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Les parcs éoliens peuvent-ils être autorisés tacitement ? (oui mais depuis peu)

par | 30 Oct 2012

article_Eolienne-2.jpgLa question de l’octroi d’autorisations administratives tacites pour la réalisation d’équipements industriels est un sujet sensible.

En effet, les opérateurs peuvent hésiter à se contenter du silence de l’administration pour s’estimer bénéficiaires de droits acquis et pouvoir démarrer les travaux en toute sécurité.

En outre, la réglementation est parfois d’une telle complexité qu’il peut-être difficile de déterminer si le silence de l’administration, à l’échéance du délai d’instruction, vaut accord ou au contraire refus tacite.

Si la pratique et la mise en œuvre des autorisations tacites est relativement courante pour des opérations de construction immobilières soumises au droit de l’urbanisme, il en va différemment pour des opérations industrielles soumises à une réglementation plus complexe.

Qu’en est–il pour les parcs éoliens en particulier ? Un examen au cas par cas montre que le classement sous le régime des ICPE a permis aux parcs éoliens de bénéficier de permis de construire tacites. Un « bienfait » de la nouvelle réglementation bien souvent oublié. Au contraire, auparavant, le silence de l’administration valait refus.

La particularité des  parcs éoliens est que ces équipements ne sont désormais plus seulement soumis à permis de construire mais également à autorisation d’exploitation au titre de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Or, cette réforme a précisément eu pour conséquence de modifier le régime des autorisations tacites applicables.

1. Effets des refus tacites pour les parcs éoliens seulement soumis à permis de construire

Jusqu’en juillet 2011, les parcs éoliens étaient seulement soumis à permis de construire.

Il revenait alors à cette seule autorisation d’urbanisme de prévoir les conditions de construction mais aussi d’exploitation de l’équipement. C’est d’ailleurs pourquoi la procédure impliquait une étude d’impact environnementale et une enquête publique.

Dans ce cas, l’éventuel silence de l’administration à l’issu du délai d’instruction (dont la date est matérialisée par la lettre de notification des délais adressée au pétitionnaire une fois son dossier complet) valait refus tacite.

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Douai a jugé dans un récent arrêt du 13 août 2012, EDP RENEWABLES France c/ Préfet de la Somme (req. n° 11DA01304) : « en vertu des dispositions combinées des articles R. 421-12 et R. 421-19 du code de l’urbanisme, de l’article L. 553-2 du code de l’environnement et du 34° de l’annexe I à l’article R. 123-1 du même code applicable, les demandes de permis de construire portant sur des éoliennes d’une hauteur de mât supérieure à 50 mètres et soumises, à ce titre, à enquête publique, ne peuvent donner lieu à l’octroi d’un permis de construire tacite ; que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE EDP RENEWABLES FRANCE, l’impossibilité de bénéficier d’un permis de construire tacite n’est pas limitée aux demandes de permis de construire soumis à enquête publique au titre de la rubrique 21° de la même annexe ; qu’il ressort des dossiers de demande de permis de construire et de l’étude d’impact, et il n’est pas contesté, que les projets en litige portaient sur la réalisation d’éoliennes d’une hauteur de plus de 50 mètres ; qu’ils étaient soumis à ce titre à enquête publique ; qu’ils ne pouvaient, de ce fait, donner lieu à l’octroi de permis de construire tacites ainsi, d’ailleurs, que le préfet de la Somme en a informé la société pétitionnaire ».

Ainsi, pour les parcs éoliens seulement soumis à permis de construire, le silence de l’administration à l’issue du délai d’instruction de la demande équivaut à un refus tacite.

Mais ce principe n’est plus valable depuis que les parcs éoliens sont également soumis à autorisation au titre de la législation des ICPE.

2. Effets des refus tacites pour les parcs éoliens soumis à permis de construire et à autorisation ICPE

Depuis que les parcs éoliens sont classés dans le régime  des ICPE en plus de l’obligation d’obtention d’un permis de construire, il faut distinguer les deux procédures.

i. Pour la demande d’autorisation ICPE, l’article R. 512-26 al. 2 du Code de l’environnement dispose : « Le préfet statue dans les trois mois à compter du jour de réception par la préfecture du dossier de l’enquête transmis par le commissaire enquêteur. En cas d’impossibilité de statuer dans ce délai, le préfet, par arrêté motivé, fixe un nouveau délai« .

