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Autorisation unique des installations énergétiques : le décret est légal (Arrêt Conseil d’Etat du 30 décembre 2015)

par | 7 Jan 2016

Dans un arrêt rendu le 30 décembre 2015 par les 6ème et 1ère sous-sections réunies, le Conseil d’Etat vient de rejeter, assez sèchement, le recours déposé par plusieurs associations anti-éolien contre le décret du 2 mai 2014 relatif à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement.

Le Conseil valide notamment les formalités de publicité simplifiées et le délai de recours réduit (deux mois) prévus contre les autorisations uniques, qui semblaient soulever les questions juridiques les plus sérieuses (CE, 30 décembre 2015, req. n° 380503).

Nous vous proposons de prendre connaissance de notre analyse à propos de cet important arrêt.

1.Contexte

La nouvelle procédure d’octroi de l’autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (autrement dit permis environnemental ou permis unique) a réuni contre elle plusieurs associations anti-éoliennes, notamment par ce qu’elle est destinée à faciliter l’octroi des autorisations de construction et d’exploitation des parcs éoliens.

On rappellera pour mémoire que la nouvelle procédure d’autorisation unique a été introduite par une ordonnance du 21 mars 2014 prise sur le fondement d’une habilitation législative (loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises).

C’est dans ce contexte que l’association Fédération environnement durable, l’association Vent de colère, l’association Vieilles maisons françaises et autres ont demandé au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement.

Dans son arrêt du 30 décembre 2015, le Conseil vient de rejeter, assez sèchement, ce recours (CE, 30 décembre 2015, req. n° 380503).

Les griefs des requérants étaient principalement dirigés contre le titre premier du décret, relatif à certaines installations de production d’énergie renouvelable, et plus particulièrement contre les nouvelles formalités de publicité et de recours des autorisations relatives aux parcs éoliens.

L’autorisation unique pour ces projets énergétiques réunit l’ensemble des autorisations nécessaires à la réalisation d’un projet : autorisation ICPE, permis de construire, autorisation de défrichement, dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées (le cas échéant) et autorisation au titre du code de l’énergie.

Le décret attaqué du 2 mai 2014 a pour objet de préciser les conditions d’application du régime de l’autorisation unique et, notamment, de prévoir les modalités de délivrance de cette nouvelle catégorie d’autorisation.

2. Analyse de l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 décembre 2015

a. Formalités de publicité et délai de recours des tiers contre l’autorisation unique de certaines installations énergétiques (parcs éoliens notamment)

En pratique, avec l’autorisation unique, les tiers disposent d’un délai de recours de 2 mois à compter de la plus tardive de ces formalités :

– la publication au recueil des actes administratifs de la décision

– l’affichage en mairie dans les formes prévues aux articles R. 512-39 (à savoir un extrait de l’arrêté, pendant un mois au minimum

– la publication d’un avis, inséré par les soins du préfet et aux frais de l’exploitant, dans un journal du département intéressé

– éventuellement, la publication sur le site internet de la préfecture (en effet, le même extrait que celui affiché à la mairie doit être également publié sur le site internet de la préfecture qui a délivré l’acte – article R. 512-39 I 2° du code de l’environnement).

Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie (article 25 du décret n°2014-450 du 2 mai 2014).

Pour mémoire, ces nouvelles modalités de recours contentieux sont, pour les tiers, bien plus limitées qu’elles ne l’étaient au préalable : Il leur était jusqu’à présent loisible d’attaquer :

  • l’autorisation ICPE
  • le permis de construire,
- l’autorisation de défrichement, le cas échéant
  • la dérogation « espèces protégées », le cas échéant

  • l’autorisation au titre du code de l’énergie, le cas échéant

Désormais, avec l’autorisation unique, un seul recours est possible.

Les nouveaux délais de recours et formalités de publicité ont également considérablement évolué :

  • une autorisation ICPE pouvait être contestée dans un délai de 4 ans (jusqu’en 2010), puis un an (depuis 2010) puis 6 mois puis même 4 mois pour le cas des installations d’élevage et de production d’énergie renouvelable.
  • un permis de construire peut faire l’objet d’un recours des tiers dans les 2 mois à compter de l’affichage sur le terrain

Avec l’autorisation unique, le délai de recours est réduit à deux mois sans condition d’affichage sur le terrain.

