utile à la bonne mise en œuvre de l’économie circulaire dans le secteur du bâtiment.

Le cabinet Enckell Avocats a été associé à la concertation conduite pour l’élaboration de ce texte, en partenariat avec d’autres parties prenantes. Ce sujet, bien que technique, est indispensable, avec le tri et la traçabilité, à l’essor de l’économie circulaire du bâtiment.

Voici notre analyse des décrets.

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Terres excavées et sédiments : le gouvernement fixe les conditions la sortie du statut de déchet

Terres excavées et sédiments : le gouvernement fixe les conditions la sortie du statut de déchet

Contexte

Les travaux du BTP génèrent chaque année plus de 200 millions de tonnes de déchets et déblais. Afin d’améliorer leur gestion et de renforcer l’économie circulaire, le gouvernement a mis en place un nouvel édifice légal règlementaire depuis la loi LTECV, renforcé par la loi AGEC.

Un arrêté ministériel du 4 juin 2021 sur la sortie du statut de déchets pour les terres excavées et sédiments ayant fait l’objet d’une préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement, publié au Journal Officiel le 27 juin 2021, fixe les critères permettant à ces déchets de devenir des produits, pour plus grande acceptabilité des matières premières secondaires.

Poursuivant la démarche d’adaptation et de simplification de la prévention et de la gestion des déchets, il complète la règlementation spécifique aux terres excavées et aux sédiments et répond ainsi à une demande de sécurité juridique des professionnels du secteur (notamment pour les terres les acteurs du Grand Paris express, mais aussi pour les sédiments Voies navigables de France).

Ce texte est adopté dans la continuité de trois récents décrets pris en application de la loi AGEC (un décret sur la traçabilité des déchets, un décret sur le contrôle par vidéo des décharges, et un décret sur la sortie du statut de déchet). Ainsi, depuis que la sortie du statut de déchet n’exige plus de recourir à une installation (ICPE ou IOTA), tout producteur ou détenteur peut demander à l’autorité compétente d’en établir les critères.

C’est à ce titre que l’arrêté ministériel du 4 juin 2021 précise les critères de sortie du statut de déchet des terres excavées et des sédiments.  Que faut-il en retenir ?

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FAQ : Intégrer l’économie circulaire dans le BTP

FAQ : Intégrer l’économie circulaire dans le BTP

Elaborée dans le cadre d’une collaboration entre l’Institut National de l’Economie Circulaire et Maître Carl Enckell, cette publication identifie les leviers à mobiliser pour faciliter l’implémentation de l’économie circulaire dans le BTP.

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Opérationnel et didactique, ce document traite, sous forme de questions – réponses, un ensemble de thématiques pour réussir son projet d’économie circulaire.

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Avec la participation de nombreux partenaires. 

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Pour télécharger la FAQ, c’est ICI

Ou ici : https://institut-economie-circulaire.fr/faq-integrer-leconomie-circulaire-dans-le-btp/

Atteinte aux espèces protégées par une installation classée : le préfet doit agir (CE, 28 avril 2021, n° 440734)

Atteinte aux espèces protégées par une installation classée : le préfet doit agir (CE, 28 avril 2021, n° 440734)

Le Conseil d’Etat vient de préciser les obligations du préfet en cas d’atteinte aux espèces protégées par une installation classée (CE, 28 avril 2021, n° 440734). Si l’autorisation relative aux espèces protégées est annulée par le juge, le préfet peut suspendre l’activité en attendant sa régularisation.

Si la nouvelle demande est refusée alors que l’installation n’était initialement pas conforme à la règlementation des espèces protégées, le préfet pourra abroger l’autorisation d’exploiter (c’est-à-dire arrêter l’activité).

En revanche, si l’activité n’est plus conforme après sa mise en service, le préfet doit rechercher s’il peut prescrire des mesures complémentaires.

