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Modification d’une concession hydroélectrique dans l’intérêt de l’environnement : le préjudice d’EDF ne sera pas indemnisé

par | 6 Jan 2014

edf,concession hydroélectrique,loi de 1919,étang de berre,conseil d'état,qpc,cahier des chargesEDF réclamait le versement par l’Etat de près de 6 millions d’euros au titre du préjudice causé par la modification du cahier des charges d’une concession hydroélectrique (restriction des quantités d’eau rejetées dans l’étang de berre).

Dans un arrêt du 26 décembre 2013, le Conseil d’Etat vient de rejeter cette demande indemnitaire au motif qu’EDF n’établissait pas avoir subi un préjudice réel, de nature à remettre en cause l’équilibre de la concession (CE, 26 décembre 2013, req. n° 359.230).

La société EDF exploite l’énergie hydroélectrique des chutes de Salon et Saint-Chamas, sur la Durance (départements des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse et du Gard), en vertu d’une concession approuvée par décret le 6 avril 1972.

Par un décret du 8 décembre 2006, l’Etat a approuvé l’avenant n° 1 au cahier des charges spécial de la concession, en stipulant que les volumes d’eau douce rejetés par ces installations dans l’étang de Berre (plus grand plan d’eau salé d’Europe) devaient être limitées à 1200 milliards de m3 par an et les apports de limons à 60 000 tonnes.

La société EDF, s’est plaint de cette modification des modalités d’exploitation de la ressource en eau et a réclamé à l’Etat 5 806 000 euros pour les pertes subies sur la période courant du 9 décembre 2006 au 31 octobre 2007.

En effet en droit, selon l’article L. 521-1 du Code de l’énergie, « Les règlements d’eau des entreprises hydroélectriques sont pris conjointement au titre du présent livre et des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l’environnement.  Ces règlements peuvent faire l’objet de modifications, sans toutefois remettre en cause l’équilibre général de la concession ».

Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs jugé dans une importante décision du 24 juin 2011, rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité, que l’État pouvait régulièrement retirer une autorisation donnée au titre de la police de l’eau, sauf pour les concessions hydroélectriques.

Dans ce cas, les « règlements d’eau » figurant aux cahiers des charges annexés aux concessions octroyées au titre de la loi du 16 octobre 1919 sur l’hydroélectricité protègent l’exploitant contre les modifications qui pourraient y être apportées, même si elles interviennent pour garantir la salubrité et la sécurité publiques ou protéger le milieu aquatique d’une menace majeure  (Décision n° 2011-141 QPC du 24 juin 2011, Société Électricité de France déjà commentée ici sur ce blog).

C’est sur la base de cette analyse juridique qu’EDF a fait valoir son préjudice.

Mais le Conseil d’Etat juge que celui-ci n’est pas suffisamment établi au regard de la méthode de calcul présentée par EDF (calcul des pertes de production basé sur une utilisation maximale théorique de la capacité des installations) :

« pour évaluer le préjudice qu’elle prétendait avoir subi, la société requérante avait fait usage d’une méthode de calcul visant à démontrer a posteriori que si les normes antérieures étaient restées en vigueur, la production d’électricité des deux centrales hydroélectriques, malgré la carence hydrique de la Durance, aurait pu être optimisée et aurait été supérieure de 290GWh, ce qui aurait augmenté sur la période considérée le chiffre d’affaires de 5 806 000 euros ; qu’en retenant qu’EDF, qui ne contestait pas la carence hydrique durable du bassin de la Durance, ne fondait sa demande indemnitaire que sur un calcul des pertes de production basé sur une  » utilisation maximale théorique de la capacité des installations dans la seule limite du respect des normes antérieures « , la cour administrative d’appel de Paris n’a pas méconnu la portée des écritures qui lui étaient soumises par EDF et a suffisamment motivé sa décision »

En outre, le Conseil d’Etat juge que la Cour administrative d’appel n’a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que :

« la société EDF ne démontrait pas avoir subi sur la période litigieuse un préjudice réel, de nature à constituer une remise en cause ou une rupture de l’équilibre de la concession, ni, a fortiori, un préjudice de nature à constituer une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi », au motif qu’elle a constaté que « les rejets des centrales étaient restés inférieurs aux plafonds applicables à compter de l’entrée en vigueur du décret du 8 décembre 2006 ; qu’en l’absence d’indications contraires et après avoir pris en considération l’ensemble des éléments fournis par la requérante, elle a pu en déduire, sans erreur de droit, que la réalité du préjudice allégué n’était pas établie » (CE, 26 décembre 2013, req. n° 359.230).