Dans son arrêt du 30 décembre 2015, le Conseil d’Etat valide ces nouvelles modalités de recours contentieux pour les motifs suivants :

  • s’agissant de la légalité externe, parmi les différents motifs retenus par le Conseil d’Etat pour rejeter les arguments de procédure développés par les requérants, on retiendra que les nouvelles formalités de publicité et délai de recours des tiers contre l’autorisation unique de certaines installations énergétiques adoptées par l’article 25 du décret ne diffèrent pas du projet adopté par la section des travaux publics du Conseil d’Etat lors de sa séance du 14 mars 2014. La section des travaux publics a pour mission d’examiner les projets de texte (lois, ordonnances et décrets) notamment relatifs à la protection de l’environnement, à l’urbanisme et à l’énergie ; ce qui implique que le Conseil d’Etat avait déjà admis, dans sa formation réunie pour avis, le nouveau régime de recours.
  • s’agissant de la légalité interne, la Haute Assemblée juge que dès lors que l’autorisation unique de certains projets énergétiques se substitue à plusieurs régimes d’autorisation sur le fondement de législations distinctes, « il était loisible au pouvoir réglementaire, dans un souci de simplification administrative, de définir des conditions d’exercice du droit de recours permettant de ménager un juste équilibre entre les intérêts du pétitionnaire, de l’administration et du justiciable ».
  • le décret peut donc, pour ces raisons, écarter la condition d’un affichage de l’autorisation analogue à ce qui est prévu en matière d’urbanisme (à savoir sur les parcelles composant le terrain d’assiette du projet ou à proximité des accès de ce terrain).

Le Conseil d’Etat semble donc s’en tenir à un contrôle restreint des mesures de simplification décidées par l’autorité réglementaire.

L’argument d’un juste équilibre entre les intérêts du pétitionnaire, de l’administration et du justiciable pourra certainement être débattu, ces derniers pouvant reprocher à la deuxième d’avoir favorisé les premiers à travers la réforme.

Nous retiendrons pour notre part que la suppression d’une condition d’un affichage sur le terrain au profit d’un affichage en mairie est l’exact contraire de ce que les professionnels de l’urbanisme ont obtenus avec la réforme des autorisations d’urbanisme en 2007, ce qui peut paraître piquant.

En effet, les professionnels de l’immobilier ont alors fait valoir, au regard de différents cas, que le point de départ du délai de recours doit être maitrisé par le seul pétitionnaire, au risque d’instaurer une fragilité juridique : le titulaire de l’autorisation était alors tributaire du bon vouloir de l’administration qui non seulement pouvait tarder à procéder à son affichage mais en outre, pouvait tout simplement omettre de procéder à cet affichage ou, plus spécifiquement, d’en constituer la preuve (avec à la clé un point de départ différé du délai de recours en cas d’affichage incomplet ou inaccessible).

Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, il est probable que la règle d’un affichage de l’autorisation unique en mairie engendre des effets pervers mal anticipés. A ce stade, et bien que l’autorité réglementaire ait eue la mémoire courte, le Conseil d’Etat ne semble pas avoir pris en considération cette circonstance, il est vrai à l’opposée des intérêts défendus par les requérants.

b. Participation des représentants des exploitants d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent à la Commission départementale de la nature, des paysages

Le Conseil d’Etat valide également la participation de représentants des exploitants d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent à la Commission départementale de la nature, des paysages, que le préfet peut réunir facultativement pendant l’instruction de la demande d’autorisation unique. Pour les motifs suivants, qui nous paraissaient assez classiques  :

  • tous les membres désignés au sein de cette commission administrative sont soumis au principe d’impartialité et doivent, à ce titre s’abstenir de participer aux délibérations lorsqu’ils ont un intérêt personnel à l’affaire qui en est l’objet (article 13 du décret du 8 juin 2006 relatif à la création, la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif)
  • le principe d’impartialité ne fait nullement par lui-même obstacle à ce que soit prévue la désignation, au sein de cette commission, de représentants des exploitants d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent
  • en outre, eu égard à la compétence spécifique de cette commission en matière de risques sanitaires et technologiques, il ne saurait être soutenu que les représentants de ces exploitants ne pourraient être regardés comme des personnes qualifiées au regard de l’objet de cette commission dans le cas de projets de parc éoliens

c. Principe de participation du public

Le Conseil d’Etat juge enfin que le principe de participation du public n’a pas non plus été méconnu :

  • les stipulations de la convention d’Aarhus invoquées par le requérants (article 6 point 4 sur article 8 sur la participation du public) ne sont pas opposables car elles « créent seulement des obligations entre les Etats parties à la convention » et, donc « pas de droits dont les particuliers pourraient directement se prévaloir ».
  • le principe de participation du public du 4° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, il « se borne à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d’autres lois ».
  • les garanties afférentes au droit à un recours effectif découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et des stipulations de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sont pas méconnues dès lors que les demandes d’autorisation unique font l’objet d’une enquête publique qui participe, notamment, à l’information des tiers sur l’existence du projet.

