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Reprise des déchets de construction : le Conseil constitutionnel valide la responsabilité du distributeur

par | 18 Jan 2017

Dans une décision n° 2016-605 QPC du 17 janvier 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’obligation de reprise des déchets issus de matériaux, produits et équipements de construction introduite par l’article 93 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Ce sauvetage d’un dispositif très contesté par certains distributeurs de matériaux de construction est également l’occasion pour le Conseil constitutionnel de reconnaître le caractère d’intérêt général du traitement des déchets des entreprises et de valider un nouveau régime de responsabilité élargie des distributeurs (RED).

Genèse de l’obligation faite aux négoces d’organiser la reprise des déchets de construction et de la contestation du dispositif

L’adoption d’un dispositif imposant la reprise des déchets de construction avait suscitée l’inquiétude et le mécontentement d’un certain nombre de distributeurs des matériaux à l’origine de ces déchets.

Ce dispositif fait peser sur les distributeurs de matériaux, de produits et d’équipements de construction, une obligation de reprise des déchets provenant des matériaux vendus aux professionnels (nouvel article L. 541-10-9 du Code de l’environnement introduit par l’article 93 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte). Il prévoit que les distributeurs s’organisent en lien avec les pouvoirs publics et les collectivités compétentes pour assurer cette reprise, à proximité des sites de distribution et renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser les modalités d’application de l’obligation, notamment la surface commerciale à partir de laquelle le distributeur y est soumis.

C’est dans ce cadre que la Confédération française du commerce de gros et du commerce international (56 fédérations de la branche totalisant 1 million de salariés et 790 milliards d’euros de CA) a contesté devant le Conseil d’Etat le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 prévoyant les modalités d’application du dispositif.

Le Conseil d’Etat avait déclaré recevable, par une décision du 16 octobre 2016 déjà commentée ici, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée à cette occasion à l’encontre de l’article L. 541-10-9 du Code de l’environnement.

Sa constitutionnalité a été examinée en audience publique le 10 janvier 2017.

Du côté des opposants au dispositif, ont été principalement invoquées l’incompétence négative du législateur (encadrement insuffisant de l’obligation de reprise, nature et provenance des déchets indéterminées), la violation de la liberté d’entreprendre ainsi que la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.

Intervenue pour défendre le dispositif, l’association France Nature Environnement a soutenu quant à elle que l’article était conforme à la Constitution, et a souligné l’esprit du texte, qui avait pour objectif de mettre fin aux décharges sauvages.

II. La décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 2017

Dans sa décision rendue le 17 janvier 2017, le Conseil constitutionnel rejette laconiquement certains griefs d’inconstitutionnalité : non, l’article L. 541-10-9 du code de l’environnement n’est pas contraire à l’égalité des citoyens devant la loi ou à la liberté contractuelle, et il ne souffre pas non plus d’incompétence négative de la part du législateur, pas plus qu’il ne méconnaît le principe de légalité des délits et des peines.

S’agissant du principe d’égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel précise que les distributeurs de matériaux de construction qui s’adressent principalement aux professionnels sont les principaux fournisseurs de ces derniers. Ils ne sont donc pas placés, au regard de l’impact de leur activité dans la production des déchets objets de l’obligation de reprise, dans la même situation que les distributeurs s’adressant aux mêmes professionnels à titre seulement accessoire.

En d’autres termes, le législateur a pu exclure du dispositif de reprise les grandes surfaces de bricolage (telles que Leroy Merlin, Castorama, Mr Bricolage, Weldom, Bricomarché ou Brico Dépôt), qui sont dans une situation différente par rapport à l’objet de la loi.

