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L’assouplissement du cadre juridique de l’éolien est conforme à la Constitution

par | 12 Avr 2013

cadre juridique, éolien, parcs éoliens, constitution, règles des cinq mâts, zde, zones de développement éolien, SRE, schéma régional éolien, Conseil constitutionnel, bonus malus, énergieDepuis un mois, les opérateurs de la filière éolienne, l’Administration mais aussi le monde associatif restaient suspendus à l’ultime étape de l’assouplissement du cadre juridique de l’éolien terrestre : la décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi adopté le  11 mars 2013.

C’est désormais chose faite. Dans sa décision du 11 avril 2013, le Conseil constitutionnel vient de se prononcer sur le recours dirigé contre la « loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes ».

Si le dispositif bonus malus sur les consommations domestiques d’énergie a été censuré, les dispositions assouplissant le cadre juridique de l’éolien ont en revanche été validées : suppression des zones de développement éolien (ZDE) et de la règle des cinq mats ainsi que dispositions pour l’outre mer (Décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013).

Une décision qui permet de tirer un trait définitif sur cet objet juridique non identifié (OJNI) qu’étaient les ZDE.

Décryptage :

Les auteurs de la saisine pointaient plusieurs dispositions du projet de loi la loi du 11 mars 2013 relatives au nouveau cadre juridique de l’éolien. Le Conseil constitutionnel les a toutes écartées (Décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013).

i. Pas un cavalier législatif

Les Sage de la rue Montpensier écartent tout d’abord l’argument selon lequel les articles de la loi relatifs à l’éolien constitueraient un « cavalier législatif » (c’est-à-dire un Cheval de Troie dans la procédure législative : un article de loi qui introduit des dispositions n’ayant rien à voir avec le sujet traité par le projet de loi).

Contrairement à l’argument des parlementaires requérants, le Conseil constitutionnel juge que les amendements introduits à propos de l’éolien présentent un lien avec le texte de loi déposé.

En particulier, les articles de loi concernés sont :

– destinés à faciliter l’implantation d’éoliennes sur le territoire métropolitain et dans les départements d’outre-mer,

– et tendent à accélérer « la transition vers un système énergétique sobre » dans un contexte de « hausse inéluctable des prix de l’énergie »

Ils présentent ainsi un lien avec la proposition de loi initiale.

ii. Pas d’atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales

La suppression des zones de développement de l’éolien créées par la loi du 13 juillet 2005 et la modification des dispositions relatives aux obligations de rachat de la production d’électricité éolienne ne portent pas non plus atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales :

– si le nouveau dispositif a pour effet de ne plus subordonner l’obligation d’achat de l’électricité produite à l’implantation des éoliennes dans les ZDE, il n’affecte pas en tant sue tel les recettes des communes. Il ne porte donc pas atteinte aux compétences des communes et des EPCI à fiscalité propre dont le territoire est compris dans le périmètre des schémas régionaux éoliens (SRE).

– Ensuite, les éoliennes peuvent toujours être implantées hors des zones définies par le schéma régional éolien (SRE), de sorte que la loi n’a pas davantage pour effet d’instaurer une « quasi tutelle » de la région (qui élabore les SRE) sur les communes

En effet, comme cela a déjà pu être défendu ici même, l’obligation de prise en compte des SRE par les autorisations administratives relatives aux parcs éoliens est suffisamment souple et donne du sens à ces documents de planification.

iii. Pas de méconnaissance de la Charte de l’environnement

Enfin, selon le Conseil constitutionnel, la suppression de la règle dite des « cinq mâts » ne favorisera pas un « mitage visuel du territoire » de nature à porter atteinte aux paysages et à méconnaitre la Charte de l’environnement.

Le Conseil relève au contraire qu’en supprimant la règle des cinq mâts :

– le législateur a entendu favoriser l’implantation des éoliennes et le développement des énergies renouvelables ;

– l’implantation des éoliennes reste en outre assujettie aux autres règles d’urbanisme et à la législation des installations classées pour la protection de l’environnement

En d’autres termes, le cadre juridique restant permet suffisamment d’encadrer l’implantation des éoliennes tout en poursuivant l’objectif de développement des EnR.