Par application de ce texte, le préfet doit statuer sur la demande d’autorisation ICPE dans un délai déterminé à compter de la réception du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur à l’issue de l’enquête publique. Il doit au préalable adresser son projet d’arrêté au pétitionnaire pour observations. Si le préfet n’est pas en mesure de statuer, il doit proroger l’instruction par arrêté motivé.

En revanche, selon une jurisprudence constante, le silence du préfet à l’échéance du délai de 3 mois n’entraîne ni le refus ni l’octroi de l’autorisation ICPE (CE, 9 juin 1995, Tchijakoff, 127763).

Dès lors, en cas de silence du préfet à l’issue du délai d’instruction, l’opérateur doit faire valoir que le préfet a l’obligation de statuer sur sa demande d’autorisation ICPE. Des prorogations successives peuvent faire grief au pétitionnaire et peuvent être contestées devant le juge administratif.

ii. Pour la demande de permis de construire, la procédure est différente.

En effet, dans ce cas, c’est la lettre de notification des délais d’instruction (éventuellement plusieurs courriers successifs en cas de prorogation du délai ou de pièces manquantes) qui détermine la date à laquelle l’autorité compétente doit se prononcer sur la demande.

Cette instruction n’a désormais plus de lien l’enquête publique, seulement prévue dans le cadre de la demande d’autorisation ICPE. Ainsi, le permis de construire du parc éolien peut être délivré avant ou après l’enquête publique de l’ICPE.

En pratique, en cas de silence de l’autorité compétente à l’échéance inscrite dans le courrier de notification du délai d’instruction, le principe est que le demandeur bénéficie d’un permis de construire tacite.

L’article R. 424-1 du Code de l’urbanisme indique : « A défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l’autorité compétente vaut, selon les cas :

a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable ;

b) Permis de construire, permis d’aménager ou permis de démolir tacite.« 

Attention, cependant, car, par exception au principe, le silence continue de valoir refus tacite dans certains cas:

– Travaux soumis à l’autorisation du ministre de la défense ou à une autorisation au titre des sites classés ou des réserves naturelles;

– projet évoqué par le ministre chargé des sites;

– projet soumis à enquête publique en application du code de l’environnement;

– consultation de l’Assemblée de Corse;

– projet situé dans un espace ayant vocation à être classé dans le coeur d’un parc national;

– décision soumise à l’accord de l’architecte des Bâtiments de France si celui-ci a notifié un avis défavorable ou un avis favorable assorti de prescriptions.

En définitive, la question de l’octroi d’un permis de construire tacite ou pas est intimement liée à l’obligation d’une enquête publique.

Depuis le classement des parcs éoliens en ICPE, le permis de construire n’est plus soumis à enquête public et pourra donc, sauf exception, être obtenu tacitement.

Dans ce cas, l’opérateur éolien devra être très attentif aux documents qu’il affiche pour faire courir le délai de recours des tiers (lettre de notification des délais d’instruction).

Dans tous les cas il faudra également vérifier si le projet relève de l’une des exceptions visées. Attention car le préfet consulte souvent de manière facultative la CDNPS ou l’ABF sans que cela soit obligatoire. L’opérateur n’est alors pas dans le cas de l’une des exceptions.

L’Administration semble avoir bien intégré cette évolution et il lui arrive déjà d’attendre le dernier jour du délai d’instruction pour refuser le permis de construire, y compris pour des motifs discutables, mais avec pour principal objectif de ne pas laisser naître un permis tacite.

C’est peut être là un effet pervers des « bienfaits » de la réforme.

Addendum du 6 Octobre 2012 :

D’excellents confrères lillois observent à juste titre que le bénéfice d’un permis de construire tacite n’est certain que pour les éoliennes de moins de 50 mètres de haut, ce qui méritait effectivement d’être souligné.

En effet, depuis la réforme soumettant les parcs éoliens à autorisation ICPE, les demandes de permis de construire continuent d’être soumises à l’avis du ministère de la défense, par le mécanisme de renvoi du code de l’urbanisme vers l’article R.244-1 du Code de l’aviation civile (pris en application du futur article  L. 6352-1 du Code des transports) et l’arrêté pris pour son application du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l’établissement à l’extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation.

