Generic selectors
Exact matches only
Search in title
Search in content

Permis de construire un parc éolien : le Préfet doit examiner chaque élément car la demande est divisible (Jurisprudence cabinet)

par | 29 Sep 2014

Turbfinal.jpgDans un important arrêt du 12 juin 2014, la Cour administrative d’appel de Nancy vient de reconnaître qu’une éolienne est divisible du reste d’un parc éolien soumis à permis de construire. Cet arrêt offre une double garantie aux opérateurs :

– Une réponse circonstanciée de l’administration est due pour chacune des éoliennes composant un projet de parc ;

– La possibilité de bénéficier d’une autorisation partielle est un droit, y compris si une majorité du projet est rejeté par le Préfet ;

Cet arrêt mérite d’être salué car, à notre connaissance, c’est le premier qui reconnaît clairement la divisibilité des demandes de permis de construire un parc éolien (CAA Nancy, SNC MSE Le Haut des Epinettes, 12 juin 2014, req. n° 13NC01422).

Il est fort possible que l’avenir des énergies renouvelables dépende de la modification du droit applicable. Il me semble cependant que le développement et l’acceptabilité des projets éoliens dépend au moins autant de la normalisation du contrôle exercé par l’administration et le juge. L’arrêt qui vient d’être rendu par la Cour administrative d’appel de Nancy en est l’illustration. Décryptage.

1. La Cour fait droit à l’argumentation juridique des opérateurs éoliens, contre l’avis du Ministre

Dans cette affaire, le Ministre avait fait valoir que les Préfets pouvaient décider en opportunité de répondre par un arrêté unique et que, dans un tel cas, le refus de permis de construire serait une décision indivisible.

Cet argument, souvent invoqué par l’administration pour rejeter d’un seul trait plusieurs demandes de permis de construire, est éminemment préjudiciable aux opérateurs éoliens.  Il ne leur permet pas de déterminer, en cas de refus global du projet, si les motifs de la décision (bien souvent sécurité publique ou atteinte au paysage) concernent chacune des éoliennes du parc ou seulement certaines d’entre elles.

Jusqu’à présent, ce  flou privait l’opérateur de la possibilité de proposer de réduire son projet ou d’en modifier l’implantation. En outre, en cas de recours déposé contre le refus de permis de construire, le juge administratif n’était pas à même d’apprécier la motivation de la décision préfectorale.

Tout au contraire, faisant droit à l’argumentation développée par le cabinet, la Cour administrative d’appel de Nancy vient de juger qu’une éolienne constitue « un élément de construction fonctionnel autonome et par conséquent divisible du reste du projet présenté dans le cadre de la demande de permis de construire »

De sorte que « la fin de non recevoir opposée par le ministre tirée de l’indivisibilité du refus de permis de construire litigieux doit être écartée »  (CAA Nancy, SNC MSE Le Haut des Epinettes, 12 juin 2014, req. n° 13NC01422).

Cet arrêt mérite d’être salué car, à notre connaissance, c’est le premier qui reconnaît clairement la divisibilité des demandes de permis de construire un parc éolien.

2. La portée pratique de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy du 12 juin 2014 pour les opérateurs éoliens

La portée de l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Nancy arrêt le 12 juin 2014 semble très pratique.

En effet, les opérateurs se croyaient jusqu’à présent bien souvent démunis en cas de refus global de permis de construire opposé par le Préfet avec une motivation succincte ou même insuffisante.

Or, en reconnaissant la divisibilité des demandes de permis de construire les parcs éoliens, le juge administratif implique que l’administration procède à une analyse au cas par cas. Il est donc désormais permis de revendiquer une instruction individualisée, comme pour toute autre demande administrative.

Concrètement, en cas d’extension de parc éolien existant, une autorisation partielle, même réduite à une ou deux éoliennes, pourra constituer un avantage indéniable. Il est donc important que le juge administratif enjoigne aux Préfets de motiver individuellement leurs décisions.

Autre avantage, l’annulation d’un refus de permis de construire par le juge administratif accompagnée d’une injonction de réexamen de la demande permet à l’opérateur de bénéficier d’une nouvelle décision dans un délai déterminé (2 à 3 mois) et offre la garantie d’une stabilité du droit applicable.

