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Justice climatique : le juge administratif condamne définitivement l’inertie climatique de l’État français (affaire Grande-Synthe)

par | 2 Juil 2021

A l’heure où le Canada subit un épisode de chaleur extrême, le Conseil d’Etat a rendu une décision inédite en matière de justice climatique (CE, 1er juillet 2021, n°427301, affaire dite de Grande-Synthe). La Haute juridiction administrative a jugé que les mesures prises par l’Etat français étaient insuffisantes pour atteindre les objectifs climatiques européens et internationaux. Par conséquent, la juridiction a ordonné à l’Etat de « prendre des mesures supplémentaires permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre » dans un délai de 9 mois.

La lutte contre le changement climatique n’est donc pas seulement une obligation de moyen mais presque de résultat. Si l’État n’est pas à la hauteur des enjeux, le recours au juge permet de l’obliger à agir dans l’intérêt commun via des politiques publiques efficaces.

Contexte

Dès 2018, la commune littorale de Grande Synthe, exposée aux effets du changement climatique, et plusieurs associations, ont demandé à l’Etat de mettre en place des mesures supplémentaires afin de respecter la trajectoire climatique dessinée par l’Accord de Paris. Par une décision de novembre 2020, le Conseil d’État a demandé à l’Etat, dans un délai de trois mois, de justifier que son refus de prendre de telles mesures était compatible avec les objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) qu’il s’est fixé volontairement (l’objectif initial de 37 % par rapport à 2005 d’ici à 2030 fixé par l’Union européenne ayant été rehaussé par la France à 40% de réduction en 2030 par rapport à 1990).

Analyse

Par cette seconde décision du 1er juillet 2021, le Conseil d’État condamne définitivement l’inertie climatique de l’État français.

Le Conseil d’Etat juge notamment que la réduction d’émissions de GES en 2019 reste limitée et que celle de 2020 est due à la crise sanitaire qui a « conduit à une forte réduction du niveau d’activité et, par voie de conséquence, du niveau des émissions de gaz à effet de serre ». De plus, le Conseil prend en compte l’avis du Haut conseil pour le climat (HCC) sur le projet de loi « Climat et résilience », les rapports du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), et du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui convergent tous pour conclure à l’insuffisance des mesures prises par l’Etat pour respecter les objectifs fixés.

Le Conseil ajoute que les objectifs climatiques ont été relevés par l’Union européenne à 55% d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Le Conseil note enfin que le projet de loi « Climat et résilience », d’ailleurs remanié par le Sénat cette semaine, ne pourrait pas permettre d’atteindre l’objectif ainsi assigné.

Par conséquent, les mesures supplémentaires nécessaires pour infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre n’ont pas été prises par l’État français, de sorte qu’il doit y remédier dans un délai de 9 mois. Il est à noter que ce délai prendra fin à l’approche de l’élection présidentielle.

Cette décision très attendue s’inscrit dans un mouvement d’ébullition de la justice climatique, tant nationale, qu’internationale. Il faut en effet rappeler le jugement dit de « l’affaire du siècle », dans lequel le tribunal administratif de Paris a reconnu l’Etat responsable du préjudice écologique né de son inaction climatique. Le tribunal judiciaire de Nanterre a également jugé que le plan de vigilance climatique et social de Total, dépassait le strict cadre de la gestion de la société commerciale, touchait la société en son ensemble et relevait en l’occurrence de la responsabilité sociale de l’entreprise.

Au niveau européen, la Cour suprême de La Haye dans l’affaire « Urgenda » a considéré que l’État néerlandais avait l’obligation d’atteindre un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 25% d’ici la fin de 2020 par rapport aux niveaux de 1990 » (La Haye Supreme Court, 20 décembre 2019, n°19/00135). Plus récemment, le tribunal de La Haye a condamné la société Shell à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 45% d’ici 2030 par rapport au niveau de 2010.