Dans un tel cas, l’octroi d’un permis de construire tacite n’est pas automatique et le silence de l’administration à l’issu du délai d’instruction vaudra refus.

On pourra ajouter 3 précisions :

i. Les délais d’instruction de la demande par les services de la défense sont ambigus. En effet, en pratique, l’administration peut se prévaloir alternativement :

– Soit d’un délai d’instruction d’un an par application de l’article R. 423-31 du Code de l’urbanisme (« Le délai d’instruction prévu par le b et le c de l’article R. 423-23 est porté à un an lorsque les travaux sont soumis à l’autorisation du ministre de la défense ou du ministre chargé des site. »).

– Soit d’un délai d’instruction de deux mois par application de l’article R.423-63 du Code de l’urbanisme (« Par exception aux dispositions de l’article R. 423-59, le délai à l’issue duquel le ministre chargé de l’aviation civile, le ministre de la défense ou leur délégué, consultés en application de l’article R. 425-9, sont réputés avoir émis un avis favorable est de deux mois »).

Ce dernier délai semble devoir prévaloir sur le premier compte tenu de la spécificité du texte dont il fait application.

iii. La jurisprudence semble parfois procéder à un contrôle in concreto de l’effet d’un parc éolien sur la navigation aérienne et de la nécessité corrélative d’obtenir l’autorisation spéciale du ministre de la défense. Ainsi, dans un arrêt du 4 janvier 2012, la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé : «  qu’il résulte des dispositions précitées de l’article R. 425-9 du code de l’urbanisme et de l’article R. 244-1 du code de l’aviation civile que, dans l’hypothèse d’un projet susceptible, en raison de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ne peut être délivré en l’absence d’ une autorisation spéciale du ministre de la défense ; qu’il est constant que les deux projets litigieux, visant à la construction d’un total de sept éoliennes dans une zone d’entraînements militaires à basse et très basse altitude, sont susceptibles de constituer des obstacles à la navigation aérienne » (CAA Lyon, 4 janvier 2012, Soc Innovent, req. n° 10LY01901). Qu’en serait-il pour un parc éolien localisé en dehors de toute zone d’entraînement militaire, notamment à basse altitude ?

iii. L’instruction des projets éoliens par les services de l’aviation civile fait l’objet d’une procédure détaillée dans la circulaire du 2 janvier 2012 (guichet unique) et il serait souhaitable qu’un même mécanisme soit adopté pour les services de la défense.

Contrefaçon de marque : le dirigeant engage sa responsabilité personnelle (TJ Lyon, 7 janvier 2025, société Hermès Sellier)

Contrefaçon de marque : le dirigeant engage sa responsabilité personnelle (TJ Lyon, 7 janvier 2025, société Hermès Sellier)

En cas de faute « détachable » ou « séparable » de ses fonctions, le dirigeant social d’une société peut engager sa propre responsabilité civile tant à l’égard des tiers que de ses associés. Dans ce cas, la personnalité morale en droit des sociétés ne permet plus de faire écran entre son dirigeant et le monde extérieur.

Tel est le cas lorsque le dirigeant commet « intentionnellement une faute d’une gravité particulière incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions » (Cass. Com., 20 mai 2003, n°99-17.092). Au fil du temps, la Cour de cassation a consacré plusieurs hypothèses de faute détachable des fonctions (voir Cass. Com., 4 juillet 2006, n°15-13.930 pour le fait d’omettre sciemment le paiement d’une prime d’assurance automobile et d’avertir les salariés de la perte consécutive de garantie ; ou encore Cass. 3e civ., 5 déc. 2024, n° 22-22998, F-D, pour le défaut de souscription à une assurance construction obligatoire).

Dans un jugement du 7 janvier 2025, le Tribunal judiciaire de Lyon s’est prononcé sur un cas de responsabilité du dirigeant social pour des faits constituant la violation du droit d’auteur. Ce dernier commet une faute détachable de ses fonctions lorsque sa société réalise des produits contrefaits (TJ Lyon, 3e ch., 7 janvier 2025, 23/03036, société Hermès Sellier c/ Société YM).

