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Recyclage des mâchefers : Le sénateur Yves Détraigne et AMORCE soulignent un risque sérieux d’augmentation du coût de traitement

par | 23 Jan 2012

Waste Framework Directive2.jpgL’arrêté mâchefers du 18 novembre 2011 continue de faire réagir les acteurs publics et privés de la filière du traitement des déchets

Un Communiqué de presse d’AMORCE et une question du sénateur de la Marne, Yves Détraigne, soulèvent chacun de leur côté une difficulté d’ordre technique, juridique et économique déjà envisagées ici : le maintient du statut de déchets (au lieu du passage au produit) ainsi la  diminution des possibilités de réutilisation après recyclage vont fortement augmenter le cout de traitement pour les collectivités publiques.

 

1. Dans une question écrite n° 21894, le sénateur de la Marne, Yves Détraigne, interroge le Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement sur la question sensible du recyclage des mâchefers.

Deux points soulevés par cette question écrite méritent une grande attention :

– l’arrêté mâchefers du 18 novembre 2011 continue à assimiler à un déchet les mâchefers issus de l’incinération des ordures ménagères, et ne leur confère toujours pas le statut de produit.

– Cela va entraîner une hausse substantielle du coût de traitement (80 euros la tonne au lieu de 20)

2. Ces questions rejoignent le communiqué de presse d’AMORCE sur l’arrêté mâchefer. L’Association de collectivités locales salue l’arrêté mâchefers comme une avancée majeure mais formule deux réserves de fond. Elle regrette :

– l’absence de passage du déchet au produit (voir aussi )

– la diminution par 2 des possibilités de réutilisation après recyclage

3. Analyse

Le MEDDTL ne pourra pas répondre à ces attentes avec une circulaire d’application de l’arrêté du 18 novembre 2011. En effet, une circulaire permettra de régler un certain nombre de points. Cependant, comme il s’agit d’un texte d’un rang inférieur à l’arrêté ministériel mâchefers du 18 novembre 2011 (dans la hiérarchie juridique des normes), elle ne pourra pas :

– étendre les possibilités de réutilisation de mâchefers aux remblais techniques et autres. Or, l’arrêté mâchefers ne porte plus que sur la technique routière, contrairement à la circulaire de 1994 ;

– ni imposer les modalités techniques permettant un passage du déchet au produit : cad en pratique le passage obligatoire dans une installation de recyclage (dite ‘IME’) avec traçabilité des déchets puis des produits et analyses en entrée et sortie.

 

Question écrite Sénat n° 21894 (JO Sénat du 19 janvier 2012) :

« M. Yves Détraigne attire l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur l’entrée en vigueur, au 1er juillet prochain, de l’arrêté du 18 novembre 2011 relatif au recyclage en technique routière des mâchefers d’incinération de déchets non dangereux.

Succédant à la circulaire du 9 mai 1994, ce texte continue à assimiler à un déchet les mâchefers issus de l’incinération des ordures ménagères, et ne leur confère toujours pas le statut de produit. A contrario de tout déchet de plastique ou de papier passé en centre de tri qui devient un matériau issu du recyclage, le mâchefer garde le statut de déchet, même après avoir fait l’objet de déferraillage, criblage, maturation et analyses environnementales.

Ce texte réglementaire risque donc d’aller à l’encontre de la politique menée jusque-là de valorisation de ce sous-produit qui était une source de réduction du coût de l’incinération.

La probabilité de ne plus valoriser la totalité des mâchefers, du fait de cet arrêté qui crée des contraintes environnementalement discutables, va à l’encontre du Grenelle de l’environnement qui prescrit la valorisation en lieu et place de l’enfouissement. Cela entraînerait, en outre, une hausse substantielle du coût de traitement puisque les mâchefers qu’il faudrait enfouir représentent 20 à 25 % des sous-produits en sortie de l’incinération.

Considérant que rendre le mâchefer valorisable coûte 20 euros la tonne alors que le stocker se chiffre à 80 euros par tonne, et que la TVA sur la collecte et le traitement des déchets est passée de 5,5 à 7 % au 1er janvier, il s’inquiète donc de ce nouveau facteur de hausse des coûts et lui demande de bien vouloir lui indiquer ce qu’elle entend mettre en œuvre pour pallier ces difficultés ».

Communiqué de presse AMORCE

« Nouvelle réglementation sur le recyclage des mâchefers d’incinération de déchets non dangereux (MIDND) : AMORCE salue une avancée majeure qui doit maintenant se concrétiser !

