Dans une décision rendue par la Cour administrative d’appel de Nancy en janvier 2021, le juge a reconnu l’urgence à mettre en service un parc éolien en raison de son utilité à la lutte contre la pollution et contre le réchauffement climatique. Source : CAA Nancy, ord., 19 janvier 2021, n°20NC03078.
Cette décision confirme une tendance illustrée par plusieurs décisions récentes, prenant en compte l’intérêt général de la production d’énergies renouvelables.
Retour sur cette saga jurisprudentielle en construction, qui pourrait marquer une évolution du contrôle juridictionnel des projets EnR vers un bilan coût-avantages, comme pour les opérations d’utilité publique (routes..).
Un an auparavant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a reconnu, au sujet d’un parc éolien, « l’intérêt public qui s’attache au développement des énergies renouvelables dans le respect des objectifs chiffrés fixés notamment au plan national à l’article L. 100-4 du code de l’énergie pour répondre à l’urgence écologique et climatique », pour suspendre l’exécution d’un refus d’autorisation et délivrer une autorisation environnementale à titre provisoire. Source : CAA Bordeaux, juge des réf., 9 janv. 2020, n° 19BX04305.
La Cour administrative d’appel de Nantes a également jugé, au sujet de la réalisation d’un parc éolien off-shore, qu’il participe « à la mise en œuvre des politiques publiques menées aux niveaux européen, national et local », dont l’objet est de réduire « les émissions de gaz à effet de serre, [lutter] contre le réchauffement climatique et plus globalement de [préserver] l’environnement ». Ainsi, il « [répond], eu égard à sa nature et aux intérêts économiques sociaux qu’il présente, à une raison impérative d’intérêt public majeur », justifiant ainsi qu’un tel projet soit autorisé, à titre dérogatoire, alors même qu’il est susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat. Source : CAA de Nantes, 3 juill. 2020, n°19NT01583.
Ces trois décisions peuvent marquer une évolution de la ligne jurisprudentielle ouverte par le Conseil d’État dès 2012, avec sa décision Engoulevent. Source : CE, 13 juill. 2012, Engoulevent, n°345970.
Il y énonce en effet que les projets éoliens ont une importance particulière, en ce qu’ils présentent un intérêt public, naissant de la satisfaction de sa contribution à la satisfaction d’un besoin collectif par la production d’électricité vendue au public.
Les trois décisions rendues par les cours administratives d’appel vont néanmoins plus loin, en ce que dorénavant, l’autorité compétente semble pouvoir procéder à une balance des intérêts en présence, pour apprécier la légalité de l’autorisation délivrée au parc éolien.
En outre, plus récemment encore, le Conseil d’État a franchi un nouveau pas avec sa décision Commune de Grande-Synthe. Il y énonce en effet que l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre tel qu’inscrit dans l’article L.100-4 du Code de l’énergie a une portée normative, laissant ouverte la question de la valeur juridique des autres objectifs portant notamment sur l’augmentation de la part des énergies renouvelables d’ici 2030. Source : CE, 19 nov. 2020, Commune de Grande-Synthe et autres, n°427301.
Cette évolution jurisprudentielle devrait inciter les opérateurs des projets EnR (éolien, mais aussi solaire, hydro, biomasse) à systématiser dans leurs dossiers (étude d’impact) les études démontrant la contribution à la réduction des émissions de gaz à effets de serre (GES).
L’enjeu des émissions de GES a par ailleurs récemment conduit le tribunal administratif de Paris à condamner l’État. Source : TA Paris, 3 février 2021, req. n° 1904967 et a.