Generic selectors
Exact matches only
Search in title
Search in content

Création des Zones Economiques Exclusives maritimes sous juridiction française : sanctuaire halieutique ou nouvel eldorado ?

par | 19 Nov 2012

1719443_eolien.jpgQue faut-il penser de la création des zones économiques exclusives (ZEE) maritimes sous juridiction française, en méditerranée et peut être demain sur la façade atlantique ?

Au motif de protéger la ressource halieutique, la France vient de remplacer la Zone de Protection Ecologique (ZPE) de 70 miles créée en méditerranée en 2004 pour la remplacer par une Zone Economique Exclusive (ZEE).

Mais le décret du 12 octobre 2012 est intervenu sans consultation préalable du public.

Un autre projet de décret relatif aux îles artificielles, installations, ouvrages situés dans les ZEE, ZPE et sur le plateau continental a quant à lui été mis en consultation.

L’un des enjeux de la mise en place de ce dispositif est le développement des parcs éoliens off shore et la solidité de son cadre juridique.

Les ZEE portent sur des superficies très importantes et emporteront très certainement de nombreuses conséquences économiques, politiques, sociales, juridiques et environnementales.

carte ZEE.png

i. Qu’est-ce qui distingue les ZPE des ZEE ?

Comme son nom l’indique, la Zone Economique Exclusive (ZEE) n’a pas la même vocation que la Zone de Protection Ecologique (ZPE).

La première, la Zone de Protection Ecologique (ZPE), a été délimitée en 2004 et était destinée à sanctuariser cet environnement, après les accidents maritimes de l’Erika en 1999 et du Prestige fin 2002.

La seconde, la ZEE, est régie par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (ou Convention dite de Montego Bay) de 1982 et permet aux Etats côtiers d’étendre leurs prérogatives au-delà des douze milles de la zone de la mer territoriale et ce jusqu’à deux cents milles maximum.

Plus précisément, d’après l’Union International pour la Conservation de la Nature (UICN), les zones économiques exclusives (ZEE) sont l’une des innovations majeures du droit de la mer.

Nées d’une revendication politique fortement exprimée par les pays en développement, en particulier les États africains, qui ne pouvaient admettre le prélèvement sans limite de ressources halieutiques à proximité de leur mer territoriale, les ZEE sont surtout un outil dont la « finalité économique (…) est évidente puisque les droits souverains de l’État côtier sont étendus aux activités d’exploration et d’exploitation à des fins économiques. Les quelques exemples (production d’énergie à partir de l’eau, des courants et des vents) donnés par la Convention [3] n’épuisent pas la liste des activités placées sous le régime des droits souverains, pas plus qu’ils ne signifient que lesdites activités sont limitées au domaine de l’énergie marine ».

       Ainsi, la création d’une ZEE permet:

       – à un Etat côtier de limiter, s’il le souhaite le prélèvement de la ressource halieutique au delà de la limite des 12 miles

      – de bénéficier de l’exclusivité du droit d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles, ce qui permet par conséquent de monétiser l’octroi des permis de recherche et d’exploitation

Or, la communication gouvernementale a été beaucoup plus discrète sur ce dernier point.

 i. La transformation de la ZPE en ZEE présentée comme une réponse à la pêche intensive

Le projet de transformer la ZPE de Méditerranée en ZEE a avant tout été présenté comme un renforcement des outils juridiques permettant d’encadrer les activités maritimes susceptibles de porter atteinte à l’environnement (Plan d’action pour le milieu marin Méditerranée Occidentale).

On peut à ce titre rappeler la déclaration du Ministre de l’Environnement Jean Louis Borloo en 2009, selon laquelle la création d’une ZEE en méditerranée relevait d’un objectif de protection des ressources halieutiques :« Nous changeons de politique parce que les prélèvements sur les ressources, notamment halieutiques, qui viennent des bateaux du monde entier sans aucun contrôle, sauf dans les eaux territoriales, ne sont pas supportables ».

Le journal Le Monde relevait cependant déjà qu’en décrétant une ZEE, la France s’accordait également le droit de réguler l’activité de pêche, « mais aussi d’exploiter le sous-sol (pétrole, énergies marines, minerais…). », ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

iii. Que s’est-il passé le 12 octobre 2012 ?