L’incinération des déchets non dangereux permet tous les ans de valoriser près d’un million de tonnes d’équivalent pétrole, sous forme de chaleur et d’électricité, mais aussi de recycler environ 3 millions de tonnes de mâchefer en travaux publics. Le renforcement des conditions environnementales de recyclage de ce mâchefer, sur proposition d’AMORCE et des acteurs de la filière, a été retenu lors du Grenelle de l’Environnement. Après plusieurs années de travail en collaboration avec les différents acteurs du Grenelle, le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement (MEDDTL) a publié le nouveau cadre réglementaire de recyclage de ce matériau alternatif en vue de promouvoir son utilisation avec un suivi environnemental plus rigoureux.

Suite à la publication du décret du 28 juin 2011 et de l’arrêté du 25 juillet 2011, qui permettent l’exonération de TGAP des mâchefers non valorisables (pour lesquels la TGAP a déjà été payée en entrée d’incinérateur), l’arrêté technique du 18 novembre 2011 relatif au recyclage des mâchefers en technique routière a enfin été publié et remplacera à partir du 1er juillet 2012 la circulaire de 1994, laissant ainsi un cadre réglementaire imprécis durant la période de transition du 1er semestre 2012.

Néanmoins, AMORCE attend avec impatience la publication par le MEDDTL de la circulaire d’application, ainsi que la validation du guide d’application rédigé par le groupe de travail UNPG / SVDU / AMORCE, afin de faciliter la mise en oeuvre de cette nouvelle réglementation.

Le nouvel arrêté technique augmente le nombre de critères de recyclage à respecter et fixe des valeurs limites et des normes différentes de celles de la circulaire, permettant ainsi d’assurer l’innocuité du matériau. Par ailleurs, il y a maintenant deux usages de grave de mâchefer : les usages routiers de type 1 d’au plus 3 m de hauteur en sous-couche routière et les usages routiers de type 2, avec des limites plus restrictives, d’au plus 6 m de hauteur en remblai technique.

Pendant la période de transition précitée, AMORCE invite les collectivités à anticiper au maximum la nouvelle réglementation.

AMORCE regrette néanmoins :

• que la grave de mâchefer conserve son statut de déchet sous la responsabilité de son producteur, alors que son élaboration dans une installation classée prévue à cet effet (Installation de Maturation et d’Elaboration – IME) devrait lui conférer le statut de produit

• que l’utilisation semble limitée aux ouvrages routiers revêtus, alors qu’ils ne représentent que 50% du mâchefer recyclé depuis plus de 15 ans dans le cadre de la réglementation précédente.

Malgré cette avancée réglementaire, AMORCE reste aussi consciente de la situation très préoccupante pour les collectivités qui produisent du mâchefer et souhaite engager un vaste travail d’identification des bonnes pratiques de recyclage. Il s’agit d’encourager davantage les maîtres d’ouvrage de travaux publics, dont notamment les collectivités territoriales (communes, intercommunalités, départements), à promouvoir le recyclage de ce matériau alternatif dans le cadre de leurs marchés publics. »

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

En France, la valorisation des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers) est courante, notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Elle est notamment encadrée par un arrêté ministériel et un guide technique d’application.

En revanche, en Suisse, la législation fédérale impose l’enfouissement des mâchefers, alors que les espaces disponibles pour le stockage empiètent sur les terres agricoles et, donc, la souveraineté alimentaire.

Un récent arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023) juge que l’obligation de solidarité des cantons ne leur permet pas de rechercher seuls des solutions innovantes et plus vertueuses.

Les mâchefers d’incinération de déchets ménagers

L’incinération des déchets ménagers répond aux enjeux de l’économie circulaire. Elle doit être privilégiée à l’enfouissement, selon la hiérarchie des modes de traitement des déchets (réduire, réutiliser, recycler).

Cependant, ce mode de traitement génère des mâchefers, c‘est à dire des résidus d’incinération. Ils représentent un peu moins de 20% des déchets incinérés, soit de l‘ordre de 3 millions/tonnes de mâchefers/an en France (pour 120 centrales traitant 14,5 millions de tonnes de déchets/an) et 700 000 tonnes/an en Suisse (pour 30 centrales traitant 4 millions de tonnes de déchets/an).

En Europe, les usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) suisses sont réputées pour leur modernités et leurs performances, notamment en termes de rejets. Pourtant, alors que les mâchefers peuvent être avantageusement valorisés, notamment dans les travaux publics, la loi fédérale suisse (Ordonnance dite « OLED » du 4 décembre 2015), impose leur élimination en décharge.