La violation du droit d’auteur peut entraîner la responsabilité personnelle du dirigeant

En l’espèce, la société HERMES SELLIER avait constaté la commercialisation et la présentation par la société YM, gérée par Monsieur (D), de vêtements reproduisant les motifs de certains de ses célèbres carrés de soie dans une boutique. Après une mise en demeure restée infructueuse, et sur le fondement de la titularité de ses dessins, la société HERMES SELLIER a fait assigner la société YM et son dirigeant devant le Tribunal judiciaire de Lyon aux fins de faire juger que les produits commercialisés par la société YM constituaient des actes de contrefaçon résultant de la création d’une même impression d’ensemble et/ou reproduisant la combinaison originale des caractéristiques des dessins. À l’appui de ces revendications figurait notamment un procès-verbal de constat.

Le Tribunal judiciaire de Lyon, après avoir retenu la protection par le droit d’auteur des motifs SPACE DERBY, CHEVAL DE FÊTE et SELLE DES STEPPES, puis les actes de contrefaçon, confirme que lesdits actes engagent la responsabilité in solidum de la société et de son gérant.

Pour retenir la responsabilité du dirigeant, le Tribunal identifie plusieurs éléments constitutifs d’une faute séparable de ses fonctions : ses déclarations personnelles « selon lesquelles il a lui-même fait réaliser les produits contrefaisants à partir de photographies trouvées sur internet », le caractère peu contestable de l’argument selon lequel il n’avait pas connaissance de l’exploitation des motifs par la société HERMES SELLIER alors « qu’ont été reproduits trois motifs appartenant à la même collection printemps-été 2021, ainsi que leurs déclinaisons de couleurs »  puisqu’il avait été personnellement informé des droits revendiqués par la mise en demeure lui ayant été adressée, sans pour autant les avoir retirés « de sorte qu’il a laissé se poursuivre en connaissance de cause les actes de contrefaçon. ».

Il convient d’observer que la « taille très modeste de la société » n’a pas joué en sa faveur… Le demandeur ayant d’ailleurs souligné que Monsieur (D) était la seule personne travaillant pour la société, de sorte qu’il a personnellement commandé et mis en vente les vêtements incriminés.

Cette affaire souligne que le dirigeant ne peut ignorer les règles du droit de la propriété intellectuelle, tant leur maîtrise est aujourd’hui essentielle dans les pratiques commerciales.

Liaison ferroviaire de l’aéroport Bâle-Mulhouse : le tribunal administratif de Strasbourg prescrit de compléter l’étude d’impact sur les zones humides

Liaison ferroviaire de l’aéroport Bâle-Mulhouse : le tribunal administratif de Strasbourg prescrit de compléter l’étude d’impact sur les zones humides

Par une décision du 7 avril 2025, le tribunal administratif de Strasbourg vient de juger que l’étude d’impact du projet de liaison ferroviaire vers l’aéroport de Bâle-Mulhouse, porté par les sociétés SNCF et EuroAirport (d’une longueur de 6 km et d’un coût estimé d’environ 400 millions d’euros), était partiellement insuffisante s’agissant de la délimitation des zones humides (TA Strasbourg, 7 avril 2025, 2206161).

En conséquence, le tribunal sursoit à statuer sur la demande des associations (notamment Alsace Nature) dirigée contre l’arrêté du 14 mars 2022 du préfet du Haut-Rhin portant déclaration d’utilité publique (DUP) du projet. Le juge fixe à l’Etat et au maître d’ouvrage un délai de 12 mois pour que l’étude d’impact environnemental soit complétée, via une procédure dite de régularisation. Ainsi, une fois le dossier complété, le tribunal réexaminera le recours.

  • Le jugement du 8 avril 2025 : insuffisance de l’étude d’impact sur la délimitation des zones humides

Le tribunal juge que les études ont négligé une part importante des zones humides impactées (42% selon l’avocat des associations) : « pour procéder au calcul de la superficie des zones humides, les maîtres d’ouvrage ont, à tort, fait une application cumulative des critères ‘habitats’ et ‘sols’, alors que ces critères sont alternatifs. L’étude d’impact est dès lors entachée d’inexactitude sur ce point » (consid. 12).