Il en va de même de l’assouplissement des règles applicables outre-mer (dérogation au principe de l’extension de l’urbanisation en continuité avec le bâti).

iv. Synthèse

Les opérateurs publics et privés peuvent désormais intégrer pleinement les mesures introduites par la simplification du cadre juridique de l’éolien, ce qui impliquera, au cas par cas, d’envisager :

–  des désistements d’instance concernant des procédures dirigées contre des refus de ZDE

– des parcs éoliens de 1 à 4 mats (ce qui peut favoriser des démarches d’éolien participatif avec des collectivités ou des riverains ne pouvant pas financer directement 5 éoliennes). Rapellons que ces parcs devront bénéficier de toutes les autorisations administratives requises par ailleurs.

C’est une importante étape qui vient d’être franchie. D’autres sujets restent cependant  à aborder compte tenu de l’écart qui demeure encore entre le progrès technique et la règle de droit, tel que :

– réglementation de l’implantation des éoliennes sur le littoral : le rapporteur public Xavier de Lesquen, défendait lui-même devant le Conseil d’Etat la nécessité d’une adaptation législative dans l’affaire Neo Plouvien (CE, 4 novembre 2012, req. n° 347778)

– reconnaissance de la divisibilité des parcs éoliens : entrer éoliennes et avec le poste de livraison, parfois situé à très longue distance (CE, 1er mars 2013, M. et Mme A et autres, req. n°350306).

– simplification de l’implantation des éoliennes en zone de radars (d’autres Etats membre de l’Union, très recommandables, sont plus pragmatiques que nous).

Sur tous ces sujets, rappelons que le respect de la règle de droit implique que celle-ci puisse évoluer de manière empirique s’il s’avère qu’elle devient inadaptée au monde réel. C’est chose courante en droit de l’environnement, compte tenu du progrès technique et scientifique.

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

La société EcoDDS, éco-organisme de la filière des déchets diffus spécifiques ménagers, a demandé l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 27 novembre 2020 n°2020-1455 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs (REP), pris pour application de la loi AGEC.

Par une décision du 10 novembre 2023 n° 449213, publié au Journal Officiel n°0264 du 15 novembre 2023, le Conseil d’Etat a confirmé la solidité juridique du régime de la responsabilité élargie du producteur (REP) en apportant certaines précisions utiles (I).

Un des moyens présentés a cependant été retenu par le juge, relatif au mandat de représentation des producteurs (article R. 541-174 du code de l’environnement). Son annulation emporte des conséquences importantes immédiates pour les éco organismes (II).

I. Les dispositions conformes à la loi

La redevance versée à l’ADEME. Elle n’est pas une condition financière préalable au sens de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Les missions de suivi de l’Ademe sont également conformes à la loi AGEC.

La résorption des dépôts sauvages. Il revient au cahier des charges de chaque éco-organisme de prévoir au cas par cas si les coûts de ramassage et de traitement des déchets illégalement abandonnés sont pris en charge. Par ailleurs, ce dispositif ne méconnait pas les dispositions du TFUE relatives aux restrictions quantitatives, ni les objectifs de la directive Déchets s’agissant des couts nécessaires à la gestion des déchets.

Les garanties financières en cas de défaillance. Un dispositif financier a été créé pour garantir la continuité du service des éco-organismes (art R. 541-119 du code de l’environnement). Le terme « défaillance » est interprété de manière large, englobant toutes les situations pouvant compromettre la continuité du service public de gestion des déchets, tels que l’arrêt de l’activité, le non-renouvellement de l’agrément, ou des événements imprévus.

La consultation de l’Autorité de la concurrence n’était pas nécessaire, car les contrats types et l’uniformité des contributions n’entravent pas le libre choix des producteurs en matière de prix ou de conditions de vente.