3. Une réforme toujours en cours

Soulignons pour finir, au-delà de ce commentaire d’arrêt, que le régime de l’autorisation unique a déjà été modifié une première fois depuis le décret du 2 mai 2014 et qu’il devrait même encore évoluer, s’agissant des installations énergétiques concernées (titre 1er) :

  • l’expérimentation concernait initialement seulement certaines régions mais a été généralisée à toutes les régions depuis le 1er novembre 2015.
  • l’autorisation unique pourrait en définitive ne plus englober le permis de construire (il pourrait même être proposé de supprimer la condition du permis de construire pour les parcs éoliens) et son délai de recours pourrait repasser à 4 mois…

Devant ces évolutions successives, on ne peut s’empêcher de se remémorer les sages propos de Mireille Delmas-Marty, soulignant que, en matière de règle de droit, il faut toujours éviter la démagogie de la simplicité, et privilégier une pédagogie de la complexité.

Les réformes du droit de l’environnement seraient bien avisées de toujours s’en inspirer.

Parc agrivoltaïque : le tribunal administratif de Dijon permet la régularisation du projet

Parc agrivoltaïque : le tribunal administratif de Dijon permet la régularisation du projet

La société Nièvre Agrisolaire a obtenu trois permis de construire, délivrés par arrêtés du préfet de la Nièvre en janvier 2023 pour l’implantation d’une centrale photovoltaïque au sol comprenant modules, quinze postes de transformation, et un poste de livraison.

Saisi d’un recours formé par des associations, le tribunal administratif de Dijon a rendu son jugement le 26 janvier 2024. Il procède à un recensement minutieux des arguments du dossier, notamment l’étude d’impact, établissant la nature agrivoltaïque du projet. Celle-ci résulte de l’association entre des panneaux photovoltaïques et la production de fourrages agricole de haute qualité incluant un séchoir thermovoltaïque.

Le juge reconnait ensuite des fragilités juridiques mais permet la régularisation du projet via la production d’un complément à l’étude d’impact puis un permis modificatif (jugement TA Dijon, 1re ch., 26 janv. 2024, n° 2300854).

Les communes objet du projet n’ayant pas de PLU, c’est le RNU qui s’applique.

1. Reconnaissance de la nature agrivoltaïque du projet

La question de la nature agrivoltaïque du projet relève au moins autant de la législation de l’énergie que de celle de l’urbanisme.

Ainsi, la définition d’une installation agrivoltaïque est désormais inscrite à l’article L. 314-36 du code de l’énergie, résultant de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (dite APER). Parmi d’autres conditions, la production agricole doit être l’activité principale de la parcelle agricole. La consultation publique du projet de décret d’application s’est quant à elle terminée en janvier 2024.

Les permis de construire objets du jugement du tribunal administratif de Dijon le 24 janvier 2024  sont antérieurs à la loi, ce qui peut expliquer pourquoi il ne s’y réfère pas. En revanche, le jugement procède à un recensement minutieux des arguments du dossier, notamment l’étude d’impact, établissant la nature agrivoltaïque du projet. Le juge administratif recourt ainsi en quelque sorte à la technique jurisprudentielle dite du « faisceau d’indices » :

  • le projet implique le remplacement de cultures céréalières et oléo-protéagineuses exploitées sur les parcelles d’assiette par une production fourragère dite « de haute qualité » répondant aux enjeux du plan dit « K végétales » lancé par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation à la fin de l’année 2020.
  • la centrale solaire  « sera construite de façon à permettre le maintien d’une activité agricole au sein des parcelles », avec notamment des distances minimales entre les rangs de modules photovoltaïques adaptées à la circulation des engins agricoles.
  • un séchoir thermovoltaïque dimensionné à l’organisation de l’exploitation assurera la production d’un fourrage séché en grange, d’une valeur nutritive notablement supérieure à celle du fourrage en champs et offrant de meilleurs débouchés commerciaux

Le tribunal relève également que « les ouvrages de production d’énergie et le séchoir concourent à la réalisation d’un même projet […] à savoir la construction d’un parc dit « agrivoltaïque », associant à la production d’électricité celle d’un fourrage » (considérant 13).

