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Analyse des émissions des ICPE : un simple avis pourra changer les méthodes

par | 14 Jan 2021

L’arrêté ministériel du 17 décembre 2020 prévoit que la liste des méthodes normalisées de référence d’analyse des émissions des ICPE peut désormais être fixée par un simple avis ministériel. C’est à première analyse une mesure essentiellement technique.

En pratique, cependant, le choix de ne plus passer par un arrêté ministériel soulève des questions juridiques quant au caractère obligatoire, ou pas, des normes de références visées.

De même, le processus d’élaboration de ces avis étant indéterminé et non-collaboratif, ce choix de recourir au droit souple pour encadrer un sujet aussi rigoureux que les émissions des ICPE peut surprendre.

Comment contrôler efficacement le respect des objectifs de lutte contre le changement climatique (à valeur normative d’après l’arrêt Grande Synthe du Conseil d’Etat) si le choix de faire évoluer les modalités de mesure peut-être discrétionnaire ? Le respect des règles fixées par un avis est-il une garantie suffisante pour les industriels ?

Contexte

Un arrêté du 17 décembre 2020, publié au Journal Officiel du 30 décembre 2020, abroge l’arrêté du 7 juillet 2009 relatif aux modalités d’analyse dans l’air et dans l’eau dans les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Cet arrêté de 2009 fixait les normes de référence pour la réalisation des analyses dans l’air et dans l’eau devant être menées au sein de certaines ICPE, notamment en vertu des arrêtés ministériels de prescriptions générales (AMPG) leur étant applicables.

Pour mémoire, le ministre chargé des installations classées peut fixer par arrêté les règles générales et prescriptions techniques applicables aux ICPE, qui déterminent les mesures propres à prévenir et à réduire les risques d’accident ou de pollution de toute nature (articles L. 512-5 pour les installations autorisées et L. 512-7 du code de l’environnement pour les installations enregistrées).

Par exemple, l’arrêté du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation renvoie à l’arrêté du 7 juillet 2009 relatif aux modalités d’analyse dans l’air et dans l’eau dans les ICPE et aux normes de référence, en précisant que les analyses dans l’air et dans l’eau sont réalisées conformément à cet arrêté.

La mention de cet arrêté du 7 juillet 2009 est remplacée, au sein de tous les arrêtés et AMPG l’évoquant, par celle d’un « avis publié au Journal officiel dans lequel sont désormais fixées les nouvelles méthodes normalisées de référence pour les analyses dans l’air, l’eau et les sols dans les ICPE ».

Un avis publié au JO suffira désormais à faire évoluer les méthodes de références choisies.

Le choix de fixer ces méthodes de référence au sein d’un simple avis et non d’un arrêté semble avoir pour objectif de faciliter sa modification par le ministère en charge de l’environnement. En effet, contrairement à la procédure d’édiction d’un arrêté, celle d’un avis n’est ni détaillée ni prévue par les textes.

Valeur juridique des avis

La qualification de l’avis en tant qu’acte à valeur règlementaire est d’ailleurs confuse, et doit être opérée au cas par cas.

En principe, un avis est considéré comme un acte dépourvu de valeur règlementaire. C’est ce qui ressortait de la rédaction de l’article R. 221-13 du code des relations entre le public et l’administration, aujourd’hui abrogé, qui imposait des règles de publication concernant « Les décisions individuelles et l’ensemble des autres actes dépourvus de valeur réglementaire, y compris les avis et propositions ». C’est également l’avis de la doctrine (René Chapus qualifie les avis de « mesures non décisoires »[1]).

Un avis ministériel publié au Journal Officiel est cependant susceptible de produire des effets juridiques et donc de faire grief, selon le Conseil d’État[2] (principe analogue à celui des circulaires).

Dans ce cas, la publication au Journal Officiel permet de garantir que l’avis soit porté à la connaissance des administrés. Elle constitue donc un indice sérieux de ses effets de droit.

En matière d’environnement, cependant, la publication finale ne suffit pas à garantir la légalité de la règle nouvelle ; son auteur devant également  s’assurer du respect des modalités de son élaboration (compétence, évaluation environnementale, participation, non-régression…).

L’avis du 30 décembre 2020

En l’espèce, bien qu’il ne soit ni daté ni signé,, l’avis sur les méthodes normalisées de référence pour les mesures dans l’air, l’eau et les sols dans les installations classées pour la protection de l’environnement publié au Journal Officiel du 30 décembre 2020 peut être considéré comme ayant une valeur règlementaire, puisqu’il impose le respect d’une règle de droit.

En effet, il est rédigé d’une façon telle qu’il impose le suivi des méthodes normalisées de référence (« les méthodes normalisés de référence à mettre en œuvre pour la réalisation des mesures de suivi »).

Il actualise et complète la liste des normes auparavant référencées dans l’arrêté abrogé.

Il précise également que les méthodes précédemment établies au sein de l’arrêté du 7 juillet 2009 restent valables durant 12 mois à compter du 30 décembre 2020, soit jusqu’au 30 décembre 2021.