3. Tout n’est pas divisible dans un parc éolien

L’arrêt de Nancy a été indirectement confirmé, quelques semaines après, par un arrêt du Conseil d’Etat du 9 juillet 2014 jugeant, à propos de la divisibilité d’une éolienne et d’un mât de mesure, que «  les éoliennes et le mât de mesure du vent, qui ont une vocation fonctionnelle autonome et n’ont pas fait l’objet d’une conception commune, ne constituent pas un ensemble immobilier unique » (CE, 9 juillet 2014, req. n° 366898).

Notons à ce titre le critère de la conception « commune » de l’ouvrage, qui méritera sans doute d’être explicité. En effet, il me semble que c’est d’avantage par obligation légale que les parcs éoliens font l’objet d’une conception commune, avec notamment une étude d’impact globale unique.

Précisons par ailleurs qu’un doute subsiste s’agissant du cas spécifique de la divisibilité des demandes de permis de construire une éolienne et un poste de livraison. En effet, la Cour administrative d’appel de Nantes du 17 janvier 2014 a jugé indivisible un permis de construire une éolienne et un poste de livraison (CAA Nantes, 17 janvier 2014, 13NT00947 – commenté ici).

Notons également que la jurisprudence semble également encore estimer que le Préfet peut se contenter d’une décision unique de rejet en cas d’avis négatif du ministère de la défense ou de l’aviation civile (v. notamment CAA Nantes, 13 juillet 2012, 11NT00127 jugeant que « le préfet a pu régulièrement statuer sur ces demandes par une décision unique » dès lors que « sept demandes de permis de construire à l’origine de la décision litigieuse portent sur un ensemble éolien intercommunal formant un parc unique conçu par la même entreprise et ont donné lieu à un dossier de présentation commun, notamment en ce qui concerne l’étude d’impact »).

Mais un tel raisonnement semble d’avantage procéder du fait que certaines juridictions administratives considèrent le Préfet en situation de compétence liée par rapport aux avis conformes des ministères de la défense et de l’aviation civile. Ce qui nous semble critiquable pour des motifs qui feront l’objet d’une future note.

4. Il faut normaliser le contrôle exercé sur les projets éoliens

Il est fort possible que l’avenir des énergies renouvelables dépende des réformes du droit applicable. Il me semble néanmoins que la priorité devrait être tout autant de normaliser le contrôle exercé par l’administration et le juge sur les projets éoliens.

En effet, en pratique, l’indéniable technicité (pour ne pas dire complexité) du sujet semble parfois conduire l’administration à se contenter d’une instruction superficielle et à refuser un projet dans sa globalité, notamment en cas d’avis négatif du service du patrimoine, ou de météo France, ou des ministères de la défense ou encore de l’aviation civile. De même, je constate que le juge peut parfois se contenter d’un contrôle assez succinct de ces motifs de refus, en cas de recours.

Or, comme toute autre demande de permis de construire ou d’autorisation d’exploitation, la demande de construction et d’exploitation d’un parc éolien mérite un contrôle administratif et juridique circonstancié : ni plus ni moins de droit qu’un autre projet d’aménagement ou de construction.

Plus globalement, c’est même la garantie d’un contrôle complet et réel des motifs des décisions administratives qui permettra à la filière, encore jeune, des énergies renouvelables (éolien mais aussi biomasse, solaire) de bénéficier d’une large acceptabilité sociale.

Cette exigence de contrôle approfondi vaut aussi bien pour les décisions d’octroi que de refus des permis, y compris pour des motifs relevant d’autorités très techniques.

5. Un raisonnement également valable pour l’ICPE et le permis unique

Précisons également que ce raisonnement nous semble valoir pour les demandes d’autorisations d’exploitation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et, donc, aussi pour les nouvelles demandes de permis unique (autorisations uniques), qui sont également divisibles.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les Préfets se réservent la possibilité de délivrer des arrêtés d’autorisation d’exploitation partiels.

 A contrario, cela implique que l’administration ne puisse pas rejeter arbitrairement l’intégralité d’une demande d’autorisation d’exploitation (ou d’autorisation unique) d’un parc éolien.

La décision préfectorale doit là aussi être motivée au regard de chacun des éoliennes objet de la demande, de même que les avis qui l’on précédé.