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Énergies renouvelables et espèces protégées : le Conseil d’État s’en remet aux juges du fond

Énergies renouvelables et espèces protégées : le Conseil d’État s’en remet aux juges du fond

Par deux décisions rendues le 15 avril 2021 (n°432158 ; n°430500), le Conseil d’État (6ème et 5èmes chambres réunies) se prononce sur l’intérêt public permettant de justifier qu’une installation de production d’énergie renouvelable entraîne la destruction d’espèces protégées.

Ces décisions s’inscrivent dans une ligne jurisprudentielle ouverte par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 4 mars 2021 renforçant la protection des espèces protégées et généralisant la procédure de dérogation en cas de destruction, même involontaire.

En s’en remettant à l’appréciation souveraine des faits par les juges du fond s’agissant du critère de l’intérêt public majeur, qui semblent essentiellement prendre en considération la quantité d’énergie renouvelable produite, le Conseil d’État adopte de son côté une position qui, bien que prudente, pourrait au cas par cas désavantager les sources de production d’énergie en plus petite quantité et inciter, paradoxalement, à concentrer les risques d’atteinte aux espèces protégées sur les plus gros projets.

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Commande publique vertueuse : obligation d’achat de certains biens issus de l’économie circulaire

Commande publique vertueuse : obligation d’achat de certains biens issus de l’économie circulaire

Un décret du 9 mars 2021 pris pour l’application de la loi dite AGEC encourage les achats publics vertueux en instaurant une obligation d’achat de certains biens issus de l’économie circulaire. Il fixe une liste de produits impliquant une part minimale issue des filières du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage.

Ce décret permet de faire un pas supplémentaire dans le sens d’un verdissement de la commande publique, instrument exemplaire du développement durable.

Le projet de loi Climat et Résilience, dont l’examen a débuté le 8 mars 2021 en commission spéciale, prévoit de poursuivre ce mouvement en renforçant notamment les clauses environnementales dans les marchés publics.

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Le zéro perte nette de biodiversité est une illusion (Le Moniteur)

Le zéro perte nette de biodiversité est une illusion (Le Moniteur)

Biodiversité : l’objectif légal de zéro perte nette est sans doute rassurant, mais c’est hélas une illusion.

Un premier avis sous forme d’interview à Sandrine Pheulpin du Moniteur, le 12 février 2021.

Pour lire, l’interview c’est ici.

Un article de fond à venir apportera une analyse plus complète des limites du cadre légal et des défis à relever pour garantir une véritable protection de la biodiversité.

Nouvelle génération d’avocats environnementalistes (Dalloz)

Nouvelle génération d’avocats environnementalistes (Dalloz)

La revue  Dalloz Avocats a consacré un dossier complet au métier d’avocat en droit de l’environnement (novembre et décembre 2020).

Toutes les facettes de la profession y sont abordées.

La journaliste Anaïs Coignac a interviewé Carl Enckell dans ce cadre, comme représentant de la « nouvelle génération d’avocats environnementalistes », que l’on peut situer entre les pionniers du droit de l’environnement et les babys lawyers.

Pour retrouver ses propos et l’article, c’est ici.

Vendre ou donner des matériaux de réemploi pour activer l’économie circulaire (Contrats Publics)

Vendre ou donner des matériaux de réemploi pour activer l’économie circulaire (Contrats Publics)

La vente de matériaux de réemploi par des maîtres d’ouvrages publics est selon les cas conditionnée par le respect de certaines règles de publicité de mise en concurrence ou de détermination du prix.

Des moyens sont mis à leur disposition pour sécuriser les transactions afin de limiter les risques d’engagement de leur responsabilité.

Notre article publié dans la revue Contrats Publics dans le cadre d’un numéro spécial consacré à « La commande publique face aux contraintes environnementales » (n° 213 d’Octobre 2020) fait le tour de la question.

Pour lire l’article c’est ici. 

Parcs éoliens & climat : l’intérêt général pris en compte par la jurisprudence

Parcs éoliens & climat : l’intérêt général pris en compte par la jurisprudence

Dans une décision rendue par la Cour administrative d’appel de Nancy en janvier 2021, le juge a reconnu l’urgence à mettre en service un parc éolien en raison de son utilité à la lutte contre la pollution et contre le réchauffement climatique. Source : CAA Nancy, ord., 19 janvier 2021, n°20NC03078.