S’agissant de l’assertion d’atteinte à la liberté d’entreprendre, qui est le point névralgique de la décision, le raisonnement du Conseil constitutionnel est cette fois-ci plus détaillé (points 6 à 8 de la décision) :

Il rejette ce moyen au regard d’une conjonction de motifs :

i. l’obligation est motivée par l’intérêt général (maillage de points de collecte à proximité des chantiers de construction)

Le Conseil constitutionnel rappelle tout d’abord que le législateur peut apporter à la liberté d’entreprendre des limitations justifiées par l’intérêt général : « Il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ».

Il énonce ensuite qu’en l’espèce la lutte contre l’abandon des déchets en pleine nature, la limitation du coût de transport des déchets et le maillage de points de collecte à proximité des chantiers de construction constituent ensemble un objectif d’intérêt général.

ii. les distributeurs sont les principaux pourvoyeurs des produits, matériaux et équipements de construction dont sont issus ces déchets 

La loi peut donc faire peser une obligation de reprise des déchets sur « les principaux pourvoyeurs des produits, matériaux et équipements de construction dont sont issus ces déchets », à savoir les distributeurs s’adressant à titre principal aux professionnels du bâtiment et de la construction.

iii. le législateur a laissé les distributeurs « libres de décider des modalités, notamment financières », selon lesquelles ils accompliront l’obligation de reprise qui leur incombe

On notera sur ce point que le gardien des libertés se veut rassurant à l’égard des entreprises soumises à l’obligation litigieuse. Il souligne ainsi qu’ « en prévoyant que le distributeur  » s’organise, en lien avec les pouvoirs publics et les collectivités compétentes,  » le législateur a laissé celui-ci libre de décider des modalités, notamment financières, selon lesquelles il accomplira l’obligation de reprise qui lui incombe » (point 11 de la décision).

Cette précision est importante car elle confirme que les distributeurs de matériaux de construction peuvent satisfaire à leur obligation (organiser la reprise des déchets) en recourant aux compétences de professionnels du traitement des déchets qui seront eux-mêmes rémunérés par les artisans du BTP qui leur achemineront leurs déchets.

iv. la loi fait dépendre l’obligation de reprise de l’activité principale du distributeur, de sorte qu’elle limite celle-ci dans une mesure telle qu’il n’en résulte pas une dénaturation de cette activité principale.

Le Conseil constitutionnel souligne enfin que la loi fait dépendre l’obligation de reprise de l’activité principale du distributeur, de sorte qu’elle limite celle-ci dans une mesure telle qu’il n’en résulte pas une dénaturation de cette activité principale.

En d’autres termes, en circonscrivant l’obligation de reprise des déchets à ceux « du même type que les produits vendus », la loi se contente d’imposer une activité secondaire (ou accessoire) aux distributeurs.

La constitutionnalité de l’article L. 541-10-9 du code de l’environnement est donc désormais certaine et incontestable. Reste à attendre l’examen par le Conseil d’Etat de la légalité du décret d’application de ce dispositif, qui devrait intervenir dans les mois qui suivent.

La marge de manœuvre de la Haute Assemblée sera cependant restreinte, et s’en tiendra aux seules dispositions du décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 prévoyant les modalités d’application du dispositif, tel que le périmètre maximum de 10 km prévu pour organiser la reprise, qui semble teinté de jacobinisme car inadapté aux particularités des territoires peu urbanisés.

III. Au delà de la réponse à la question posée, que retenir de la décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 2017 ?

Cette décision restera sans doute dans les annales pour deux raisons.

1. L’intérêt général d’une politique de traitement des déchets des entreprises

Tout d’abord, cette décision peut être considérée comme la première à reconnaître que le traitement des déchets dits « non ménagers » (les déchets de construction appartenant à la catégorie des déchets des entreprises) est une mission d’intérêt général.

Ce statut doit permettre de lever bien des obstacles, notamment fonciers (documents d’urbanisme), à l’implantation d’installations de reprise (collecte, tri ou transit de déchets).