Il rappelle également que lorsque la vérification du respect des prescriptions applicables à l’installation en matière de rejets passe par la réalisation de mesures, celles-ci doivent être réalisées par un laboratoire agréé.

Le suivi de ces méthodes de référence permet de s’assurer que les mesures effectuées sont réputées satisfaire aux exigences règlementaires en matière de surveillance des émissions des ICPE et donc d’éviter la remise en cause des méthodes de prélèvement en cas d’inspection.

Les laboratoires effectuant les prélèvements doivent suivre ces méthodes, puisqu’il s’agit d’une condition d’octroi de leur agrément[3].

En cas d’auto-surveillance, le suivi de ces méthodes n’est pas obligatoire, mais l’exactitude des mesures devra être « régulièrement évaluée par leur comparaison avec des mesures réalisées par un laboratoire disposant, pour les paramètres concernés, de l’agrément du ministère ».

En conclusion

La liste des méthodes normalisées de référence est donc désormais fixée par un avis et non plus par arrêté, ce qui va dans le sens du mouvement d’assouplissement du droit de l’environnement constaté ces dernières années.

Il est cependant étonnant que cette liste, dont l’importance pratique est conséquente en ce qu’elle permet de s’assurer de la qualité de la mise en œuvre des mesures des rejets des ICPE, et par extension, d’un niveau élevé de protection de l’environnement, soit adoptée par le biais d’un texte dont les conditions d’adoption, et, donc, la valeur juridique peuvent être soumises à controverse.

Par ailleurs, les « organisations professionnelles concernées » ont été consultées lors de l’édiction de l’arrêté du 17 décembre 2020, ce qui leur a donné la possibilité de se prononcer sur ce texte. En revanche, rien n’indique qu’elles l’ont été sur le projet d’avis susmentionné ni le seront systématiquement lorsque la liste des méthodes de référence sera modifiée via de nouveaux avis, ce qui amoindrit donc les possibilités de participation des industriels intéressés.

Carl Enckell & Nolwenn Quet – Enckell Avocats

[1] Droit administratif général, Tome 1, 13e édition, p. 497.

[2] Voir en ce sens l’arrêt du CE, 12 février 2003, n° 236642, jugeant qu’un avis ministériel publié au JO est un acte susceptible de recours.

[3] Cf. arrêtés portant modalités d’agrément des laboratoires mentionnés dans l’avis.

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Pour être valable, une marque doit être distinctive, c’est-à-dire permettre aux clients de reconnaître les produits ou services proposés sous cette marque, de ceux des autres entreprises.

Si le signe déposé à titre de marque est dépourvu de caractère distinctif en lui-même (par exemple : la marque est trop descriptive), ce caractère distinctif peut être acquis par l’usage. S’agissant d’une marque de l’Union Européenne (UE), cet usage doit avoir lieu au sein de l’UE, être ancien et suffisamment important pour que le signe utilisé soit perçu directement par le consommateur comme étant une marque.

Si ce principe est simple sur un plan théorique, dans la pratique, la preuve de l’existence de ce caractère distinctif acquis par l’usage est difficile à établir, comme l’illustre l’arrêt du Tribunal de l’Union Européenne (TUE), du 12 octobre 2022, qui a refusé de consacrer l’acquisition par l’usage du caractère distinctif de la marque sur le motif à damier de la pourtant célèbre maison Louis Vuitton.

En l’espèce, en 2015, un citoyen polonais avait saisi la division d’annulation de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO, à l’époque OHMI) d’une demande en nullité de la marque de l’UE déposée par Louis Vuitton.

La division d’annulation avait fait droit à la demande en annulant la marque, annulation confirmée par la Chambre des recours, considérant que le motif à damier ne constituait pas un caractère distinctif intrinsèque, ni qu’il avait été acquis par l’usage, dès lors que Louis Vuitton ne rapportait pas la preuve de cette acquisition dans six pays de l’UE (en l’occurrence six pays d’Europe de l’Est). Le TUE a validé ce raisonnement, et ainsi, confirmé l’annulation de la marque de Louis Vuitton.

Il a considéré d’une part, que « le motif à damier est un motif figuratif basique et banal,(…) (il) ne comporte ainsi aucune variation notable par rapport à la représentation conventionnelle de damiers et coïncide avec le modèle traditionnel d’un tel motif », le rendant donc dénué de toute distinctivité intrinsèque et d’autre part, que le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque « doit être démontré dans l’ensemble de ce territoire, et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité du territoire de l’Union », ce qui n’est pas le cas ici.

Cette décision n’est pas étonnante, l’EUIPO apprécie de manière très stricte l’acquisition du caractère distinctif d’une marque de l’UE par l’usage.