Cette décision confirme une tendance illustrée par plusieurs décisions récentes, prenant en compte l’intérêt général de la production d’énergies renouvelables.

Retour sur cette saga jurisprudentielle en construction, qui pourrait marquer une évolution du contrôle juridictionnel des projets EnR vers un bilan coût-avantages, comme pour les opérations d’utilité publique (routes..).

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Justice climatique : Le Tribunal administratif de Paris reconnait la carence de l’Etat

Justice climatique : Le Tribunal administratif de Paris reconnait la carence de l’Etat

Après la décision du Conseil constitutionnel érigeant la protection de l’environnement au rang d’objectif à valeur constitutionnelle, ou encore la jurisprudence Commune de Grande-Synthe du Conseil d’Etat par laquelle il énonce que l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) inscrit dans l’article L.100-4 du code de l’énergie a une portée normative contraignante, la décision rendue par le tribunal administratif de Paris le 3 février 2021 ci-commentée, s’inscrit dans les lignes tracées par ces deux juridictions.

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Contrefaçon et concurrence déloyale de Facebook : la Cour de cassation confirme la double condamnation de « Fuckbook »

Contrefaçon et concurrence déloyale de Facebook : la Cour de cassation confirme la double condamnation de « Fuckbook »

Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle jouit d’un monopole d’exploitation lui permettant de s’opposer aux pratiques des tiers.

Le droit des marques confère cette protection notamment par le biais de l’action en contrefaçon (civile) permettant d’engager la responsabilité de celui qui se livre à l’une des atteintes énumérées (article L.716-4 du Code de propriété intellectuelle).

Une autre action, dite en concurrence déloyale (article 1240 et 1241 du Code civil), permet d’engager la responsabilité de celui dont le comportement s’inscrit en violation des règles du commerce, et ce en dehors de tout droit privatif.

Alors que le commerce de contrefaçon dans le monde atteint 467 Md$ (rapport de l’OCDE sur la situation mondiale du commerce de contrefaçon), les titulaires de droits intellectuels s’étant livrés à de réels investissements, s’interrogent sur les actions à conduire afin d’obtenir des sanctions, si possible lourdes et dissuasives.

Les titulaires des droits intellectuels peuvent-ils envisager le cumul de l’action en contrefaçon et de l’action en concurrence déloyale ?

C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 26 mars 2025 (Com. 26 mars 2025, FS-B, n° 23-13.589).

En l’espèce, la société Cargo Media AG exploite un site de rencontres pour adultes à caractère sexuel dénommé « Fuckbook ». Dans ce cadre, elle a acquis deux noms de domaine (« fuckbook.xxx » et « fuckbook.com »). Invoquant l’atteinte à ses droits, la célèbre société Meta Platforms Inc. (anciennement Facebook Inc.) invoque l’atteinte à ses marques renommées, la contrefaçon de marques (verbales et figuratives) ainsi qu’une concurrence déloyale.

La Cour d’appel de Paris (Paris, 28 octobre 2022) a fait droit aux demandes de la société Meta Platforms Inc. en retenant l’atteinte à la renommée des marques, prononce des mesures d’interdiction et condamne la société Cargo Media AG au paiement de dommages et intérêts.

Suite à un pourvoi formé par la société Cargo Media AG, la Cour de cassation a confirmé – par son arrêt du 26 mars 2025 – le raisonnement des juges du fond.

Le premier moyen de la société Cargo Media AG portait sur la détermination du public de référence. Elle remettait en cause la détermination du public choisi pour apprécier le risque de confusion (critère essentiel pour la qualification de contrefaçon). Elle soutenait qu’il ne pouvait s’agir du « public qui utilise les réseaux sociaux » et qu’il convenait de se livrer à une détermination plus précise.

À cet argument, qui « ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation des juges du fond », la Cour répond négativement : le public de référence – à l’appui duquel il convient d’apprécier le risque de confusion entre les marques en cause et le signe « Fuckbook » – est un public qui se confond dans la catégorie plus large du « public des services du réseau social « Facebook ».