Il serait heureux que le Conseil d’Etat confirme ce point à l’occasion de l’arrêt à venir sur la légalité du décret d’application, car si sa jurisprudence reconnaît qu’un centre de tri et de valorisation de déchets ménagers est un équipement « d’intérêt général » (CE, 16 juin 2004, req. n° 254.172), elle ne s’est pas prononcée sur le cas exclusif des déchets des entreprises (également déchets des activités économiques) (v. CE, 12 février 2014, req. n° 357.215 qui concerne des déchets industriels mais associés à la création d’une déchetterie publique).

2. La reconnaissance d’un nouveau régime de Responsabilité Elargie du Distributeur (RED)

Ensuite, bien que la décision ne le mentionne pas explicitement, elle valide implicitement mais nécessairement l’instauration d’un régime juridique sui generis de responsabilité pour le traitement des déchets, inventé par le législateur français : la responsabilité élargie du distributeur (RED).

Ce nouveau dispositif vient s’intercaler entre les deux catégories d’acteurs responsables du traitement des déchets :

  • d’une part, systématiquement, leur producteur et détenteur, c’est à-dire ceux qui par leur comportement génèrent ou manipulent des déchets ;
  • et, d’autre part, depuis quelques années, via le régime de responsabilité élargie des producteurs (REP), les metteurs sur le marché des produits qui deviendront des déchets. Cette deuxième catégorie créée par le droit européen est à l’origine de l’ensemble des éco-organismes à la française (la France étant championne d’Europe en la matière) ;

Il faudra donc à présent ajouter aux REP les RED, et on peut imaginer des dispositifs analogues pour d’autres filières de produits distribués.

Souhaitons, en conclusion et dans le prolongement du commentaire formulé par Michel Charasse lors de l’audience publique du Conseil constitutionnel, que cette obligation de reprise des déchets de matériaux de construction permette aux acteurs de l’économie circulaire de devenir aussi prospère que Pierre-François Palloy, l’entrepreneur de travaux public chargé de la démolition de la prison de la Bastille !

Liaison ferroviaire de l’aéroport Bâle-Mulhouse : le tribunal administratif de Strasbourg prescrit de compléter l’étude d’impact sur les zones humides

Liaison ferroviaire de l’aéroport Bâle-Mulhouse : le tribunal administratif de Strasbourg prescrit de compléter l’étude d’impact sur les zones humides

Par une décision du 7 avril 2025, le tribunal administratif de Strasbourg vient de juger que l’étude d’impact du projet de liaison ferroviaire vers l’aéroport de Bâle-Mulhouse, porté par les sociétés SNCF et EuroAirport (d’une longueur de 6 km et d’un coût estimé d’environ 400 millions d’euros), était partiellement insuffisante s’agissant de la délimitation des zones humides (TA Strasbourg, 7 avril 2025, 2206161).

En conséquence, le tribunal sursoit à statuer sur la demande des associations (notamment Alsace Nature) dirigée contre l’arrêté du 14 mars 2022 du préfet du Haut-Rhin portant déclaration d’utilité publique (DUP) du projet. Le juge fixe à l’Etat et au maître d’ouvrage un délai de 12 mois pour que l’étude d’impact environnemental soit complétée, via une procédure dite de régularisation. Ainsi, une fois le dossier complété, le tribunal réexaminera le recours.

  • Le jugement du 8 avril 2025 : insuffisance de l’étude d’impact sur la délimitation des zones humides

Le tribunal juge que les études ont négligé une part importante des zones humides impactées (42% selon l’avocat des associations) : « pour procéder au calcul de la superficie des zones humides, les maîtres d’ouvrage ont, à tort, fait une application cumulative des critères ‘habitats’ et ‘sols’, alors que ces critères sont alternatifs. L’étude d’impact est dès lors entachée d’inexactitude sur ce point » (consid. 12).