Finalement, c’est seulement par un décret du 12 octobre 2012 qu’a été supprimée la ZPE qui existait au large de la Provence, pour lui substituer une ZEE.

Des associations et des élus y voient un lien juridique avec le permis exclusif de recherche dit « Rhône-Maritime ». De même, un lien a été fait entre la création d’une ZEE en méditerranée et des phases de prospection sismique, avec des conséquences envisagées sur les cétacés.

En pratique, on peut craindre que le manque de transparence qui a précédé l’adoption de ce décret nourrice les soupçons. C’est regrettable à double titre :

– D’abord parce que le principe de concertation et de transparence sont désormais devenu la règle en matière de politique environnementale.

– Ensuite, parce que ce dispositif induits de très importants enjeux économiques.

iv Que peut-on en attendre ?

Le manque de transparence qui a prévalu jusqu’à présent fait craindre au juriste de mauvaises surprises, pouvant conduire à la remise en cause du dispositif « ZEE ».

A trop les prendre les citoyens pour des irresponsables, on en arrive à desservir les thèses que l’on croit défendre. Un autre exemple ? la France n’a pas encore fini de débattre des conséquences de l’octroi discret des permis de recherche de gaz de schiste à l’été 2010.

Il serait infiniment regrettable que des effets dominos  liés aux conditions d’approbation du cadre juridique des ZEE viennent également impacter le développement des énergies renouvelables et plus particulièrement l’implantation de parcs éoliens off shore au-delà de 12 miles nautiques.

Les industriels attendent, depuis de nombreuses années, qu’un cadre stable permette d’exploiter les énergies marines et Il est donc fondamental que les investissements colossaux que cela implique reposent sur des bases juridiques solides.

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

En France, la valorisation des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers) est courante, notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Elle est notamment encadrée par un arrêté ministériel et un guide technique d’application.

En revanche, en Suisse, la législation fédérale impose l’enfouissement des mâchefers, alors que les espaces disponibles pour le stockage empiètent sur les terres agricoles et, donc, la souveraineté alimentaire.

Un récent arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023) juge que l’obligation de solidarité des cantons ne leur permet pas de rechercher seuls des solutions innovantes et plus vertueuses.

Les mâchefers d’incinération de déchets ménagers

L’incinération des déchets ménagers répond aux enjeux de l’économie circulaire. Elle doit être privilégiée à l’enfouissement, selon la hiérarchie des modes de traitement des déchets (réduire, réutiliser, recycler).

Cependant, ce mode de traitement génère des mâchefers, c‘est à dire des résidus d’incinération. Ils représentent un peu moins de 20% des déchets incinérés, soit de l‘ordre de 3 millions/tonnes de mâchefers/an en France (pour 120 centrales traitant 14,5 millions de tonnes de déchets/an) et 700 000 tonnes/an en Suisse (pour 30 centrales traitant 4 millions de tonnes de déchets/an).

En Europe, les usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) suisses sont réputées pour leur modernités et leurs performances, notamment en termes de rejets. Pourtant, alors que les mâchefers peuvent être avantageusement valorisés, notamment dans les travaux publics, la loi fédérale suisse (Ordonnance dite « OLED » du 4 décembre 2015), impose leur élimination en décharge.

Dans le canton de Genève, suite à a l’opposition des habitants suscitée face à un projet de création de nouvelle décharge pour stocker des mâchefers sur une zone agricole, une initiative cantonale a prôné le recyclage de ces déchets comme alternative à l’enfouissement.

L’arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024

Toutefois, dans un arrêt rendu le 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023), le Tribunal fédéral a confirmé le jugement de première instance et annulé cette initiative pour deux motifs principaux :

  • la compétence en matière environnementale relève de la Confédération et non des cantons, ce qui limite la marge de manœuvre cantonale dans ce domaine (point 2.3.5 de l’arrêt)
  • la loi fédérale de protection de l’environnement impose aux cantons de collaborer pour planifier la gestion et l’élimination des déchets au-delà de leurs frontières. Cette obligation implique une participation active et constructive à la recherche de solutions communes dans le cadre de la loi (point 2.3.4 de l’arrêt)

En d’autres termes, seul un accord l’échelon confédéral peut permettre la valorisation des mâchefers d’incinération de déchets ménagers plutôt que leur enfouissement.