Dans le canton de Genève, suite à a l’opposition des habitants suscitée face à un projet de création de nouvelle décharge pour stocker des mâchefers sur une zone agricole, une initiative cantonale a prôné le recyclage de ces déchets comme alternative à l’enfouissement.

L’arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024

Toutefois, dans un arrêt rendu le 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023), le Tribunal fédéral a confirmé le jugement de première instance et annulé cette initiative pour deux motifs principaux :

  • la compétence en matière environnementale relève de la Confédération et non des cantons, ce qui limite la marge de manœuvre cantonale dans ce domaine (point 2.3.5 de l’arrêt)
  • la loi fédérale de protection de l’environnement impose aux cantons de collaborer pour planifier la gestion et l’élimination des déchets au-delà de leurs frontières. Cette obligation implique une participation active et constructive à la recherche de solutions communes dans le cadre de la loi (point 2.3.4 de l’arrêt)

En d’autres termes, seul un accord l’échelon confédéral peut permettre la valorisation des mâchefers d’incinération de déchets ménagers plutôt que leur enfouissement.

Cette situation rappelle les tensions en France liées aux arrêtés municipaux « anti-OGM ». Le juge administratif avait alors rappelé que la police des OGM relève de la police spécial de l’État et que le principe de précaution ne permet pas au maire d’excéder ses compétences (CE, 24 septembre 2012, 342990, Publié au Recueil Lebon).

Une modification à venir du cadre légal fédéral ?

Suite à l’arrêt rendu par le tribunal fédéral suisse, le Conseil d’État genevois (organe exécutif cantonal) a mis en avant, dans un rapport du 4 novembre 2024, la nécessité de recourir à des « procédés innovants » pour valoriser les mâchefers. Il souligne que cette initiative cantonale pourrait constituer une expérimentation visant à « démontrer à la Confédération le bien-fondé de la modification du cadre légal fédéral ». Cette évolution règlementaire serait destinée à permettre :

  • une plus grande valorisation des mâchefers et, par conséquent, la réduction des volumes de déchets enfouis
  • tout en maîtrisant les risques environnementaux et en respectant le principe de coopération intercantonale.

La France peut à ce titre se prévaloir de déjà disposer d’un cadre juridique permettant la valorisation complète des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers), notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Cette pratique est notamment encadrée par un arrêté ministériel du 18 novembre 2011 et un guide technique d’application du Cerema.

Les professionnels du secteur sont représentés en France par l’Association Nationale pour l’utilisation des Graves de Mâchefers en travaux publics (ANGM) et en Europe, par la Fédération internationale du recyclage (FIR), tout particulièrement son groupe « Incinerator bottom ash ».

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Par deux jugements du 3 décembre 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les recours dirigés contre un projet de centrale solaire de 20 MW situé en région Nouvelle Aquitaine (TA Limoges, 3 décembre 2024, 2101881, 2101882 et 2101873). Le développeur du projet était défendu par le cabinet Altes.

Le tribunal a jugé que le projet respectait la réglementation locale d’urbanisme (1) et qu’il n’engendrait pas d’impact environnemental ou paysager (2).

1/ La centrale solaire respecte la réglementation d’urbanisme

Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que le préfet est compétent pour délivrer les autorisations d’urbanisme pour les ouvrages de production d’énergie (art. L422-2, b. du code de l’urbanisme). Parallèlement, la commune ou l’intercommunalité est compétente pour fixer la réglementation d’urbanisme.

1.1. Pas d’illégalité du PLU

Les requérants invoquaient l’« exception d’illégalité » de la règle du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune autorisant des « constructions industrielles concourant à la production d’énergie (centrale solaire PV…) » dans un secteur dédié aux activités sportives, touristiques et de loisir.

Le juge a écarté ce moyen en considérant que le développement des énergies renouvelables n’était pas incompatible avec la promotion de ces activités.

1.2. Pas d’obligation de sursis à statuer en attendant le nouveau PLU en cours d’élaboration

Les requérants reprochaient au préfet de ne pas avoir sursis à statuer sur la demande de permis. Cette possibilité prévue par le code de l’urbanisme (articles L. 153-11 et L. 424-1), concerne le cas où un projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU.

Le juge exerce un contrôle restreint sur l’utilisation ou non de cette faculté, limitée à l’erreur manifeste d’appréciation (voir en ce sens CE, 26 janv. 1979, n° 01485).