Cette motivation laisse entendre qu’EDF aurait du dépasser les nouveaux plafonds de rejets, applicables à compter de la modification du cahier des charges, pour pouvoir établir son préjudice… ce qui peut laisser sceptique.

Un tel moyen ne paraît pas directement en lien avec la notion de charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi. Il est vrai que la question de la démonstration  du caractère exorbitant d’une charge pour une entreprise peut être délicate à établir.

L’arrêt ne dit cependant pas quelle méthode de calcul plus pertinente aurait pu être utilisée, mais il laisse présumer que la seule invocation de la perte de chiffre d’affaire n’est pas suffisante. Le chiffre d’affaire n’est en effet pas équivalent aux bénéfices et le résultat de la procédure dépend dans un tel cas pour partie de la présentation du dossier.

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Pour être valable, une marque doit être distinctive, c’est-à-dire permettre aux clients de reconnaître les produits ou services proposés sous cette marque, de ceux des autres entreprises.

Si le signe déposé à titre de marque est dépourvu de caractère distinctif en lui-même (par exemple : la marque est trop descriptive), ce caractère distinctif peut être acquis par l’usage. S’agissant d’une marque de l’Union Européenne (UE), cet usage doit avoir lieu au sein de l’UE, être ancien et suffisamment important pour que le signe utilisé soit perçu directement par le consommateur comme étant une marque.

Si ce principe est simple sur un plan théorique, dans la pratique, la preuve de l’existence de ce caractère distinctif acquis par l’usage est difficile à établir, comme l’illustre l’arrêt du Tribunal de l’Union Européenne (TUE), du 12 octobre 2022, qui a refusé de consacrer l’acquisition par l’usage du caractère distinctif de la marque sur le motif à damier de la pourtant célèbre maison Louis Vuitton.

En l’espèce, en 2015, un citoyen polonais avait saisi la division d’annulation de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO, à l’époque OHMI) d’une demande en nullité de la marque de l’UE déposée par Louis Vuitton.

La division d’annulation avait fait droit à la demande en annulant la marque, annulation confirmée par la Chambre des recours, considérant que le motif à damier ne constituait pas un caractère distinctif intrinsèque, ni qu’il avait été acquis par l’usage, dès lors que Louis Vuitton ne rapportait pas la preuve de cette acquisition dans six pays de l’UE (en l’occurrence six pays d’Europe de l’Est). Le TUE a validé ce raisonnement, et ainsi, confirmé l’annulation de la marque de Louis Vuitton.

Il a considéré d’une part, que « le motif à damier est un motif figuratif basique et banal,(…) (il) ne comporte ainsi aucune variation notable par rapport à la représentation conventionnelle de damiers et coïncide avec le modèle traditionnel d’un tel motif », le rendant donc dénué de toute distinctivité intrinsèque et d’autre part, que le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque « doit être démontré dans l’ensemble de ce territoire, et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité du territoire de l’Union », ce qui n’est pas le cas ici.

Cette décision n’est pas étonnante, l’EUIPO apprécie de manière très stricte l’acquisition du caractère distinctif d’une marque de l’UE par l’usage.

Source :

TUE, 19 oct. 2022, aff. T-275/21, Louis Vuitton Malletier c./ Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

Référence de l’image : Marque internationale n°986207 déposée par Louis Vuitton Malletier (Data.inpi.fr)

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Dans un arrêt du 12 octobre 2022, la Cour d’appel de Paris a prononcé la déchéance partielle de marques patronymiques en raison de l’usage trompeur fait par leur titulaire. La Cour a également jugé que la garantie d’éviction ne rend pas irrecevable la demande reconventionnelle en déchéance par le cédant.

En l’espèce le créateur Jean-Charles Castelbajac avait cédé les marques JC de CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC à la société PMJC. Cette dernière l’a attaqué pour contrefaçon car le créateur utilise aujourd’hui son nom patronymique pour promouvoir son activité, notamment sur son site internet.

La Cour a jugé que le créateur usait simplement de sa liberté de présenter ses activités sous son nom et avec sa signature et qu’aucun acte de contrefaçon n’était caractérisé.