La possibilité de prendre en charge les frais de mise en place des éco-organismes via les éco-contributions. Le Conseil juge que les frais de mise en place (le plus souvent engagés lors du dossier de candidature à l’agrément) peuvent être couverts par l’écocontribution au même titre que les frais de fonctionnement (considérant 47 de l’arrêt). En pratique, cette prise en charge sera rétroactive, puisque les fais de mise en place sont engagés avant l’agrément des éco-organismes.

Le soutien aux collectivités d’outre-mer. Le principe de planification par les éco-organismes est jugé conforme aux dispositions de la directive Déchets. La planification dans les collectivités d’outre-mer, régies par l’article 73 de la Constitution, sera mise en œuvre dans les cas où leurs performances sont inférieures à la moyenne métropolitaine.

Le barème amont. L’article R. 541-110 du code de l’environnement dispose que le cahier des charges peut détailler les modalités d’application du barème amont défini par la loi (L. 541-10-2 code env.). Le Conseil d’État valide cette disposition, au regard de la procédure transparente d’élaboration de ce barème, qui offre des garanties suffisantes et ne portant pas atteinte au principe de « bon rapport cout-efficacité ».

Par ailleurs, les modalités d’agrément des éco-organismes, la création et la compétence des comités des parties prenantes, la modulation de l’écocontribution, le rôle de l’organisme coordonnateur, les modalités d’autocontrôle sont également jugés conformes à la loi.

II. La disposition contraire à la loi : le mandat de subrogation pour les producteurs (art. R. 541-174 code env.)

2.1. Motifs de l’annulation

La société EcoDDS a obtenu l’annulation du décret en ce qu’il introduit l’article R. 541-174 dans le code de l’environnement. Cet article autorisait tout producteur, indépendamment de son origine, à déléguer à un mandataire la responsabilité « d’assurer le respect des obligations liées au régime de responsabilité élargie des producteurs », cette personne serait « subrogée dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur » dont il acceptait le mandat.

Le Conseil d’État relève d’abord que la directive Déchets prévoit seulement une possibilité de mandat pour les producteurs qui commercialisent sur le territoire national des produits élaborés dans autre Etat (art. 8bis §5 de la directive). Dans ce cas, le mandataire est chargé d’assurer le respect des obligations qui découlent du régime de la REP.  La directive souligne en outre que les Etats membres peuvent définir d’autres exigences, telles que l’enregistrement l’information et la communication des données qui doivent être remplies par le mandataire, afin de suivre et de vérifier les obligations du producteur établi à l’étranger.

Ensuite, le Conseil d’État relève que la loi AGEC a partiellement transposé ce point de la directive à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, sans mention d’un mandat, et en prévoyant simplement, pour les producteurs, l’obligation de « pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ». La loi aborde ensuite la mise en place d’éco-organismes agrées auxquels les producteurs transfèrent leur obligation en contrepartie d’une contribution financière.

Ainsi, d’une part, seul le décret transpose cette disposition de la directive, et, d’autre part, selon des modalités singulièrement différentes. En effet, l’article R. 541-174 du code de l’environnement résultant du décret prévoit que le mandat :

  • est permis à tous les producteurs (produisant en France ou à l’étranger)
  • et qu’il emporte une subrogation intégrale dans les obligations du producteur

Ce qui a une portée beaucoup plus large qu’un simple mandat au sens du droit des obligations (art. 1346 et suivants du code civil). La responsabilité attachée à un mandat classique (articles 1984 et suivants du code civil) est plus limitée. Ainsi, dans le cas du mandat avec subrogation, le mandataire doit répondre des obligations du mandant vis-à-vis des tiers. Par exemple les pénalités contractuelles dues aux éco-organismes. Au contraire, dans le cas du simple mandat, le mandant est responsable des actes du mandataire (la responsabilité du mandataire ne pouvant être engagée envers les tiers que dans le cas où il méconnait le mandat).