Source :

TUE, 19 oct. 2022, aff. T-275/21, Louis Vuitton Malletier c./ Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

Référence de l’image : Marque internationale n°986207 déposée par Louis Vuitton Malletier (Data.inpi.fr)

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Dans un arrêt du 12 octobre 2022, la Cour d’appel de Paris a prononcé la déchéance partielle de marques patronymiques en raison de l’usage trompeur fait par leur titulaire. La Cour a également jugé que la garantie d’éviction ne rend pas irrecevable la demande reconventionnelle en déchéance par le cédant.

En l’espèce le créateur Jean-Charles Castelbajac avait cédé les marques JC de CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC à la société PMJC. Cette dernière l’a attaqué pour contrefaçon car le créateur utilise aujourd’hui son nom patronymique pour promouvoir son activité, notamment sur son site internet.

La Cour a jugé que le créateur usait simplement de sa liberté de présenter ses activités sous son nom et avec sa signature et qu’aucun acte de contrefaçon n’était caractérisé.

En revanche, la Cour a partiellement donné raison à monsieur Castelbajac, qui avait formé une demande reconventionnelle en déchéance de ces marques pour usage trompeur. En effet il reprochait entre autres, à la société PMJC d’induire les consommateurs en erreur, en leur faisant croire que les produits commercialisés sous ces deux marques avaient été conçus par lui ou sous sa direction artistique, alors que ce n’était pas le cas.

Si cette décision est en faveur du créateur, la Cour de Cassation pourrait être saisie d’un pourvoi et donner une interprétation différente concernant la déchéance d’une marque patronymique devenue trompeuse du fait de son titulaire.

Cette décision fait écho aux célèbres jurisprudences en la matière : Ines de la Fressange, Cass. com., 31 janv.2006 et Bordas, Cass. com., 12 mars 1985.

Source :

Déchéance partielle de marques composées du nom patronymique d’un créateur en raison de l’usage trompeur par leur cessionnaire | INPI PIBD ;

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 12/10/22, 20/11628 (M20220269) PMJC SAS c. Jean-Charles C, LouisMarie C et Castelbajac Creative SAS (inpi.fr)

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

L’Afep-Medef s’est doté, en décembre 2022, d’un nouveau Code de gouvernance plaçant la stratégie RSE, notamment en matière climatique, au cœur des missions des Conseils d’administration.

La stratégie RSE : une mission essentielle du Conseil d’administration

Le code s’enrichit ainsi d’une nouvelle recommandation, intitulée « Le conseil d’administration et la responsabilité sociale et environnementale ».

Il appartiendra désormais au Conseil d’administration de déterminer les orientations stratégiques pluriannuelles en matière de RSE et à la direction de l’entreprise de présenter les modalités de mise en œuvre de cette stratégie avec un plan d’action et l’horizon de temps dans lequel ces actions seront menées.

Les dirigeants devront informer annuellement le Conseil d’administration des résultats obtenus au dans le cadre de la stratégie RSE préalablement définie.

En matière climatique, cette stratégie devra identifier des objectifs précis, selon des échelles de temps. Les résultats obtenus devront être examinés annuellement par le Conseil d’administration, qui pourra adapter les objectifs et les actions en fonction de l’évolution des technologies et de la situation de l’entreprise ainsi que de ses capacités à mettre en œuvre les mesures préconisées.  

La stratégie et les actions engagées devront être présentés aux actionnaires, au moins tous les trois ans, lors d’une assemblée générale ordinaire.

Assortie d’une formation spécifique aux enjeux climatiques

Afin de faciliter la mise en place d’une stratégie RSE et conformément à la pratique soulignée par l’AMF(Autorité des Marchés Financiers) dans son rapport 2022, le nouveau code de gouvernance Afep-Medef  préconise que ces sujets soient examinés en amont du conseil d’administration, par des comités spécialisés (Comités RSE), dont la composition est librement définie par les entreprises.

De plus, la formation complémentaire des administrateurs à la RSE devra comporter un volet spécifiquement dédié aux enjeux climatiques.

Qui devra être intégrée dans la rémunération des dirigeants

D’après le communiqué de presse de l’Afep-Medef, l’intégration, dans la détermination de la rémunération des dirigeants, de critères RSE précis et reflétant les enjeux sociaux et économiques les plus importants pour l’entreprise constituerait un levier puissant pour porter ces préoccupations au premier plan.

Les critères quantifiables doivent être privilégiés et l’un d’entre eux au moins doit être lié aux objectifs climatiques de l’entreprise.

A titre d’exemple, et comme le souligne l’AMF, l’indicateur quantifiable peut être fondé sur le taux de réduction des émissions carbone résultant de l’activité de la société par employé.

Une simple référence à l’application d’une politique RSE ou à des enjeux généraux est insuffisante.

Et mise en place rapidement

Face aux enjeux et même si ces nouvelles recommandations ne s’appliqueront qu’aux assemblées statuant sur les comptes des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023 (en pratique les assemblées tenues en 2024), l’Afep et le Medef recommandent aux Conseils d’administration de faire leurs meilleurs efforts pour les appliquer immédiatement.

Sources :

Code de gouvernance Afep-Medef décembre 2022 www.medef.com

Rapport AMF 2022

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