Cette situation rappelle les tensions en France liées aux arrêtés municipaux « anti-OGM ». Le juge administratif avait alors rappelé que la police des OGM relève de la police spécial de l’État et que le principe de précaution ne permet pas au maire d’excéder ses compétences (CE, 24 septembre 2012, 342990, Publié au Recueil Lebon).

Une modification à venir du cadre légal fédéral ?

Suite à l’arrêt rendu par le tribunal fédéral suisse, le Conseil d’État genevois (organe exécutif cantonal) a mis en avant, dans un rapport du 4 novembre 2024, la nécessité de recourir à des « procédés innovants » pour valoriser les mâchefers. Il souligne que cette initiative cantonale pourrait constituer une expérimentation visant à « démontrer à la Confédération le bien-fondé de la modification du cadre légal fédéral ». Cette évolution règlementaire serait destinée à permettre :

  • une plus grande valorisation des mâchefers et, par conséquent, la réduction des volumes de déchets enfouis
  • tout en maîtrisant les risques environnementaux et en respectant le principe de coopération intercantonale.

La France peut à ce titre se prévaloir de déjà disposer d’un cadre juridique permettant la valorisation complète des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers), notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Cette pratique est notamment encadrée par un arrêté ministériel du 18 novembre 2011 et un guide technique d’application du Cerema.

Les professionnels du secteur sont représentés en France par l’Association Nationale pour l’utilisation des Graves de Mâchefers en travaux publics (ANGM) et en Europe, par la Fédération internationale du recyclage (FIR), tout particulièrement son groupe « Incinerator bottom ash ».

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Par deux jugements du 3 décembre 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les recours dirigés contre un projet de centrale solaire de 20 MW situé en région Nouvelle Aquitaine (TA Limoges, 3 décembre 2024, 2101881, 2101882 et 2101873). Le développeur du projet était défendu par le cabinet Altes.

Le tribunal a jugé que le projet respectait la réglementation locale d’urbanisme (1) et qu’il n’engendrait pas d’impact environnemental ou paysager (2).

1/ La centrale solaire respecte la réglementation d’urbanisme

Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que le préfet est compétent pour délivrer les autorisations d’urbanisme pour les ouvrages de production d’énergie (art. L422-2, b. du code de l’urbanisme). Parallèlement, la commune ou l’intercommunalité est compétente pour fixer la réglementation d’urbanisme.

1.1. Pas d’illégalité du PLU

Les requérants invoquaient l’« exception d’illégalité » de la règle du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune autorisant des « constructions industrielles concourant à la production d’énergie (centrale solaire PV…) » dans un secteur dédié aux activités sportives, touristiques et de loisir.

Le juge a écarté ce moyen en considérant que le développement des énergies renouvelables n’était pas incompatible avec la promotion de ces activités.

1.2. Pas d’obligation de sursis à statuer en attendant le nouveau PLU en cours d’élaboration

Les requérants reprochaient au préfet de ne pas avoir sursis à statuer sur la demande de permis. Cette possibilité prévue par le code de l’urbanisme (articles L. 153-11 et L. 424-1), concerne le cas où un projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU.

Le juge exerce un contrôle restreint sur l’utilisation ou non de cette faculté, limitée à l’erreur manifeste d’appréciation (voir en ce sens CE, 26 janv. 1979, n° 01485).

Le tribunal juge sur ce point que le seul projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du futur PLU ne justifiait pas un sursis à statuer au regard de son contenu : « eu égard à leur portée et à leur caractère général et en l’absence de zonage les concrétisant, les orientations précitées du PADD ne peuvent être regardées comme traduisant un état d’avancement du projet de plan local d’urbanisme suffisant à fonder une décision de sursis, compte tenu de la localisation du projet en litige ».