Le jugement laisse ainsi entendre que le diagnostic écologique du projet n’a pas pris en compte la nouvelle définition – plus exigeante – des zones humides, introduite par la loi du 24 juillet 2019 (art. L211-1 c. env. I, 1°). L’autorité environnementale recommandait déjà, dans son avis émis sur le projet le 22 janvier 2020, « de reprendre l’inventaire des zones humides selon la réglementation actuellement en vigueur » (p. 16).

Enfin, pour répondre à l’argumentation en défense de l’Etat, le tribunal souligne que « compte tenu de l’intérêt écologique particulier qui s’attache aux zones humides, et de la nécessité qui en découle de prévoir des mesures adaptées, » celles-ci doivent être prises en compte dès le stade de l’étude d’impact rattachée à la procédure de DUP (consid. 13), sans attendre donc l’étape ultérieure de l’autorisation environnementale.

  • Notre analyse et nos préconisations

1. Il est important de souligner que les compléments d’analyse de l’étude d’impact prescrits par le tribunal ne sont pas seulement destinés à régulariser un vice de forme. En effet, le jugement souligne explicitement que le tribunal réserve sa décision sur d’autres arguments soulevés par les requérants : « dès lors que la modification de la superficie des zones humides est susceptible d’avoir des conséquences sur d’autres aspects du projet, les moyens tirés de l’insuffisante évaluation des enjeux des milieux naturels […], de l’insuffisance du bilan environnemental et des mesures compensatoires, et de l’utilité publique du projet, doivent être réservés jusqu’en fin d’instance. » (consid. 18).

Il est déroutant que le communiqué de presse du tribunal semble contredire le jugement sur ce dernier point, en indiquant « Le tribunal n’a pas remis en cause le caractère d’utilité publique du projet, constatant que la nécessité d’améliorer l’accès à l’aéroport répondait à une finalité d’intérêt général et n’emportait pas de conséquences économiques, environnementales et sociales excessives ». Car, en réalité, le tribunal confirme l’utilité publique du projet dans un second jugement rendu le même jour, en réponse aux arguments soulevés par la commune suisse d’Allschwil (TA Strasbourg, 7 avril 2025, 2203304).

Nonobstant, le juge souligne que la régularisation ne garantit pas le rejet du recours dans le cadre de l’audience de réexamen qui interviendra en 2026.

2. En ce sens, il peut être fait mention d’une autre décision récente rendue par la Cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 3 avril 2025, 20NC00801). Dans cette affaire, le juge administratif a annulé l’autorisation environnementale d’un projet éolien d’envergure (63 éoliennes sur 7 communes) malgré la régularisation des vices relevés par la même juridiction, trois ans auparavant, s’agissant de l’absence d’avis indépendant de l’autorité environnementale. En définitive, le juge annule le projet sur la base de nouveaux vices révélés par l’avis obtenu durant le délai de régularisation (à savoir saturation du paysage et effet d’écrasement).

3. Bien que le mécanisme de régularisation en cours d’instance contribue à la sécurité des projets, ces décisions des juridictions du fond illustrent qu’il constitue plutôt une « seconde chance », sans garantie. Elles soulignent également l’importance du respect de la procédure (complétude de l’étude d’impact, prise en compte autant que possible de l’avis de l’autorité environnementale s’agissant de l’évaluation exhaustive des impacts environnementaux).

Ainsi, si les normes ou les règles de l’art évoluent dans le cadre de l’instruction et qu’elles peuvent influer l’impact environnemental de l’opération, alors il appartient au maître d’ouvrage de les prendre en compte dans le cadre de mise à jour des études. D’ailleurs, dans ce cas de figure, le promoteur peut toujours opter pour la « régularisation spontanée », c’est-à-dire régulariser son dossier de sa propre initiative, sans attendre la décision du juge (CE 22 sept. 2014, SIETOM, n° 367889).

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

En France, la valorisation des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers) est courante, notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Elle est notamment encadrée par un arrêté ministériel et un guide technique d’application.

