Il prévoit d’importantes et nombreuses modifications du cadre juridique de la concertation et de l’enquête publique et soulève des questions sérieuses, aussi bien en ce qui concerne les risques réels de vices de procédures qu’il engendre que de l’utilité du référendum local prévu.
Une première lecture laisse penser que certaines dispositions pourraient neutraliser (ou contrebalancer selon les points de vue) les objectifs poursuivis par la simplification du droit de l’environnement au travers du dispositif de l’autorisation unique.
Réformer le dialogue environnemental par voie d’ordonnance plutôt que de passer par un débat devant le Parlement, c’est presque une oxymore.
Le projet d’ordonnance relative à la démocratisation du dialogue environnemental, prévue par la loi pour la Croissance du 6 août 2015, vient pourtant d’être diffusé aux acteurs intéressés.
Il sera examiné les 3 et 10 février par la Commission spécialisée sur la modernisation du droit de l’environnement, puis sera soumis le 16 février à l’avis du Conseil national de la transition écologique.
Le Ministère de l’Environnement a invité les acteurs intéressés à faire part de leurs avis dans un délai très bref.
Le projet d’ordonnance peut être consulté ici.
La lettre du Ministère de l’Environnement aux membres de la commission spécialisée de Modernisation du droit de l’environnement peut être consultée ici.
Le tableau de correspondance peut être consulté ici.
Voici nos premiers commentaires après une lecture rapide :
– Associer le public à la phase d’élaboration du projet jusqu’à l’ouverture de l’enquête publique (L121-14) : Cette disposition est a priori valable seulement pour les projets soumis à la Commission nationale du débat public, c’est à dire les gros projets d’infrastructures ou d’énergies marines, par ex.
– Concertation préalable des projets, plans ou programmes (L. 121-16) : Cette dispositions concerne tous les projets, plans ou programmes soumis à évaluation environnementale ou à étude d’impact (mais pas à saisine de la Commission nationale du débat public). Elle concerne donc potentiellement beaucoup de projet ; à savoir aussi bien les projets d’installations classées ou de permis de construire soumis à étude d’impact (opérationnels) que les documents de planification soumis à évaluation environnementale (documents réglementaires tels que certains PLU).
La procédure semble très détaillée et complexe, avec un mécanisme de garants qui pourront demander au porteur du projet un résumé non technique au stade de la concertation, c’est à dire très en amont de l’enquête publique. Ce qui peut soulever un risque de divulgations d’informations relevant du secret des affaires, très en amont.
Ce dispositif semble surtout engendrer des risques réels de vices de procédures au regard du projet d’article L. 121-23-1, selon lequel :
« L’illégalité pour vice de forme ou de procédure de la décision d’autorisation du projet ou d’approbation du plan ou programme ne peut être invoquée, par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de [six mois] à compter de la décision d’autorisation du projet ou de la décision d’approbation du plan ou programme.
L’alinéa précédent s’applique également aux décisions de révision ou modification des projets, plans et programmes« .
Cette possibilité d’invoquer utilement un vice de procédure, à l’occasion d’un recours contre le permis ou l’autorisation, semble devoir être entendue comme concernant aussi bien l’enquête publique que la concertation.
Elle nous parait nouvelle au regard de la jurisprudence du Conseil d’Etat sur le débat public ou la concertation en matière d’urbanisme (L. 300-1 Code de l’urba) qui écarte peu ou prou, à quelques exceptions, l’effectivité de vices de procédures durant la concertation sur la légalité des autorisations.
– Déclaration d’intention (L. 121-17) : Le champ d’application de ce dispositif concerne les projets de plus de 5 M euros : Il implique une obligation de publication sur interne, qui va permettre d’informer le public des projets très en amont.
– Contre propositions du public durant enquête publique (L.123-13 et non L. 123-21) : Cette disposition est valable pour tous les projets. Elle semble logique car le commissaire enquêteur doit déjà en faire état dans son rapport (mais pas dans ses conclusions).
– Référendum local des électeurs sur un projet relevant de la compétence du préfet (L. 123-28) : Cette disposition concerne tous les projets autorisés par l’Etat (notamment ceux soumis à autorisation unique : éoliens par ex) à l’exception de ceux d’intérêt national (nucléaire par ex).
Elle soulève beaucoup d’interrogations. Que fera le préfet d’un vote négatif ? Cette mesure introduit (officialise ?) une possibilité d’arbitrage politique et/ou subjectif pour des projets jusqu’à présent autorisés en considérations de critères exclusivement techniques et objectifs.
Elle soulève en outre de réelles questions de constitutionnalité, ce qui implique d’y regarder à deux fois avant de la valider.