Il a sur ce point confirmé la jurisprudence selon laquelle un sursis ne peut être pris que si le projet de PLU forme une quasi-norme, formalisée et décantée (voir en ce sens CE, 9 déc. 1988, n° 68286 ; CE, 21 avril 2021, n°437599, conclusions du RP ; et aussi par ex. CAA Bordeaux, 9 juill. 2020, n° 19BX00571). Ainsi, l’exécution du PADD n’étant pas compromise ou rendue plus onéreuse, le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

2/ La centrale solaire n’emporte aucun impact environnemental ou paysager sur le golf voisin

Les requérants contestaient enfin les impacts du projet sur l’environnement (art. R. 111-26 du code de l’urbanisme). Cependant, le tribunal juge que la localisation du projet dans une zone agricole non artificialisée ne permet pas d’établir des atteintes à l’environnement.

Les autres impacts présumés sur le paysage (art. R. 111-27), notamment un impact visuel sur un golf voisin, des risques liées aux retombées de balles, des impacts sur le drainage du terrain, ainsi qu’une dépréciation de la valeur du golf ne sont pas matériellement démontrés, d’autant plus que le projet répond efficacement à chacun de ces présumés impacts, notamment grâce à la topographie et des mesures d’insertion.

Ces jugements constituent un signal encourageant pour le développement des énergies renouvelables, même dans un contexte local parfois éprouvant. Ils démontrent également l’importance de la coordination entre le préfet et la commune dans le processus de délivrance des permis des installations de production d’énergie. Ainsi que, au besoin, l’utilité d’un accompagnement juridique des promoteurs pour limiter le risque d’annulation.

Autorisation environnementale : le juge peut forcer sa régularisation malgré l’inertie du préfet (CAA Douai, 29 août 2024)

Autorisation environnementale : le juge peut forcer sa régularisation malgré l’inertie du préfet (CAA Douai, 29 août 2024)

La procédure dite de régularisation « dans le prétoire » a été inscrite au code de l’environnement en 2017 pour faire aboutir des projets industriels et d’énergies renouvelables (notamment parcs éoliens) malgré des recours en justice. En pratique, elle peut durer et demeurer aléatoire. Cette décision démontre l’efficacité du dispositif, y compris si l’Etat, après avoir accordé une autorisation illégale, refuse in fine de la régulariser. En octroyant la régularisation malgré le refus du préfet, le juge se comporte comme un administrateur et se substitue à l’inertie de l’Etat.

En l’espèce, suite à un recours dirigé contre l’autorisation environnementale d’un projet éolien, le juge administratif avait pris un sursis à statuer (SAS) dans l’attente de sa régularisation. Deux ans plus tard, la société n’avait toujours pas obtenu l’arrêté préfectoral nécessaire à la continuité de son projet. Finalement, la Cour administrative d’appel de Douai délivre elle-même la régularisation attendue, après avoir jugé que l’inertie de l’administration était illégale (CAA Douai, 29 août 2024, 24DA00695).

1/ Une innovation prétorienne

Le recours direct contre un refus de régularisation est possible. Un refus tacite de régularisation est un acte administratif faisant grief, de sorte qu’il peut faire l’objet d’un recours. La particularité est l’articulation de ce recours mené par la société porteur du projet éolien, avec celui entamé initialement par les opposants contestant ledit projet.

Les opposants ont demandé l’annulation de l’arrêté d’autorisation environnementale alors que la société demande, quatre ans plus tard, l’annulation du refus de régulariser la même autorisation environnementale. Suivant les conclusions de sa rapporteure publique, la Cour juge que ce nouveau recours implique un recours distinct (voir en ce sens CE, 9 novembre 2021, Sté Lucien Viseur req. 440028 B), n’y reconnaissant que le statut d’observateur aux opposants.

La rapporteure publique recommande également aux juges d’examiner la légalité du refus de régularisation avant de poursuivre l’instance dirigée contre l’autorisation initiale suspendue.

Le silence opposé par le préfet à une demande de régularisation vaut refus. En l’espèce, le préfet n’avait pas explicitement refusé la demande de la société mais s’était contenté de rester silencieux.

