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Atteinte aux espèces protégées par une installation classée : le préfet doit agir (CE, 28 avril 2021, n° 440734)

par | 7 Mai 2021

Le Conseil d’Etat vient de préciser les obligations du préfet en cas d’atteinte aux espèces protégées par une installation classée (CE, 28 avril 2021, n° 440734). Si l’autorisation relative aux espèces protégées est annulée par le juge, le préfet peut suspendre l’activité en attendant sa régularisation.

Si la nouvelle demande est refusée alors que l’installation n’était initialement pas conforme à la règlementation des espèces protégées, le préfet pourra abroger l’autorisation d’exploiter (c’est-à-dire arrêter l’activité).

En revanche, si l’activité n’est plus conforme après sa mise en service, le préfet doit rechercher s’il peut prescrire des mesures complémentaires.

Contexte

La dérogation au régime de protection des espèces délivrée à une carrière a été annulée par le juge à deux reprises (forme et fond). Entre temps, le régime de l’autorisation environnementale a été unifié, et celle-ci doit désormais inclure la dérogation (art. L181-2 du code env.). En conséquence, le préfet du Doubs a mis en demeure l’exploitant de régulariser sa situation en déposant une nouvelle demande. Il a également provisoirement suspendu l’activité de la carrière sur le fondement de ses pouvoirs de sanctions administratives (art. L171-7 code Env.). Par son arrêt du 28 avril 2021, le Conseil d’Etat confirme la légalité de l’arrêté préfectoral et précise les suites de la procédure.

Analyse

1. Atteinte aux espèces protégées : le préfet doit mettre en œuvre ses pouvoirs de sanctions administratives

Tout d’abord, le préfet a l’obligation de se servir de ses pouvoirs de sanctions administratives pour que les installations respectent la législation des espèces protégées. L’annulation par le juge de la dérogation espèce protégée impose donc au préfet de « mettre en œuvre les pouvoirs qu’il tient de l’article L. 171-7 du code de l’environnement », notamment « en édictant des mesures conservatoires pouvant aller jusqu’à la suspension de l’exploitation de l’installation en cause jusqu’à ce qu’il ait statué sur une demande de régularisation ».

Sur ce point, il semble important de rappeler que, dès le lancement du projet, le pétitionnaire doit spontanément présenter un « dossier de demande de dérogation aux interdictions de destruction d’espèces protégées », si celui-ci est « susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales protégées et de leurs habitats » (CAA Bordeaux, 9 mars 2021, n° 19BX03522).

Par conséquent, lorsqu’une telle dérogation (atteinte aux espèces protégées) est nécessaire et qu’elle fait défaut, dès le début ou en cours d’exploitation, comme ici en raison d’une annulation, l’exploitant a l’obligation de demander la régularisation. A défaut, le préfet doit le mettre en demeure d’y procéder et peut suspendre l’exploitation pendant son instruction.

Par cette décision, le Conseil d’Etat vient renforcer la protection de ces espèces, récemment rappelée par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE, 4 mars 2021, C‑473/19, C-474/19).

2. Conséquence des sanctions administratives : le préfet peut ajouter des prescriptions ou mettre l’activité à l’arrêt

Une fois que l’exploitant a présenté sa demande de régularisation, le préfet va devoir apprécier si, au moment où il prend sa nouvelle décision, la dérogation est justifiée au regard de l’atteinte portée aux espèces protégées.

En l’espèce, la dérogation initialement octroyée a ensuite été annulée. Le préfet doit donc tirer « les conséquences de la décision juridictionnelle d’annulation et de l’autorité de chose jugée qui s’y attache ». Autrement dit, le juge ayant annulé deux fois la dérogation de l’exploitant de la carrière (notamment car l’activité ne présentait pas une raison impérative d’intérêt public majeur), il est fort probable que le préfet refuse de la renouveler.

Dans ce cas, l’autorisation d’exploitation au titre des ICPE (devenue autorisation environnementale depuis le 1er mars 2017) sera considérée comme incomplète, et le préfet pourra l’abroger, c’est-à-dire arrêter l’activité. L’annulation de la dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées est donc lourde de conséquences. On note d’ailleurs que cette conséquence n’avait pas été envisagée par le rapporteur public dans ses conclusions sous cette affaire.

Également, l’exploitant soutenait que la dérogation ne s’imposait plus au jour de la régularisation, puisque la zone ne comportait plus d’espèces protégées en raison du défrichement autorisé et réalisé du terrain. Le Conseil précise ici que le préfet doit dans un tel cas : « rechercher si l’exploitation peut légalement être poursuivie en imposant à l’exploitant (…) des prescriptions complémentaires ». Le préfet a donc la possibilité de prescrire, notamment par une nouvelle autorisation environnementale, des mesures complémentaires pour que l’activité tienne « compte du caractère illégal des atteintes portées aux espèces protégées ». Les nouvelles mesures devront compenser ces atteintes, notamment en ajoutant des conditions de remise en état ou encore en adaptant les « conditions de l’exploitation et notamment sa durée ». Le préfet a donc une marge de manœuvre pour concilier le maintien de l’activité et la préservation de la biodiversité.