Le public de référence peut donc être un public particulier qui entre dans une catégorie plus large. Partant de ces constatations, le risque de confusion et le risque de confusion sont confirmés.

Le second moyen de la société Cargo Media AG portait sur le cumul entre la contrefaçon et la concurrence déloyale. Elle affirmait qu’en l’espèce, un tel cumul était impossible en raison de l’absence de constatation de faits distincts de ceux à l’appui desquels avait été prononcée la contrefaçon.

C’est sur l’appréciation de ces faits distincts que réside le cœur de l’arrêt commenté.

Rompant avec le raisonnement du tribunal judiciaire, les juges de la Cour d’appel de Paris avaient en effet considéré que « les atteintes au nom commercial Facebook et au nom de domaine facebook.com constituent des faits distincts de concurrence déloyale, s’agissant de sanctionner un comportement fautif différent ».

Pour arbitrer de point, la Haute juridiction fait référence à sa jurisprudence antérieure. Les deux actions sont cumulables à condition que la concurrence déloyale résulte de faits distincts de ceux retenus pour la contrefaçon. Toutefois, il ne faut pas confondre faits distincts et faits matériels. En effet, un seul fait matériel peut caractériser des faits distincts « s’il porte atteinte à des droits de nature différente ». En l’espèce, le nom commercial et le nom de domaine se distinguent des droits détenus sur une marque. Dès lors, lorsque s’illustre un risque de confusion, les deux actions peuvent être cumulées puisqu’elles reposent sur des faits distincts (à entendre au sens de conséquences distinctes). La Cour d’appel avait retenu un tel risque résultant de la création, l’esprit du public de référence, d’une impression de continuité économique entre les deux entités. 

La dernière étape du raisonnement de la Cour porte sur la conséquence attachée à ce cumul. Elle affirme, « la victime peut obtenir, au titre de la concurrence déloyale, la réparation du préjudice distinct né de l’atteinte à la distinctivité de ses signes d’identification, tels le nom commercial ou le nom de domaine, seulement si le préjudice n’est pas déjà réparé au titre de la contrefaçon ». Pour que le cumul soit prononcé, il faut donc caractériser des préjudices distincts.

Retenons donc le possible cumul des sanctions, favorable aux titulaires de droit de propriété intellectuelle. L’arrêt s’illustre également par l’encadrement de cette possibilité, permettant d’éviter de tordre la règle non bis in idem.

La représentation artistique d’une marque de renommée à des fin d’auto-promotion est une contrefaçon (TJ Paris, 2 avr. 2025, n° 23/04114)

La représentation artistique d’une marque de renommée à des fin d’auto-promotion est une contrefaçon (TJ Paris, 2 avr. 2025, n° 23/04114)

Le droit de la propriété intellectuelle octroi à son bénéficiaire un droit exclusif d’exploitation en vertu duquel il peut s’opposer aux agissements des tiers. Cependant, des limitations au droit de propriété existent en droit des marques , même dument enregistrées (L.713-1 du Code de la propriété intellectuelle), par exemple lorsque le produit revêtu de la marque a fait l’objet d’un épuisement des droits – c’est-à-dire lorsque la première vente ou mise en circulation dans l’UE/EEE a été autorisée par le titulaire des droits – ou lorsque l’utilisation litigieuse n’a pas lieu dans la vie des affaires (CJCE, n° C-206/01, Arrêt de la Cour, Arsenal Football Club plc contre Matthew Reed, 12 novembre 2002).

Naturellement, la coexistence entre le droit privatif et les tiers conduit à des litiges quant à la juste articulation des droits de chacun. Les marques de renommée ne sont pas exemptées, d’autant que leur protection se distingue en ce qu’elle dépasse le principe de spécialité. En effet, elles jouissent d’une protection qui dépasse les produits et services pour lesquels elles sont déposées. La liberté d’expression apparaît alors comme un droit légitimement opposé.