Le tribunal juge sur ce point que le seul projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du futur PLU ne justifiait pas un sursis à statuer au regard de son contenu : « eu égard à leur portée et à leur caractère général et en l’absence de zonage les concrétisant, les orientations précitées du PADD ne peuvent être regardées comme traduisant un état d’avancement du projet de plan local d’urbanisme suffisant à fonder une décision de sursis, compte tenu de la localisation du projet en litige ».

Il a sur ce point confirmé la jurisprudence selon laquelle un sursis ne peut être pris que si le projet de PLU forme une quasi-norme, formalisée et décantée (voir en ce sens CE, 9 déc. 1988, n° 68286 ; CE, 21 avril 2021, n°437599, conclusions du RP ; et aussi par ex. CAA Bordeaux, 9 juill. 2020, n° 19BX00571). Ainsi, l’exécution du PADD n’étant pas compromise ou rendue plus onéreuse, le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

2/ La centrale solaire n’emporte aucun impact environnemental ou paysager sur le golf voisin

Les requérants contestaient enfin les impacts du projet sur l’environnement (art. R. 111-26 du code de l’urbanisme). Cependant, le tribunal juge que la localisation du projet dans une zone agricole non artificialisée ne permet pas d’établir des atteintes à l’environnement.

Les autres impacts présumés sur le paysage (art. R. 111-27), notamment un impact visuel sur un golf voisin, des risques liées aux retombées de balles, des impacts sur le drainage du terrain, ainsi qu’une dépréciation de la valeur du golf ne sont pas matériellement démontrés, d’autant plus que le projet répond efficacement à chacun de ces présumés impacts, notamment grâce à la topographie et des mesures d’insertion.

Ces jugements constituent un signal encourageant pour le développement des énergies renouvelables, même dans un contexte local parfois éprouvant. Ils démontrent également l’importance de la coordination entre le préfet et la commune dans le processus de délivrance des permis des installations de production d’énergie. Ainsi que, au besoin, l’utilité d’un accompagnement juridique des promoteurs pour limiter le risque d’annulation.

Autorisation environnementale : le juge peut forcer sa régularisation malgré l’inertie du préfet (CAA Douai, 29 août 2024)

Autorisation environnementale : le juge peut forcer sa régularisation malgré l’inertie du préfet (CAA Douai, 29 août 2024)

La procédure dite de régularisation « dans le prétoire » a été inscrite au code de l’environnement en 2017 pour faire aboutir des projets industriels et d’énergies renouvelables (notamment parcs éoliens) malgré des recours en justice. En pratique, elle peut durer et demeurer aléatoire. Cette décision démontre l’efficacité du dispositif, y compris si l’Etat, après avoir accordé une autorisation illégale, refuse in fine de la régulariser. En octroyant la régularisation malgré le refus du préfet, le juge se comporte comme un administrateur et se substitue à l’inertie de l’Etat.

En l’espèce, suite à un recours dirigé contre l’autorisation environnementale d’un projet éolien, le juge administratif avait pris un sursis à statuer (SAS) dans l’attente de sa régularisation. Deux ans plus tard, la société n’avait toujours pas obtenu l’arrêté préfectoral nécessaire à la continuité de son projet. Finalement, la Cour administrative d’appel de Douai délivre elle-même la régularisation attendue, après avoir jugé que l’inertie de l’administration était illégale (CAA Douai, 29 août 2024, 24DA00695).

1/ Une innovation prétorienne

Le recours direct contre un refus de régularisation est possible. Un refus tacite de régularisation est un acte administratif faisant grief, de sorte qu’il peut faire l’objet d’un recours. La particularité est l’articulation de ce recours mené par la société porteur du projet éolien, avec celui entamé initialement par les opposants contestant ledit projet.

Les opposants ont demandé l’annulation de l’arrêté d’autorisation environnementale alors que la société demande, quatre ans plus tard, l’annulation du refus de régulariser la même autorisation environnementale. Suivant les conclusions de sa rapporteure publique, la Cour juge que ce nouveau recours implique un recours distinct (voir en ce sens CE, 9 novembre 2021, Sté Lucien Viseur req. 440028 B), n’y reconnaissant que le statut d’observateur aux opposants.

La rapporteure publique recommande également aux juges d’examiner la légalité du refus de régularisation avant de poursuivre l’instance dirigée contre l’autorisation initiale suspendue.