Enfin, le tribunal juge que le séchoir thermovoltaïque que la société envisage de construire (bâtiment de 80 mètres) concourt à la qualification de projet agrivoltaïque, dans la mesure où il permettra la production d’un fourrage à proximité du siège de l’exploitation, avec un débouché économique pour l’agriculteur.

Au vu de ces éléments, et alors même qu’il implique un changement du type de culture exercé sur le terrain (75 hectares de maïs), il apparait que la production agricole sera significative par rapport à la production d’électricité.

2. Les arguments rejetés par le tribunal

Le juge rejette les moyens avancés par les requérants s’agissant de l’appréciation satisfaisante et proportionnée des incidences du projet sur les paysages et le patrimoine culturel.

Le tribunal a également rejeté le moyen selon lequel l’étude d’impact serait insuffisante du fait du manque d’estimation des émissions attendus (pollution air eau sol sous-sol) puisque les parcelles concernées font déjà l’objet d’une exploitation agricole intensive.

Les moyens relatifs à l’illégalité de l’enquête publique sont également rejetés, ainsi que celui concernant la dérogation espèce protégée, en soulignant que l’obtention de la dérogation conditionne uniquement la mise en œuvre du permis de construire, mais pas sa légalité.

3. Les arguments accueillis par le tribunal

Le juge accueille néanmoins deux des arguments de procédure avancés par les requérants.

Le premier concerne le périmètre de l’étude d’impact (considérant 14). En effet, le juge rappelle que l’article L. 122-1 du code de l’environnement dispose que tout projet constitué de plusieurs interventions dans le milieu naturel doit être évalué dans son ensemble, même en cas de fractionnement dans le temps et l’espace, afin de comprendre ses incidences environnementales globales.

Le tribunal conclut que la construction du séchoir est nécessaire en raison du changement de type de culture induit par le parc photovoltaïque. Ces deux éléments concourent à la réalisation d’un même projet, qualifié d’agrivoltaïque. Par conséquent, l’étude d’impact aurait dû couvrir l’ensemble du projet, y compris la construction du séchoir.

Il estime que l’absence d’analyse des incidences environnementales du séchoir dans l’étude d’impact constitue une insuffisance préjudiciable à l’information complète de la population.

Le second moyen concerne la notion d’ensemble immobilier unique (considérant 49). L’article L. 421-1 du code de l’urbanisme requiert une autorisation de construire pour toute construction, même sans fondations. Selon l’article L. 421-6, la construction d’un ensemble immobilier unique devrait normalement faire l’objet d’une seule autorisation, sauf si l’ampleur et la complexité du projet justifient des permis distincts. Les requérants reprochent à la société Nièvre Agrisolaire de ne pas avoir inclus le séchoir dans ses demandes de permis, bien que celui-ci soit considéré comme essentiel pour maintenir des activités agricoles significatives sur les parcelles du projet.

Le tribunal affirme que le parc photovoltaïque et le séchoir, bien que distincts du point de vue technique et économique, forment un ensemble immobilier unique en raison de leurs liens fonctionnels et de leur impact sur le maintien des activités agricoles.

L’absence de présentation du séchoir dans les demandes de permis rend donc impossible une évaluation globale par l’autorité administrative du respect des règles d’urbanisme et de la protection des intérêts généraux.

4. Conséquences du jugement

Le juge fait usage de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme  et soumet le projet à régularisation pour chacun de ces deux vices, permettant ainsi de sauver le projet. En effet, s’agissant du périmètre de l’étude d’impact, il demande la production d’un complément à celle-ci. Quant à la qualification d’ensemble immobilier unique comprenant le séchoir, un permis modificatif est sollicité.

L’affaire sera donc à nouveau jugée dans quelques mois une fois la procédure de régularisation accomplie.

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

La société EcoDDS, éco-organisme de la filière des déchets diffus spécifiques ménagers, a demandé l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 27 novembre 2020 n°2020-1455 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs (REP), pris pour application de la loi AGEC.

Par une décision du 10 novembre 2023 n° 449213, publié au Journal Officiel n°0264 du 15 novembre 2023, le Conseil d’Etat a confirmé la solidité juridique du régime de la responsabilité élargie du producteur (REP) en apportant certaines précisions utiles (I).