Liaison ferroviaire de l’aéroport Bâle-Mulhouse : le tribunal administratif de Strasbourg prescrit de compléter l’étude d’impact sur les zones humides

Liaison ferroviaire de l’aéroport Bâle-Mulhouse : le tribunal administratif de Strasbourg prescrit de compléter l’étude d’impact sur les zones humides

Par une décision du 7 avril 2025, le tribunal administratif de Strasbourg vient de juger que l’étude d’impact du projet de liaison ferroviaire vers l’aéroport de Bâle-Mulhouse, porté par les sociétés SNCF et EuroAirport (d’une longueur de 6 km et d’un coût estimé d’environ 400 millions d’euros), était partiellement insuffisante s’agissant de la délimitation des zones humides (TA Strasbourg, 7 avril 2025, 2206161).

En conséquence, le tribunal sursoit à statuer sur la demande des associations (notamment Alsace Nature) dirigée contre l’arrêté du 14 mars 2022 du préfet du Haut-Rhin portant déclaration d’utilité publique (DUP) du projet. Le juge fixe à l’Etat et au maître d’ouvrage un délai de 12 mois pour que l’étude d’impact environnemental soit complétée, via une procédure dite de régularisation. Ainsi, une fois le dossier complété, le tribunal réexaminera le recours.

  • Le jugement du 8 avril 2025 : insuffisance de l’étude d’impact sur la délimitation des zones humides

Le tribunal juge que les études ont négligé une part importante des zones humides impactées (42% selon l’avocat des associations) : « pour procéder au calcul de la superficie des zones humides, les maîtres d’ouvrage ont, à tort, fait une application cumulative des critères ‘habitats’ et ‘sols’, alors que ces critères sont alternatifs. L’étude d’impact est dès lors entachée d’inexactitude sur ce point » (consid. 12).

Le jugement laisse ainsi entendre que le diagnostic écologique du projet n’a pas pris en compte la nouvelle définition – plus exigeante – des zones humides, introduite par la loi du 24 juillet 2019 (art. L211-1 c. env. I, 1°). L’autorité environnementale recommandait déjà, dans son avis émis sur le projet le 22 janvier 2020, « de reprendre l’inventaire des zones humides selon la réglementation actuellement en vigueur » (p. 16).

Enfin, pour répondre à l’argumentation en défense de l’Etat, le tribunal souligne que « compte tenu de l’intérêt écologique particulier qui s’attache aux zones humides, et de la nécessité qui en découle de prévoir des mesures adaptées, » celles-ci doivent être prises en compte dès le stade de l’étude d’impact rattachée à la procédure de DUP (consid. 13), sans attendre donc l’étape ultérieure de l’autorisation environnementale.

  • Notre analyse et nos préconisations

1. Il est important de souligner que les compléments d’analyse de l’étude d’impact prescrits par le tribunal ne sont pas seulement destinés à régulariser un vice de forme. En effet, le jugement souligne explicitement que le tribunal réserve sa décision sur d’autres arguments soulevés par les requérants : « dès lors que la modification de la superficie des zones humides est susceptible d’avoir des conséquences sur d’autres aspects du projet, les moyens tirés de l’insuffisante évaluation des enjeux des milieux naturels […], de l’insuffisance du bilan environnemental et des mesures compensatoires, et de l’utilité publique du projet, doivent être réservés jusqu’en fin d’instance. » (consid. 18).

Il est déroutant que le communiqué de presse du tribunal semble contredire le jugement sur ce dernier point, en indiquant « Le tribunal n’a pas remis en cause le caractère d’utilité publique du projet, constatant que la nécessité d’améliorer l’accès à l’aéroport répondait à une finalité d’intérêt général et n’emportait pas de conséquences économiques, environnementales et sociales excessives ». Car, en réalité, le tribunal confirme l’utilité publique du projet dans un second jugement rendu le même jour, en réponse aux arguments soulevés par la commune suisse d’Allschwil (TA Strasbourg, 7 avril 2025, 2203304).

Nonobstant, le juge souligne que la régularisation ne garantit pas le rejet du recours dans le cadre de l’audience de réexamen qui interviendra en 2026.

2. En ce sens, il peut être fait mention d’une autre décision récente rendue par la Cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 3 avril 2025, 20NC00801). Dans cette affaire, le juge administratif a annulé l’autorisation environnementale d’un projet éolien d’envergure (63 éoliennes sur 7 communes) malgré la régularisation des vices relevés par la même juridiction, trois ans auparavant, s’agissant de l’absence d’avis indépendant de l’autorité environnementale. En définitive, le juge annule le projet sur la base de nouveaux vices révélés par l’avis obtenu durant le délai de régularisation (à savoir saturation du paysage et effet d’écrasement).