En revanche, la Cour a partiellement donné raison à monsieur Castelbajac, qui avait formé une demande reconventionnelle en déchéance de ces marques pour usage trompeur. En effet il reprochait entre autres, à la société PMJC d’induire les consommateurs en erreur, en leur faisant croire que les produits commercialisés sous ces deux marques avaient été conçus par lui ou sous sa direction artistique, alors que ce n’était pas le cas.

Si cette décision est en faveur du créateur, la Cour de Cassation pourrait être saisie d’un pourvoi et donner une interprétation différente concernant la déchéance d’une marque patronymique devenue trompeuse du fait de son titulaire.

Cette décision fait écho aux célèbres jurisprudences en la matière : Ines de la Fressange, Cass. com., 31 janv.2006 et Bordas, Cass. com., 12 mars 1985.

Source :

Déchéance partielle de marques composées du nom patronymique d’un créateur en raison de l’usage trompeur par leur cessionnaire | INPI PIBD ;

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 12/10/22, 20/11628 (M20220269) PMJC SAS c. Jean-Charles C, LouisMarie C et Castelbajac Creative SAS (inpi.fr)

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

L’Afep-Medef s’est doté, en décembre 2022, d’un nouveau Code de gouvernance plaçant la stratégie RSE, notamment en matière climatique, au cœur des missions des Conseils d’administration.

La stratégie RSE : une mission essentielle du Conseil d’administration

Le code s’enrichit ainsi d’une nouvelle recommandation, intitulée « Le conseil d’administration et la responsabilité sociale et environnementale ».

Il appartiendra désormais au Conseil d’administration de déterminer les orientations stratégiques pluriannuelles en matière de RSE et à la direction de l’entreprise de présenter les modalités de mise en œuvre de cette stratégie avec un plan d’action et l’horizon de temps dans lequel ces actions seront menées.

Les dirigeants devront informer annuellement le Conseil d’administration des résultats obtenus au dans le cadre de la stratégie RSE préalablement définie.

En matière climatique, cette stratégie devra identifier des objectifs précis, selon des échelles de temps. Les résultats obtenus devront être examinés annuellement par le Conseil d’administration, qui pourra adapter les objectifs et les actions en fonction de l’évolution des technologies et de la situation de l’entreprise ainsi que de ses capacités à mettre en œuvre les mesures préconisées.  

La stratégie et les actions engagées devront être présentés aux actionnaires, au moins tous les trois ans, lors d’une assemblée générale ordinaire.

Assortie d’une formation spécifique aux enjeux climatiques

Afin de faciliter la mise en place d’une stratégie RSE et conformément à la pratique soulignée par l’AMF(Autorité des Marchés Financiers) dans son rapport 2022, le nouveau code de gouvernance Afep-Medef  préconise que ces sujets soient examinés en amont du conseil d’administration, par des comités spécialisés (Comités RSE), dont la composition est librement définie par les entreprises.

De plus, la formation complémentaire des administrateurs à la RSE devra comporter un volet spécifiquement dédié aux enjeux climatiques.

Qui devra être intégrée dans la rémunération des dirigeants

D’après le communiqué de presse de l’Afep-Medef, l’intégration, dans la détermination de la rémunération des dirigeants, de critères RSE précis et reflétant les enjeux sociaux et économiques les plus importants pour l’entreprise constituerait un levier puissant pour porter ces préoccupations au premier plan.

Les critères quantifiables doivent être privilégiés et l’un d’entre eux au moins doit être lié aux objectifs climatiques de l’entreprise.

A titre d’exemple, et comme le souligne l’AMF, l’indicateur quantifiable peut être fondé sur le taux de réduction des émissions carbone résultant de l’activité de la société par employé.

Une simple référence à l’application d’une politique RSE ou à des enjeux généraux est insuffisante.

Et mise en place rapidement

Face aux enjeux et même si ces nouvelles recommandations ne s’appliqueront qu’aux assemblées statuant sur les comptes des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023 (en pratique les assemblées tenues en 2024), l’Afep et le Medef recommandent aux Conseils d’administration de faire leurs meilleurs efforts pour les appliquer immédiatement.

Sources :

Code de gouvernance Afep-Medef décembre 2022 www.medef.com

Rapport AMF 2022

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