En revanche, en Suisse, la législation fédérale impose l’enfouissement des mâchefers, alors que les espaces disponibles pour le stockage empiètent sur les terres agricoles et, donc, la souveraineté alimentaire.

Un récent arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023) juge que l’obligation de solidarité des cantons ne leur permet pas de rechercher seuls des solutions innovantes et plus vertueuses.

Les mâchefers d’incinération de déchets ménagers

L’incinération des déchets ménagers répond aux enjeux de l’économie circulaire. Elle doit être privilégiée à l’enfouissement, selon la hiérarchie des modes de traitement des déchets (réduire, réutiliser, recycler).

Cependant, ce mode de traitement génère des mâchefers, c‘est à dire des résidus d’incinération. Ils représentent un peu moins de 20% des déchets incinérés, soit de l‘ordre de 3 millions/tonnes de mâchefers/an en France (pour 120 centrales traitant 14,5 millions de tonnes de déchets/an) et 700 000 tonnes/an en Suisse (pour 30 centrales traitant 4 millions de tonnes de déchets/an).

En Europe, les usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) suisses sont réputées pour leur modernités et leurs performances, notamment en termes de rejets. Pourtant, alors que les mâchefers peuvent être avantageusement valorisés, notamment dans les travaux publics, la loi fédérale suisse (Ordonnance dite « OLED » du 4 décembre 2015), impose leur élimination en décharge.

Dans le canton de Genève, suite à a l’opposition des habitants suscitée face à un projet de création de nouvelle décharge pour stocker des mâchefers sur une zone agricole, une initiative cantonale a prôné le recyclage de ces déchets comme alternative à l’enfouissement.

L’arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024

Toutefois, dans un arrêt rendu le 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023), le Tribunal fédéral a confirmé le jugement de première instance et annulé cette initiative pour deux motifs principaux :

  • la compétence en matière environnementale relève de la Confédération et non des cantons, ce qui limite la marge de manœuvre cantonale dans ce domaine (point 2.3.5 de l’arrêt)
  • la loi fédérale de protection de l’environnement impose aux cantons de collaborer pour planifier la gestion et l’élimination des déchets au-delà de leurs frontières. Cette obligation implique une participation active et constructive à la recherche de solutions communes dans le cadre de la loi (point 2.3.4 de l’arrêt)

En d’autres termes, seul un accord l’échelon confédéral peut permettre la valorisation des mâchefers d’incinération de déchets ménagers plutôt que leur enfouissement.

Cette situation rappelle les tensions en France liées aux arrêtés municipaux « anti-OGM ». Le juge administratif avait alors rappelé que la police des OGM relève de la police spécial de l’État et que le principe de précaution ne permet pas au maire d’excéder ses compétences (CE, 24 septembre 2012, 342990, Publié au Recueil Lebon).

Une modification à venir du cadre légal fédéral ?

Suite à l’arrêt rendu par le tribunal fédéral suisse, le Conseil d’État genevois (organe exécutif cantonal) a mis en avant, dans un rapport du 4 novembre 2024, la nécessité de recourir à des « procédés innovants » pour valoriser les mâchefers. Il souligne que cette initiative cantonale pourrait constituer une expérimentation visant à « démontrer à la Confédération le bien-fondé de la modification du cadre légal fédéral ». Cette évolution règlementaire serait destinée à permettre :

  • une plus grande valorisation des mâchefers et, par conséquent, la réduction des volumes de déchets enfouis
  • tout en maîtrisant les risques environnementaux et en respectant le principe de coopération intercantonale.

La France peut à ce titre se prévaloir de déjà disposer d’un cadre juridique permettant la valorisation complète des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers), notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Cette pratique est notamment encadrée par un arrêté ministériel du 18 novembre 2011 et un guide technique d’application du Cerema.

Les professionnels du secteur sont représentés en France par l’Association Nationale pour l’utilisation des Graves de Mâchefers en travaux publics (ANGM) et en Europe, par la Fédération internationale du recyclage (FIR), tout particulièrement son groupe « Incinerator bottom ash ».