Un des moyens présentés a cependant été retenu par le juge, relatif au mandat de représentation des producteurs (article R. 541-174 du code de l’environnement). Son annulation emporte des conséquences importantes immédiates pour les éco organismes (II).

I. Les dispositions conformes à la loi

La redevance versée à l’ADEME. Elle n’est pas une condition financière préalable au sens de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Les missions de suivi de l’Ademe sont également conformes à la loi AGEC.

La résorption des dépôts sauvages. Il revient au cahier des charges de chaque éco-organisme de prévoir au cas par cas si les coûts de ramassage et de traitement des déchets illégalement abandonnés sont pris en charge. Par ailleurs, ce dispositif ne méconnait pas les dispositions du TFUE relatives aux restrictions quantitatives, ni les objectifs de la directive Déchets s’agissant des couts nécessaires à la gestion des déchets.

Les garanties financières en cas de défaillance. Un dispositif financier a été créé pour garantir la continuité du service des éco-organismes (art R. 541-119 du code de l’environnement). Le terme « défaillance » est interprété de manière large, englobant toutes les situations pouvant compromettre la continuité du service public de gestion des déchets, tels que l’arrêt de l’activité, le non-renouvellement de l’agrément, ou des événements imprévus.

La consultation de l’Autorité de la concurrence n’était pas nécessaire, car les contrats types et l’uniformité des contributions n’entravent pas le libre choix des producteurs en matière de prix ou de conditions de vente.

La possibilité de prendre en charge les frais de mise en place des éco-organismes via les éco-contributions. Le Conseil juge que les frais de mise en place (le plus souvent engagés lors du dossier de candidature à l’agrément) peuvent être couverts par l’écocontribution au même titre que les frais de fonctionnement (considérant 47 de l’arrêt). En pratique, cette prise en charge sera rétroactive, puisque les fais de mise en place sont engagés avant l’agrément des éco-organismes.

Le soutien aux collectivités d’outre-mer. Le principe de planification par les éco-organismes est jugé conforme aux dispositions de la directive Déchets. La planification dans les collectivités d’outre-mer, régies par l’article 73 de la Constitution, sera mise en œuvre dans les cas où leurs performances sont inférieures à la moyenne métropolitaine.

Le barème amont. L’article R. 541-110 du code de l’environnement dispose que le cahier des charges peut détailler les modalités d’application du barème amont défini par la loi (L. 541-10-2 code env.). Le Conseil d’État valide cette disposition, au regard de la procédure transparente d’élaboration de ce barème, qui offre des garanties suffisantes et ne portant pas atteinte au principe de « bon rapport cout-efficacité ».

Par ailleurs, les modalités d’agrément des éco-organismes, la création et la compétence des comités des parties prenantes, la modulation de l’écocontribution, le rôle de l’organisme coordonnateur, les modalités d’autocontrôle sont également jugés conformes à la loi.

II. La disposition contraire à la loi : le mandat de subrogation pour les producteurs (art. R. 541-174 code env.)

2.1. Motifs de l’annulation

La société EcoDDS a obtenu l’annulation du décret en ce qu’il introduit l’article R. 541-174 dans le code de l’environnement. Cet article autorisait tout producteur, indépendamment de son origine, à déléguer à un mandataire la responsabilité « d’assurer le respect des obligations liées au régime de responsabilité élargie des producteurs », cette personne serait « subrogée dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur » dont il acceptait le mandat.

Le Conseil d’État relève d’abord que la directive Déchets prévoit seulement une possibilité de mandat pour les producteurs qui commercialisent sur le territoire national des produits élaborés dans autre Etat (art. 8bis §5 de la directive). Dans ce cas, le mandataire est chargé d’assurer le respect des obligations qui découlent du régime de la REP.  La directive souligne en outre que les Etats membres peuvent définir d’autres exigences, telles que l’enregistrement l’information et la communication des données qui doivent être remplies par le mandataire, afin de suivre et de vérifier les obligations du producteur établi à l’étranger.

Ensuite, le Conseil d’État relève que la loi AGEC a partiellement transposé ce point de la directive à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, sans mention d’un mandat, et en prévoyant simplement, pour les producteurs, l’obligation de « pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ». La loi aborde ensuite la mise en place d’éco-organismes agrées auxquels les producteurs transfèrent leur obligation en contrepartie d’une contribution financière.