Pour conclure que cette inertie équivaut à un refus, la Cour se base sur le délai du droit commun énoncé à l’article L.231-1 du code des relations entre le public et l’administration. Ainsi, le principe est que silence gardé par l’administration (deux mois après la demande) vaut acceptation. Par exception, le silence vaut refus dans certains cas, tel que la demande d’autorisation d’un projet soumis à étude d’impact environnemental (annexe du décret 2014-1273 du 30 octobre 2014).

La Cour juge que la demande de la société tendant à la délivrance d’une autorisation modificative, « devait conduire le préfet à apprécier s’il impliquait une modification substantielle ou seulement notable du projet autorisé. Dans la mesure où, d’une part, l’une ou l’autre de ces modifications était susceptible de justifier soit une nouvelle étude d’impact, soit une modification de l’étude d’impact et où, d’autre part, l’autorisation d’un projet soumis à étude d’impact environnemental déroge au principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation » (considérant 11). Une décision tacite est donc née, mais elle vaut refus. En outre, une décision tacite de refus est par principe illégale dans la mesure où elle n’est pas motivée.

Un nouvel exemple du juge administrateur. Le juge n’a pas régularisé l’acte spontanément. C’est seulement au vu de la durée de la procédure de régularisation et de l’inertie de l’administration qu’il fait usage de ses pouvoirs de plein contentieux et se substitue à l’administration pour permettre à la continuité du projet. La rapporteure publique souligne que reconnaître cette action est le seul moyen de combattre la tendance de l’administration de refuser de statuer expressément sur certains projets éoliens.

Ainsi, la Cour précise que « [le juge administratif] a, en particulier, le pouvoir d’annuler la décision par laquelle l’autorité administrative a refusé l’autorisation sollicitée puis, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d’accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu’il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions » (considérant 31). La formulation de ce considérant de principe laisse entendre que le juge peut régulariser ou compléter la procédure, avant d’accorder lui-même l’autorisation.

2/ Comment procéder lorsque la procédure de régularisation n’aboutit pas ?

La procédure ordinaire : classique mais robuste. Dans le cas où l’acte est susceptible d’être régularisé, le juge sursoit à statuer en fixant un délai pour l’administration (article L. 181-18, I, 2° du code de l’environnement).

Le recours des tiers dirigé contre l’autorisation est alors suspendue jusqu’à ce que le préfet statue sur la mesure de régularisation. De plus, le Conseil d’Etat a précisé, dans un avis contentieux, que le juge doit user de ses pouvoirs de régularisation lorsque les conditions en sont réunies à le faire (CE, avis contentieux, 10 novembre 2023, n° 474431). La régularisation est donc devenue le principe, et non pas une simple faculté.

Enfin, le dépassement éventuel du délai fixé par le juge pour mener la procédure de régularisation ne constitue pas une entrave (Voir en ce sens CE, 16 février 2022, Société MSE la Tombelle, req. 420554, 420575  à propos de la régularisation d’un permis de construire selon l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, « [le juge administratif] ne saurait se fonder sur la circonstance que ces mesures lui ont été adressées alors que le délai qu’il avait fixé dans sa décision avant dire droit était échu pour ne pas en tenir compte dans son appréciation de la légalité du permis attaqué »).

La procédure finalisée par le juge : une exception. Le juge a certes l’obligation de sursoir à statuer en l’attente de l’acte de régularisation. Mais si celui-ci tarde à arriver, en raison d’un blocage du préfet, comment agir ?

En suivant l’exemple du cas d’espèce, le porteur du projet, doit d’abord procéder aux formalités qui lui incombent nécessaires pour régulariser les vices constatés (par ex. mise à jour du dossier).

Il doit ensuite demander à l’administration, au besoin après qu’elle ait finalisé les formalités à même de régulariser l’autorisation illégale (par ex. demande d’avis ou enquête publique complémentaire) de délivrer une autorisation modificatrice, à savoir un arrêté préfectoral complémentaire portant régularisation.

Si l’administration refuse explicitement ou ne répond pas, le porteur de projet peut saisir le juge pour contester cette décision. Si la décision préfectorale de refus est jugée illégale, c’est le juge qui accordera – le cas échéant après avoir régularisé ou complété la procédure – lui-même l’autorisation aux conditions qu’il fixe.

Share This