Bilan

Lorsqu’une ICPE est susceptible de porter atteinte aux espèces protégées, l’exploitant doit spontanément présenter une demande de dérogation. S’il n’y procède pas, ou que la dérogation disparait en cours d’exploitation, notamment en cas d’annulation par le juge, le préfet doit lui imposer de régulariser sa situation via une nouvelle demande. Saisi d’une telle demande, le préfet peut accorder la dérogation ou la refuser, ce qui pourra alors entraîner l’abrogation de l’autorisation environnementale (l’arrêt d’activité).

Auparavant, le préfet doit rechercher si le maintien de l’activité est possible en complétant l’arrêté initial par des mesures complémentaires (évitement, compensation…).

La question reste de savoir si cette solution s’applique également lorsqu’une nouvelle espèce protégée apparait après la mise en service. Le juge pourrait-il alors considérer que la dérogation qui n’avait pas été envisagée doit être demandée et obtenue ? La décision au fond du Conseil d’Etat sur cette affaire apportera peut-être plus de précisions.

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Le Département Infrastructures et Matériaux du Cerema Méditerranée organise une Conférence Technique Territoriale le 12 octobre 2023 :

« Economie circulaire dans le BTP : développements et perspectives sur notre territoire« .

Maitre Rosalie Amabile, responsable du bureau de Marseille du cabinet Altes, y interviendra sur le thème du « Cadre juridique de l’économie circulaire : commande publique et BTP »

Le nombre de places est limité et la conférence aura lieu uniquement en présentiel sur le site d’Aix-en-Provence.

Les inscriptions sont obligatoires et se font par internet via ce lien.

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Le Club des avocats environnementalistes (CDAE) organise son prochain colloque à la Maison des Avocats le jeudi 28 septembre 2023, autour de la très importante et actuelle thématique de l’eau.

L’eau : entre protection de la ressource et conflits d’usages.

A cette occasion, notre associé Carl Enckell interviendra tout particulièrement sur le sujet de la « Circularité de l’eau : freins et leviers de la réglementation ».

Inondations : l’État a exagéré les risques (jurisprudence cabinet)

Inondations : l’État a exagéré les risques (jurisprudence cabinet)

Par un jugement du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 27 juillet 2021 rendant immédiatement opposables certaines prescriptions du projet de Plan de prévention des risques inondation (PPRi) (art. L. 562-2 et R. 562-2 code env.).

I. Contexte

Un PPRi vise à délimiter les zones exposées au risque d’inondation et réglementer l’urbanisation (permis de construire, usage des bâtiments en zone inondable…) (art. L. 562-1 code env.). Selon le niveau de risque, les constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations sont interdits, encadrés ou autorisés.

Le risque peut notamment être lié aux aléas de submersion de cours d’eau et de submersion marine. Ces aléas – de modérés à très forts – sont modélisés selon la hauteur de l’eau ainsi que sa dynamique (rythme d’écoulement et vitesse de montée en cas d’inondation).

La qualification des risques par les services de l’État ayant des conséquences directes sur les droits à construire, des documents méthodologiques de référence ont été élaborés pour garantir son homogénéité sur l’ensemble du territoire (par ex., circulaire du 27 juillet 2011, guide méthodologique de mai 2014). Depuis un décret de 5 juillet 2019 relatif aux « plans de prévention des risques concernant les aléas débordement de cours d’eau et submersion marine », ces recommandations ont une valeur réglementaire.

II. Motifs d’annulation : des risques d’inondation surévalués

En l’espèce, le juge a constaté que la qualification des aléas de débordement de cours d’eau et de submersion marine par les services de l’État excédait les critères prévus par les différents documents de référence précités, ce dont il déduit l’illégalité de l’arrêté rendant ces prescriptions opposables immédiatement.

S’agissant de l’aléa de submersion marine, le juge relève que le rapport de présentation du PPRi n’évoque pas la prise en compte de la dynamique de l’eau (un des critères à prendre en compte avec la hauteur de l’eau). S’agissant de l’aléa de submersion de cours d’eau, le dossier du projet de PPRi ne démontre pas une vitesse de montée des eaux dont il résulterait une dynamique forte (vitesse d’écoulement dépassant rarement 0.50 m/ s).

La cartographie résultant de l’évaluation des aléas étant irrégulière, les projets de constructions situés sur la commune du Barcarès (Pyrénées-Orientales) restent donc soumis à la cartographie précédente des risques (dernier plan approuvé).

Source : TA Montpellier, 5ème chambre, 27 juin 2023 – n° 2106773

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