Les conclusions du Rapporteur public, Nicolas Agnoux, permettent d’éclairer l’arrêt sur ce point : « Ces dispositions entretiennent ainsi une confusion entre la possibilité, prévue au paragraphe 5 de l’article 8 bis de la directive, de désigner un simple « mandataire » chargé d’agir au nom et pour le compte du producteur, sans transfert de responsabilité, conformément à la définition qu’en donne le code civil (art. 1984 et 1998) et un régime de subrogation entraînant, comme l’indique la deuxième phrase de l’article, un transfert de la responsabilité élargie du producteur. Or cette seconde hypothèse apparaît non seulement contraire à la directive (CE, 13 juillet 2006, 281231) mais également entachée d’incompétence en ce qu’elle régit les obligations civiles des opérateurs ».

Pour ces raisons, le Conseil d’État juge que le pouvoir règlementaire a excédé sa compétence. L’article R. 541-174 du code de l’environnement est annulé dans son intégralité et immédiatement, sans effet différé.

2.2. Conséquences de l’annulation

Le fondement réglementaire de la subrogation intégrale ayant disparu avec l’annulation de l’article R. 541-174 code env., les mandats passés sont a minima devenus inopposables à l’administration sur ce point (cad les dispositions contractuelles désignant les mandataires des producteurs comme interlocuteurs « exclusif » de l’éco-organisme).

L’annulation emportant en outre des effets rétroactifs, l’article est censé n’avoir jamais existé, ce qui peut nécessiter une reconstitution du passé par l’administration. Cela peut donc également remettre en question les poursuites engagées et les sanctions déjà infligées à des mandataires en lieu et place des producteurs (les pénalités au titre des dispositions contractuelles spécifiques à chaque éco-organisme mais aussi au besoin les amendes administratives tel que prévu à l’article L. 5421-10-11 code env.). En cas de préjudice (risque de remboursement notamment), la responsabilité de l’État pourra être engagée.

Pour mémoire, en faisant reposer la responsabilité sur les épaules du mandataire, le décret d’application de la loi AGEC partait d’une bonne intention, consistant à faciliter les possibilités de poursuites vis-à-vis de producteurs situés à l’étranger en cas de dysfonctionnement.

De ce fait, désormais, si un producteur établi à l’étranger importe sa production en France, il est seul soumis au régime de la responsabilité élargie du producteur. Dans la mesure où il méconnaitrait ses obligations, l’éco-organisme doit le poursuivre directement et pas son mandataire.

Un mandat simple de représentation demeure possible. De même les cas particuliers ou des groupes ou maisons mères sont désignés mandataires par leurs filiales doivent pouvoir être pris en compte par les eco-organismes, y compris avec une responsabilité solidaire si elle est librement consentie.

2.3. Suites possibles

Une solution serait que le législateur vote une disposition reprenant les termes de l’article R. 541-174 du code de l’environnement, à savoir la possibilité d’un mandat avec subrogation intégrale pour les producteurs, sous réserve de sa conventionnalité et de sa constitutionnalité. Elle ne sera cependant valable que pour l’avenir, sans effets rétroactifs.

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

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Le Département Infrastructures et Matériaux du Cerema Méditerranée organise une Conférence Technique Territoriale le 12 octobre 2023 :

« Economie circulaire dans le BTP : développements et perspectives sur notre territoire« .

Maitre Rosalie Amabile, responsable du bureau de Marseille du cabinet Altes, y interviendra sur le thème du « Cadre juridique de l’économie circulaire : commande publique et BTP »

Le nombre de places est limité et la conférence aura lieu uniquement en présentiel sur le site d’Aix-en-Provence.

Les inscriptions sont obligatoires et se font par internet via ce lien.

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

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Le Club des avocats environnementalistes (CDAE) organise son prochain colloque à la Maison des Avocats le jeudi 28 septembre 2023, autour de la très importante et actuelle thématique de l’eau.

L’eau : entre protection de la ressource et conflits d’usages.

A cette occasion, notre associé Carl Enckell interviendra tout particulièrement sur le sujet de la « Circularité de l’eau : freins et leviers de la réglementation ».

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