3. Bien que le mécanisme de régularisation en cours d’instance contribue à la sécurité des projets, ces décisions des juridictions du fond illustrent qu’il constitue plutôt une « seconde chance », sans garantie. Elles soulignent également l’importance du respect de la procédure (complétude de l’étude d’impact, prise en compte autant que possible de l’avis de l’autorité environnementale s’agissant de l’évaluation exhaustive des impacts environnementaux).

Ainsi, si les normes ou les règles de l’art évoluent dans le cadre de l’instruction et qu’elles peuvent influer l’impact environnemental de l’opération, alors il appartient au maître d’ouvrage de les prendre en compte dans le cadre de mise à jour des études. D’ailleurs, dans ce cas de figure, le promoteur peut toujours opter pour la « régularisation spontanée », c’est-à-dire régulariser son dossier de sa propre initiative, sans attendre la décision du juge (CE 22 sept. 2014, SIETOM, n° 367889).

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

En France, la valorisation des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers) est courante, notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Elle est notamment encadrée par un arrêté ministériel et un guide technique d’application.

En revanche, en Suisse, la législation fédérale impose l’enfouissement des mâchefers, alors que les espaces disponibles pour le stockage empiètent sur les terres agricoles et, donc, la souveraineté alimentaire.

Un récent arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023) juge que l’obligation de solidarité des cantons ne leur permet pas de rechercher seuls des solutions innovantes et plus vertueuses.

Les mâchefers d’incinération de déchets ménagers

L’incinération des déchets ménagers répond aux enjeux de l’économie circulaire. Elle doit être privilégiée à l’enfouissement, selon la hiérarchie des modes de traitement des déchets (réduire, réutiliser, recycler).

Cependant, ce mode de traitement génère des mâchefers, c‘est à dire des résidus d’incinération. Ils représentent un peu moins de 20% des déchets incinérés, soit de l‘ordre de 3 millions/tonnes de mâchefers/an en France (pour 120 centrales traitant 14,5 millions de tonnes de déchets/an) et 700 000 tonnes/an en Suisse (pour 30 centrales traitant 4 millions de tonnes de déchets/an).

En Europe, les usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) suisses sont réputées pour leur modernités et leurs performances, notamment en termes de rejets. Pourtant, alors que les mâchefers peuvent être avantageusement valorisés, notamment dans les travaux publics, la loi fédérale suisse (Ordonnance dite « OLED » du 4 décembre 2015), impose leur élimination en décharge.

Dans le canton de Genève, suite à a l’opposition des habitants suscitée face à un projet de création de nouvelle décharge pour stocker des mâchefers sur une zone agricole, une initiative cantonale a prôné le recyclage de ces déchets comme alternative à l’enfouissement.

L’arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024

Toutefois, dans un arrêt rendu le 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023), le Tribunal fédéral a confirmé le jugement de première instance et annulé cette initiative pour deux motifs principaux :

  • la compétence en matière environnementale relève de la Confédération et non des cantons, ce qui limite la marge de manœuvre cantonale dans ce domaine (point 2.3.5 de l’arrêt)
  • la loi fédérale de protection de l’environnement impose aux cantons de collaborer pour planifier la gestion et l’élimination des déchets au-delà de leurs frontières. Cette obligation implique une participation active et constructive à la recherche de solutions communes dans le cadre de la loi (point 2.3.4 de l’arrêt)

En d’autres termes, seul un accord l’échelon confédéral peut permettre la valorisation des mâchefers d’incinération de déchets ménagers plutôt que leur enfouissement.

Cette situation rappelle les tensions en France liées aux arrêtés municipaux « anti-OGM ». Le juge administratif avait alors rappelé que la police des OGM relève de la police spécial de l’État et que le principe de précaution ne permet pas au maire d’excéder ses compétences (CE, 24 septembre 2012, 342990, Publié au Recueil Lebon).

Une modification à venir du cadre légal fédéral ?

Suite à l’arrêt rendu par le tribunal fédéral suisse, le Conseil d’État genevois (organe exécutif cantonal) a mis en avant, dans un rapport du 4 novembre 2024, la nécessité de recourir à des « procédés innovants » pour valoriser les mâchefers. Il souligne que cette initiative cantonale pourrait constituer une expérimentation visant à « démontrer à la Confédération le bien-fondé de la modification du cadre légal fédéral ». Cette évolution règlementaire serait destinée à permettre :

  • une plus grande valorisation des mâchefers et, par conséquent, la réduction des volumes de déchets enfouis
  • tout en maîtrisant les risques environnementaux et en respectant le principe de coopération intercantonale.