La liberté d’expression peut-elle limiter le droit exclusif conféré au titulaire d’une marque enregistrée ?

À de nombreuses reprises, les juges du fond se sont prononcés sur l’articulation entre le droit des marques et la liberté d’expression des tiers. Citons par exemple, la possible qualification d’atteinte à la marque en cas de caricature de marques lorsque les agissements du tiers rendent compte d’une volonté d’« exploiter l’impact » de la marque déposée (TGI Paris, 4 oct. 1996) ou d’« user de la caricature et de la parodie, non pas uniquement pour railler ou faire sourire, mais aussi dans l’intention essentiellement commerciale de profiter des marques déposées pour vendre son propre produit (…) » (Paris, 9 sept. 1998). La liberté d’expression se voit alors écartée lorsque la caricature est détournée pour profiter indûment de la notoriété de la marque en cause.

Quid de la liberté d’expression artistique ? L’utilisation de la marque de renommée dans une démarche artistique fait-elle obstacle à la revendication d’actes de contrefaçon ?

C’est sur cette question que s’est prononcé le Tribunal judiciaire de Paris, le 2 avril 2025. En l’espèce, un artiste a représenté des montres Rolex dans ses œuvres, en conservant certains éléments des marques en cause, tout en modifiant le fond du cadran pour y intégrer des créations personnelles inspirées du Pop Art.

Les sociétés Rolex ont revendiqué la renommée de leurs marques – en s’appuyant notamment sur « plusieurs sondages et enquêtes de notoriété » qui placent les marques en cause parmi les plus réputées au monde – et estiment qu’il s’agit d’utilisations sans autorisation à des fins économiques (utilisation dans un clip promotionnel, diffusion sur les réseaux sociaux…). Les sociétés ROLEX ont affirmé que l’exploitation donne « l’impression d’un lien contractuel » dont il résulte une altération du « caractère distinctif de leurs marques », c’est-à-dire que l’usage artistique brouille l’image de la marque : le public ne l’associe plus uniquement à Rolex.

En réponse, l’artiste a contesée la renommée de l’ensemble des marques invoquées et affirmé que la démarche artistique faisait obstacle à ce que les sociétés Rolex revendiquent des actes de contrefaçon, « d’autant qu’aucun profit tiré de la renommée de ces marques, ni impact sur le comportement économique des consommateurs n’a été démontré ».

Après avoir rappelé la définition de la marque de renommée et ses critères d’appréciation, le Tribunal judiciaire de Paris s’est livré à un arbitrage.

D’une part, les juges du fond retiennent la renommée de certaines marques de la société Rolex : « Au vu de ces éléments, l’importance du budget publicitaire sur plusieurs années, le référencement de la marque dans la presse française, l’existence de sondages et enquêtes de notoriété, l’usage dans le temps et son étendue géographique, les sociétés Rolex démontrent la renommée de leurs marques n° 976721, n° 1355807 et n° 476371 ». Les juges du fond se livrent ainsi à une appréciation rigoureuse de la renommée et rappellent qu’« En effet, c’est uniquement les marques « Rolex » et son logo à la couronne qui jouissent d’une grande notoriété » puisque « Le dépôt de plusieurs marques concernant ces signes ne peut à lui seul caractériser leur renommée ». La démonstration de la renommée apparaît comme une étape cruciale dans la recherche de l’équilibre convoité.

D’autre part, s’agissant de la liberté d’expression, les juges du fond rappellent que la directive 2015/2436 permet de considérer que l’usage d’une marque fait par des tiers à des fins d’expression artistique est loyal lorsque celui-ci est conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. Or, tel n’est pas le cas lorsque l’usage de la marque « dépasse les usages loyaux en matière industrielle et commerciale » c’est-à-dire lorsque « l’identification de la marque sert un objectif d’auto-promotion ». En effet, les marques renommées des sociétés Rolex ont été utilisées à plusieurs reprises – parfois associées au terme « Watch » – dans un clip vidéo, sur les réseaux sociaux etc… Indéniablement, cela a participé à la création d’une impression d’un lien commercial entre les marques des sociétés Rolex et les œuvres de l’artiste, le public pertinent étant celui des amateurs de montres de luxe.