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Par deux jugements du 3 décembre 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les recours dirigés contre un projet de centrale solaire de 20 MW situé en région Nouvelle Aquitaine (TA Limoges, 3 décembre 2024, 2101881, 2101882 et 2101873). Le développeur du projet était défendu par le cabinet Altes.

Le tribunal a jugé que le projet respectait la réglementation locale d’urbanisme (1) et qu’il n’engendrait pas d’impact environnemental ou paysager (2).

1/ La centrale solaire respecte la réglementation d’urbanisme

Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que le préfet est compétent pour délivrer les autorisations d’urbanisme pour les ouvrages de production d’énergie (art. L422-2, b. du code de l’urbanisme). Parallèlement, la commune ou l’intercommunalité est compétente pour fixer la réglementation d’urbanisme.

1.1. Pas d’illégalité du PLU

Les requérants invoquaient l’« exception d’illégalité » de la règle du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune autorisant des « constructions industrielles concourant à la production d’énergie (centrale solaire PV…) » dans un secteur dédié aux activités sportives, touristiques et de loisir.

Le juge a écarté ce moyen en considérant que le développement des énergies renouvelables n’était pas incompatible avec la promotion de ces activités.

1.2. Pas d’obligation de sursis à statuer en attendant le nouveau PLU en cours d’élaboration

Les requérants reprochaient au préfet de ne pas avoir sursis à statuer sur la demande de permis. Cette possibilité prévue par le code de l’urbanisme (articles L. 153-11 et L. 424-1), concerne le cas où un projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU.

Le juge exerce un contrôle restreint sur l’utilisation ou non de cette faculté, limitée à l’erreur manifeste d’appréciation (voir en ce sens CE, 26 janv. 1979, n° 01485).

Le tribunal juge sur ce point que le seul projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du futur PLU ne justifiait pas un sursis à statuer au regard de son contenu : « eu égard à leur portée et à leur caractère général et en l’absence de zonage les concrétisant, les orientations précitées du PADD ne peuvent être regardées comme traduisant un état d’avancement du projet de plan local d’urbanisme suffisant à fonder une décision de sursis, compte tenu de la localisation du projet en litige ».

Il a sur ce point confirmé la jurisprudence selon laquelle un sursis ne peut être pris que si le projet de PLU forme une quasi-norme, formalisée et décantée (voir en ce sens CE, 9 déc. 1988, n° 68286 ; CE, 21 avril 2021, n°437599, conclusions du RP ; et aussi par ex. CAA Bordeaux, 9 juill. 2020, n° 19BX00571). Ainsi, l’exécution du PADD n’étant pas compromise ou rendue plus onéreuse, le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

2/ La centrale solaire n’emporte aucun impact environnemental ou paysager sur le golf voisin

Les requérants contestaient enfin les impacts du projet sur l’environnement (art. R. 111-26 du code de l’urbanisme). Cependant, le tribunal juge que la localisation du projet dans une zone agricole non artificialisée ne permet pas d’établir des atteintes à l’environnement.

Les autres impacts présumés sur le paysage (art. R. 111-27), notamment un impact visuel sur un golf voisin, des risques liées aux retombées de balles, des impacts sur le drainage du terrain, ainsi qu’une dépréciation de la valeur du golf ne sont pas matériellement démontrés, d’autant plus que le projet répond efficacement à chacun de ces présumés impacts, notamment grâce à la topographie et des mesures d’insertion.

Ces jugements constituent un signal encourageant pour le développement des énergies renouvelables, même dans un contexte local parfois éprouvant. Ils démontrent également l’importance de la coordination entre le préfet et la commune dans le processus de délivrance des permis des installations de production d’énergie. Ainsi que, au besoin, l’utilité d’un accompagnement juridique des promoteurs pour limiter le risque d’annulation.

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