Ainsi, la justice climatique est de plus en plus contraignante autant vis-à-vis des États que des acteurs privés, notamment les entreprises. Nous pouvons donc nous demander si, à l’instar des Pays-Bas, cette décision Grande-Synthe condamnant l’Etat français, ne préfigure pas la mise en cause d’entreprises françaises pour inaction climatique.

           Carl Enckell et Chloé Le Juez – Enckell Avocats

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Le Département Infrastructures et Matériaux du Cerema Méditerranée organise une Conférence Technique Territoriale le 12 octobre 2023 :

« Economie circulaire dans le BTP : développements et perspectives sur notre territoire« .

Maitre Rosalie Amabile, responsable du bureau de Marseille du cabinet Altes, y interviendra sur le thème du « Cadre juridique de l’économie circulaire : commande publique et BTP »

Le nombre de places est limité et la conférence aura lieu uniquement en présentiel sur le site d’Aix-en-Provence.

Les inscriptions sont obligatoires et se font par internet via ce lien.

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Le Club des avocats environnementalistes (CDAE) organise son prochain colloque à la Maison des Avocats le jeudi 28 septembre 2023, autour de la très importante et actuelle thématique de l’eau.

L’eau : entre protection de la ressource et conflits d’usages.

A cette occasion, notre associé Carl Enckell interviendra tout particulièrement sur le sujet de la « Circularité de l’eau : freins et leviers de la réglementation ».

Inondations : l’État a exagéré les risques (jurisprudence cabinet)

Inondations : l’État a exagéré les risques (jurisprudence cabinet)

Par un jugement du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 27 juillet 2021 rendant immédiatement opposables certaines prescriptions du projet de Plan de prévention des risques inondation (PPRi) (art. L. 562-2 et R. 562-2 code env.).

I. Contexte

Un PPRi vise à délimiter les zones exposées au risque d’inondation et réglementer l’urbanisation (permis de construire, usage des bâtiments en zone inondable…) (art. L. 562-1 code env.). Selon le niveau de risque, les constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations sont interdits, encadrés ou autorisés.

Le risque peut notamment être lié aux aléas de submersion de cours d’eau et de submersion marine. Ces aléas – de modérés à très forts – sont modélisés selon la hauteur de l’eau ainsi que sa dynamique (rythme d’écoulement et vitesse de montée en cas d’inondation).

La qualification des risques par les services de l’État ayant des conséquences directes sur les droits à construire, des documents méthodologiques de référence ont été élaborés pour garantir son homogénéité sur l’ensemble du territoire (par ex., circulaire du 27 juillet 2011, guide méthodologique de mai 2014). Depuis un décret de 5 juillet 2019 relatif aux « plans de prévention des risques concernant les aléas débordement de cours d’eau et submersion marine », ces recommandations ont une valeur réglementaire.

II. Motifs d’annulation : des risques d’inondation surévalués

En l’espèce, le juge a constaté que la qualification des aléas de débordement de cours d’eau et de submersion marine par les services de l’État excédait les critères prévus par les différents documents de référence précités, ce dont il déduit l’illégalité de l’arrêté rendant ces prescriptions opposables immédiatement.

S’agissant de l’aléa de submersion marine, le juge relève que le rapport de présentation du PPRi n’évoque pas la prise en compte de la dynamique de l’eau (un des critères à prendre en compte avec la hauteur de l’eau). S’agissant de l’aléa de submersion de cours d’eau, le dossier du projet de PPRi ne démontre pas une vitesse de montée des eaux dont il résulterait une dynamique forte (vitesse d’écoulement dépassant rarement 0.50 m/ s).

La cartographie résultant de l’évaluation des aléas étant irrégulière, les projets de constructions situés sur la commune du Barcarès (Pyrénées-Orientales) restent donc soumis à la cartographie précédente des risques (dernier plan approuvé).

Source : TA Montpellier, 5ème chambre, 27 juin 2023 – n° 2106773

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