Partant de ces considérations, le Tribunal judiciaire de Paris a retenu l’atteinte à la renommée des marques en cause, condamné l’artiste pour parasitisme et ordonné notamment l’interdiction de l’usage des signes « Rolex » et le retrait de ces signes dans la vidéo promotionnelle ainsi que dans les messages sur les réseaux sociaux. La création du lien commercial a conduit à une dilution et une banalisation desdites marques.

Les juges du fond participent ainsi à la protection du droit des marques et des investissements réalisés. Il en résulte que la liberté d’expression artistique ne peut primer sur le droit des marques qu’à des conditions strictes. Dès lors, la preuve de la renommée et l’existence d’un usage déloyal sont des prérequis essentiels à l’éviction de cette liberté.

La marque de renommée est de nature à faire obstacle à la liberté d’expression artistique à la condition que la preuve de ladite renommée soit apportée et que l’usage du tiers ne soit un usage honnête conformément à la directive 2015/2436. De telles conditions sont réunies lorsque l’artiste utilise de façon déloyale la notoriété de la marque pour son auto-promotion.

Preuve d’une contrefaçon : le PV de constat d’achat établi avec un stagiaire est valable (Cour de cassation)

Preuve d’une contrefaçon : le PV de constat d’achat établi avec un stagiaire est valable (Cour de cassation)

La défense d’un dessin ou modèle de valise conduit la Cour de cassation, réunie en Chambre mixte, à rendre une solution remarquable. La Haute juridiction précise les conditions de validité d’un procès-verbal de constat d’achat établi après l’intervention d’un stagiaire du requérant.

L’article L.716-7 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens ». Parmi les options ouvertes aux titulaires des droits de propriété intellectuelle, se trouve le constat d’achat, mesure probatoire de droit commun. Cette mesure conduit à l’intervention d’une commissaire de justice (anciennement huissier de justice) qui, à la suite d’un achat, réalise un procès-verbal. Elle permet de rendre compte d’une offre faite au public de produits présumés contrefaisants. Contrairement à la saisie- contrefaçon, aucune ordonnance judiciaire n’est nécessaire.

En dépit de cette facilité d’apparence, de nombreuses règles encadrent la mise en œuvre de ladite mesure probatoire et sa validité. En effet, « les huissiers de justice peuvent (…) effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter » (rappel au considérant 7 de l’arrêt commenté) – au risque d’une requalification en saisie-contrefaçon déguisée et d’une annulation pour ce motif (Paris, 23 septembre 1998 : PIBD III, p. 79)- et, il « n’est pas autorisé à pénétrer dans un lieu privé, même ouvert au public, tel qu’un magasin, pour y recueillir des preuves au bénéfice de son mandant et, en particulier, y faire un achat, sans décliner préalablement sa qualité» (rappel au considérant 8 de l’arrêt commenté).

Pour réaliser l’achat qui précède le procès-verbal de constat d’achat, le Commissaire de Justice peut recourir à la méthode dite du « tiers acheteur » consistant à « solliciter un tiers, qui n’a pas la qualité d’officier public, afin qu’il pénètre dans un tel lieu pour y faire un achat, et, ensuite, relater les faits de ce tiers qu’il a personnellement constatés, se faire par lui remettre toute marchandise en sa possession à la sortie du magasin (…) » (rappel au considérant 9 de l’arrêt commenté).

Qui est ce tiers ? Peut-il s’agir du stagiaire du cabinet d’avocat chargé de la défense du requérant ? Si oui, à quelles conditions peut-il intervenir dans le constat sans que sa participation ne conduise à la nullité du procès-verbal réalisé par le Commissaire de Justice ?

La réponse est apportée par la Cour de cassation dans l’arrêt rendu le 12 mai 2025 (Cour de cassation, Chambre mixte, Pourvoi n° 22-20.739), après un renvoi de l’examen du pourvoi.