Ainsi, d’une part, seul le décret transpose cette disposition de la directive, et, d’autre part, selon des modalités singulièrement différentes. En effet, l’article R. 541-174 du code de l’environnement résultant du décret prévoit que le mandat :

  • est permis à tous les producteurs (produisant en France ou à l’étranger)
  • et qu’il emporte une subrogation intégrale dans les obligations du producteur

Ce qui a une portée beaucoup plus large qu’un simple mandat au sens du droit des obligations (art. 1346 et suivants du code civil). La responsabilité attachée à un mandat classique (articles 1984 et suivants du code civil) est plus limitée. Ainsi, dans le cas du mandat avec subrogation, le mandataire doit répondre des obligations du mandant vis-à-vis des tiers. Par exemple les pénalités contractuelles dues aux éco-organismes. Au contraire, dans le cas du simple mandat, le mandant est responsable des actes du mandataire (la responsabilité du mandataire ne pouvant être engagée envers les tiers que dans le cas où il méconnait le mandat).

Les conclusions du Rapporteur public, Nicolas Agnoux, permettent d’éclairer l’arrêt sur ce point : « Ces dispositions entretiennent ainsi une confusion entre la possibilité, prévue au paragraphe 5 de l’article 8 bis de la directive, de désigner un simple « mandataire » chargé d’agir au nom et pour le compte du producteur, sans transfert de responsabilité, conformément à la définition qu’en donne le code civil (art. 1984 et 1998) et un régime de subrogation entraînant, comme l’indique la deuxième phrase de l’article, un transfert de la responsabilité élargie du producteur. Or cette seconde hypothèse apparaît non seulement contraire à la directive (CE, 13 juillet 2006, 281231) mais également entachée d’incompétence en ce qu’elle régit les obligations civiles des opérateurs ».

Pour ces raisons, le Conseil d’État juge que le pouvoir règlementaire a excédé sa compétence. L’article R. 541-174 du code de l’environnement est annulé dans son intégralité et immédiatement, sans effet différé.

2.2. Conséquences de l’annulation

Le fondement réglementaire de la subrogation intégrale ayant disparu avec l’annulation de l’article R. 541-174 code env., les mandats passés sont a minima devenus inopposables à l’administration sur ce point (cad les dispositions contractuelles désignant les mandataires des producteurs comme interlocuteurs « exclusif » de l’éco-organisme).

L’annulation emportant en outre des effets rétroactifs, l’article est censé n’avoir jamais existé, ce qui peut nécessiter une reconstitution du passé par l’administration. Cela peut donc également remettre en question les poursuites engagées et les sanctions déjà infligées à des mandataires en lieu et place des producteurs (les pénalités au titre des dispositions contractuelles spécifiques à chaque éco-organisme mais aussi au besoin les amendes administratives tel que prévu à l’article L. 5421-10-11 code env.). En cas de préjudice (risque de remboursement notamment), la responsabilité de l’État pourra être engagée.

Pour mémoire, en faisant reposer la responsabilité sur les épaules du mandataire, le décret d’application de la loi AGEC partait d’une bonne intention, consistant à faciliter les possibilités de poursuites vis-à-vis de producteurs situés à l’étranger en cas de dysfonctionnement.

De ce fait, désormais, si un producteur établi à l’étranger importe sa production en France, il est seul soumis au régime de la responsabilité élargie du producteur. Dans la mesure où il méconnaitrait ses obligations, l’éco-organisme doit le poursuivre directement et pas son mandataire.

Un mandat simple de représentation demeure possible. De même les cas particuliers ou des groupes ou maisons mères sont désignés mandataires par leurs filiales doivent pouvoir être pris en compte par les eco-organismes, y compris avec une responsabilité solidaire si elle est librement consentie.

2.3. Suites possibles

Une solution serait que le législateur vote une disposition reprenant les termes de l’article R. 541-174 du code de l’environnement, à savoir la possibilité d’un mandat avec subrogation intégrale pour les producteurs, sous réserve de sa conventionnalité et de sa constitutionnalité. Elle ne sera cependant valable que pour l’avenir, sans effets rétroactifs.

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Le Département Infrastructures et Matériaux du Cerema Méditerranée organise une Conférence Technique Territoriale le 12 octobre 2023 :

« Economie circulaire dans le BTP : développements et perspectives sur notre territoire« .

Maitre Rosalie Amabile, responsable du bureau de Marseille du cabinet Altes, y interviendra sur le thème du « Cadre juridique de l’économie circulaire : commande publique et BTP »

Le nombre de places est limité et la conférence aura lieu uniquement en présentiel sur le site d’Aix-en-Provence.

Les inscriptions sont obligatoires et se font par internet via ce lien.

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