Le silence opposé par le préfet à une demande de régularisation vaut refus. En l’espèce, le préfet n’avait pas explicitement refusé la demande de la société mais s’était contenté de rester silencieux.

Pour conclure que cette inertie équivaut à un refus, la Cour se base sur le délai du droit commun énoncé à l’article L.231-1 du code des relations entre le public et l’administration. Ainsi, le principe est que silence gardé par l’administration (deux mois après la demande) vaut acceptation. Par exception, le silence vaut refus dans certains cas, tel que la demande d’autorisation d’un projet soumis à étude d’impact environnemental (annexe du décret 2014-1273 du 30 octobre 2014).

La Cour juge que la demande de la société tendant à la délivrance d’une autorisation modificative, « devait conduire le préfet à apprécier s’il impliquait une modification substantielle ou seulement notable du projet autorisé. Dans la mesure où, d’une part, l’une ou l’autre de ces modifications était susceptible de justifier soit une nouvelle étude d’impact, soit une modification de l’étude d’impact et où, d’autre part, l’autorisation d’un projet soumis à étude d’impact environnemental déroge au principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation » (considérant 11). Une décision tacite est donc née, mais elle vaut refus. En outre, une décision tacite de refus est par principe illégale dans la mesure où elle n’est pas motivée.

Un nouvel exemple du juge administrateur. Le juge n’a pas régularisé l’acte spontanément. C’est seulement au vu de la durée de la procédure de régularisation et de l’inertie de l’administration qu’il fait usage de ses pouvoirs de plein contentieux et se substitue à l’administration pour permettre à la continuité du projet. La rapporteure publique souligne que reconnaître cette action est le seul moyen de combattre la tendance de l’administration de refuser de statuer expressément sur certains projets éoliens.

Ainsi, la Cour précise que « [le juge administratif] a, en particulier, le pouvoir d’annuler la décision par laquelle l’autorité administrative a refusé l’autorisation sollicitée puis, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d’accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu’il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions » (considérant 31). La formulation de ce considérant de principe laisse entendre que le juge peut régulariser ou compléter la procédure, avant d’accorder lui-même l’autorisation.

2/ Comment procéder lorsque la procédure de régularisation n’aboutit pas ?

La procédure ordinaire : classique mais robuste. Dans le cas où l’acte est susceptible d’être régularisé, le juge sursoit à statuer en fixant un délai pour l’administration (article L. 181-18, I, 2° du code de l’environnement).

Le recours des tiers dirigé contre l’autorisation est alors suspendue jusqu’à ce que le préfet statue sur la mesure de régularisation. De plus, le Conseil d’Etat a précisé, dans un avis contentieux, que le juge doit user de ses pouvoirs de régularisation lorsque les conditions en sont réunies à le faire (CE, avis contentieux, 10 novembre 2023, n° 474431). La régularisation est donc devenue le principe, et non pas une simple faculté.

Enfin, le dépassement éventuel du délai fixé par le juge pour mener la procédure de régularisation ne constitue pas une entrave (Voir en ce sens CE, 16 février 2022, Société MSE la Tombelle, req. 420554, 420575  à propos de la régularisation d’un permis de construire selon l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, « [le juge administratif] ne saurait se fonder sur la circonstance que ces mesures lui ont été adressées alors que le délai qu’il avait fixé dans sa décision avant dire droit était échu pour ne pas en tenir compte dans son appréciation de la légalité du permis attaqué »).

La procédure finalisée par le juge : une exception. Le juge a certes l’obligation de sursoir à statuer en l’attente de l’acte de régularisation. Mais si celui-ci tarde à arriver, en raison d’un blocage du préfet, comment agir ?

En suivant l’exemple du cas d’espèce, le porteur du projet, doit d’abord procéder aux formalités qui lui incombent nécessaires pour régulariser les vices constatés (par ex. mise à jour du dossier).

Il doit ensuite demander à l’administration, au besoin après qu’elle ait finalisé les formalités à même de régulariser l’autorisation illégale (par ex. demande d’avis ou enquête publique complémentaire) de délivrer une autorisation modificatrice, à savoir un arrêté préfectoral complémentaire portant régularisation.

Si l’administration refuse explicitement ou ne répond pas, le porteur de projet peut saisir le juge pour contester cette décision. Si la décision préfectorale de refus est jugée illégale, c’est le juge qui accordera – le cas échéant après avoir régularisé ou complété la procédure – lui-même l’autorisation aux conditions qu’il fixe.

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