En l’espèce, la société Rimowa GmbH – ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de produits de bagagerie en aluminium et polycarbonate – est titulaire de droits de propriété intellectuelle sur un dessin et modèle de valises (via la protection résultant des dessins et modèles). Or, en 2016, elle observe que la société HP Design commercialisait, sous la marque « Bill Tornade » des valises, considérées par elle comme contrefaisant le modèle « Limbo Multiwheel », puisque reproduisant ses caractéristiques originales. Partant, l’avocat de la société Rimowa a sollicité un constat d’achat lequel a été consigné par procès-verbal d’huissier de justice.

En novembre 2016, elle a assigné la société HP Design et une société tierce Intersod (qui exploitait la marque « Bill Tornade »). La Cour d’appel avait fait droit aux demandes de la société Rimowa GmbH en déclarant valable le procès-verbal de constat d’achat et en condamnant in solidum les sociétés HP Design et Intersod à indemniserla société Rimowa au titre d’actes de contrefaçon et de concurrence déloyale. Un pourvoi en cassation est alors formé, la société Intersod considérant que « le principe de loyauté de l’administration de la preuve et le droit au procès équitable (…) » imposent que le tiers qui réalise l’achat « soit indépendant de la partie requérante » ce qui n’est pas le cas du stagiaire au cabinet d’avocat de la requérante. Pour la société demanderesse, l’appréciation de l’indépendance dudit tiers n’impose pas «  de s’interroger sur l’existence d’un stratagème imputable à la partie requérante ».

Confirmant le raisonnement des juges du fond sur ce point, la Cour de cassation réfute l’analyse de la société demanderesse. Pour la Cour « Il y a lieu de juger désormais que l’absence de garanties suffisantes d’indépendance du tiers acheteur à l’égard du requérant n’est pas de nature à entraîner la nullité du constat d’achat. » (considérant 18 de l’arrêt commenté). Le stagiaire, placé dans une situation de dépendance – puisque soumis à un lien de subordination vis-à-vis du cabinet du requérant – ne pouvait être considéré comme un tiers indépendant, mais cela n’a pas suffi à entraîner la nullité du procès-verbal. Désormais, la seule absence d’indépendance du tiers acheteur ne suffit plus à justifier l’annulation du procès-verbal.

Pour la Cour de cassation, ce sont les conditions de réalisation du procès-verbal qui permettent d’apprécier sa validité. En effet, elle affirme « il appartient au juge d’apprécier si, au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis, ce défaut d’indépendance affecte la valeur probante du constat» (considérant 18 de l’arrêt commenté). Or, en l’espèce, l’intensité du contrôle exercé par le Commissaire de Justice (description précise de la mise en œuvre traduisant une vérification minutieuse et un encadrement du stagiaire – qui entre sans sac puis lui remet aussitôt la valise et la facture) et l’absence de déloyauté (mention de l’identité et de la qualité du tiers acheteur dans le procès-verbal ainsi que l’absence de démonstration d’un quelconque stratagème) conduisent la Cour à considérer que le défaut d’indépendance n’affecte pas le caractère objectif des constatations du procès-verbal.

Observons que le positionnement de la Haute juridiction est marqué par une volonté assumée de prendre en considération les « divergences d’application parmi les juges du fond et des critiques de la part de la doctrine et de praticiens, qui ont souligné sa rigueur excessive » (considérant 12 de l’arrêt commenté).

Toutes ces circonstances particulières justifient cet arrêt remarquable, qui apparaît comme un revirement d’arrêts antérieurs tel que celui rendu huit ans plus tôt (Civ. 1re, 25 janv. 2017, F-P+B, n° 15-25.210).

Enfin, ajoutons qu’en l’espèce, la Cour de cassation vient également sanctionner les juges du fond quant à la qualification de concurrence déloyale. En effet, « En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser des faits distincts portant atteinte à des droits de nature différente de ceux dont la méconnaissance a été réparée sur le fondement de l’action en contrefaçon, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. » (considérant 33 de l’arrêt commenté).