La France peut à ce titre se prévaloir de déjà disposer d’un cadre juridique permettant la valorisation complète des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers), notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Cette pratique est notamment encadrée par un arrêté ministériel du 18 novembre 2011 et un guide technique d’application du Cerema.

Les professionnels du secteur sont représentés en France par l’Association Nationale pour l’utilisation des Graves de Mâchefers en travaux publics (ANGM) et en Europe, par la Fédération internationale du recyclage (FIR), tout particulièrement son groupe « Incinerator bottom ash ».

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Par deux jugements du 3 décembre 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les recours dirigés contre un projet de centrale solaire de 20 MW situé en région Nouvelle Aquitaine (TA Limoges, 3 décembre 2024, 2101881, 2101882 et 2101873). Le développeur du projet était défendu par le cabinet Altes.

Le tribunal a jugé que le projet respectait la réglementation locale d’urbanisme (1) et qu’il n’engendrait pas d’impact environnemental ou paysager (2).

1/ La centrale solaire respecte la réglementation d’urbanisme

Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que le préfet est compétent pour délivrer les autorisations d’urbanisme pour les ouvrages de production d’énergie (art. L422-2, b. du code de l’urbanisme). Parallèlement, la commune ou l’intercommunalité est compétente pour fixer la réglementation d’urbanisme.

1.1. Pas d’illégalité du PLU

Les requérants invoquaient l’« exception d’illégalité » de la règle du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune autorisant des « constructions industrielles concourant à la production d’énergie (centrale solaire PV…) » dans un secteur dédié aux activités sportives, touristiques et de loisir.

Le juge a écarté ce moyen en considérant que le développement des énergies renouvelables n’était pas incompatible avec la promotion de ces activités.

1.2. Pas d’obligation de sursis à statuer en attendant le nouveau PLU en cours d’élaboration

Les requérants reprochaient au préfet de ne pas avoir sursis à statuer sur la demande de permis. Cette possibilité prévue par le code de l’urbanisme (articles L. 153-11 et L. 424-1), concerne le cas où un projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU.

Le juge exerce un contrôle restreint sur l’utilisation ou non de cette faculté, limitée à l’erreur manifeste d’appréciation (voir en ce sens CE, 26 janv. 1979, n° 01485).

Le tribunal juge sur ce point que le seul projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du futur PLU ne justifiait pas un sursis à statuer au regard de son contenu : « eu égard à leur portée et à leur caractère général et en l’absence de zonage les concrétisant, les orientations précitées du PADD ne peuvent être regardées comme traduisant un état d’avancement du projet de plan local d’urbanisme suffisant à fonder une décision de sursis, compte tenu de la localisation du projet en litige ».

Il a sur ce point confirmé la jurisprudence selon laquelle un sursis ne peut être pris que si le projet de PLU forme une quasi-norme, formalisée et décantée (voir en ce sens CE, 9 déc. 1988, n° 68286 ; CE, 21 avril 2021, n°437599, conclusions du RP ; et aussi par ex. CAA Bordeaux, 9 juill. 2020, n° 19BX00571). Ainsi, l’exécution du PADD n’étant pas compromise ou rendue plus onéreuse, le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

2/ La centrale solaire n’emporte aucun impact environnemental ou paysager sur le golf voisin

Les requérants contestaient enfin les impacts du projet sur l’environnement (art. R. 111-26 du code de l’urbanisme). Cependant, le tribunal juge que la localisation du projet dans une zone agricole non artificialisée ne permet pas d’établir des atteintes à l’environnement.

Les autres impacts présumés sur le paysage (art. R. 111-27), notamment un impact visuel sur un golf voisin, des risques liées aux retombées de balles, des impacts sur le drainage du terrain, ainsi qu’une dépréciation de la valeur du golf ne sont pas matériellement démontrés, d’autant plus que le projet répond efficacement à chacun de ces présumés impacts, notamment grâce à la topographie et des mesures d’insertion.

Ces jugements constituent un signal encourageant pour le développement des énergies renouvelables, même dans un contexte local parfois éprouvant. Ils démontrent également l’importance de la coordination entre le préfet et la commune dans le processus de délivrance des permis des installations de production d’énergie. Ainsi que, au besoin, l’utilité d’un accompagnement juridique des promoteurs pour limiter le risque d’annulation.

Share This