Le jugement laisse ainsi entendre que le diagnostic écologique du projet n’a pas pris en compte la nouvelle définition – plus exigeante – des zones humides, introduite par la loi du 24 juillet 2019 (art. L211-1 c. env. I, 1°). L’autorité environnementale recommandait déjà, dans son avis émis sur le projet le 22 janvier 2020, « de reprendre l’inventaire des zones humides selon la réglementation actuellement en vigueur » (p. 16).

Enfin, pour répondre à l’argumentation en défense de l’Etat, le tribunal souligne que « compte tenu de l’intérêt écologique particulier qui s’attache aux zones humides, et de la nécessité qui en découle de prévoir des mesures adaptées, » celles-ci doivent être prises en compte dès le stade de l’étude d’impact rattachée à la procédure de DUP (consid. 13), sans attendre donc l’étape ultérieure de l’autorisation environnementale.

  • Notre analyse et nos préconisations

1. Il est important de souligner que les compléments d’analyse de l’étude d’impact prescrits par le tribunal ne sont pas seulement destinés à régulariser un vice de forme. En effet, le jugement souligne explicitement que le tribunal réserve sa décision sur d’autres arguments soulevés par les requérants : « dès lors que la modification de la superficie des zones humides est susceptible d’avoir des conséquences sur d’autres aspects du projet, les moyens tirés de l’insuffisante évaluation des enjeux des milieux naturels […], de l’insuffisance du bilan environnemental et des mesures compensatoires, et de l’utilité publique du projet, doivent être réservés jusqu’en fin d’instance. » (consid. 18).

Il est déroutant que le communiqué de presse du tribunal semble contredire le jugement sur ce dernier point, en indiquant « Le tribunal n’a pas remis en cause le caractère d’utilité publique du projet, constatant que la nécessité d’améliorer l’accès à l’aéroport répondait à une finalité d’intérêt général et n’emportait pas de conséquences économiques, environnementales et sociales excessives ». Car, en réalité, le tribunal confirme l’utilité publique du projet dans un second jugement rendu le même jour, en réponse aux arguments soulevés par la commune suisse d’Allschwil (TA Strasbourg, 7 avril 2025, 2203304).

Nonobstant, le juge souligne que la régularisation ne garantit pas le rejet du recours dans le cadre de l’audience de réexamen qui interviendra en 2026.

2. En ce sens, il peut être fait mention d’une autre décision récente rendue par la Cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 3 avril 2025, 20NC00801). Dans cette affaire, le juge administratif a annulé l’autorisation environnementale d’un projet éolien d’envergure (63 éoliennes sur 7 communes) malgré la régularisation des vices relevés par la même juridiction, trois ans auparavant, s’agissant de l’absence d’avis indépendant de l’autorité environnementale. En définitive, le juge annule le projet sur la base de nouveaux vices révélés par l’avis obtenu durant le délai de régularisation (à savoir saturation du paysage et effet d’écrasement).

3. Bien que le mécanisme de régularisation en cours d’instance contribue à la sécurité des projets, ces décisions des juridictions du fond illustrent qu’il constitue plutôt une « seconde chance », sans garantie. Elles soulignent également l’importance du respect de la procédure (complétude de l’étude d’impact, prise en compte autant que possible de l’avis de l’autorité environnementale s’agissant de l’évaluation exhaustive des impacts environnementaux).

Ainsi, si les normes ou les règles de l’art évoluent dans le cadre de l’instruction et qu’elles peuvent influer l’impact environnemental de l’opération, alors il appartient au maître d’ouvrage de les prendre en compte dans le cadre de mise à jour des études. D’ailleurs, dans ce cas de figure, le promoteur peut toujours opter pour la « régularisation spontanée », c’est-à-dire régulariser son dossier de sa propre initiative, sans attendre la décision du juge (CE 22 sept. 2014, SIETOM, n° 367889).

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

En France, la valorisation des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers) est courante, notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Elle est notamment encadrée par un arrêté ministériel et un guide technique d’application.

En revanche, en Suisse, la législation fédérale impose l’enfouissement des mâchefers, alors que les espaces disponibles pour le stockage empiètent sur les terres agricoles et, donc, la souveraineté alimentaire.

Un récent arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023) juge que l’obligation de solidarité des cantons ne leur permet pas de rechercher seuls des solutions innovantes et plus vertueuses.

Les mâchefers d’incinération de déchets ménagers

L’incinération des déchets ménagers répond aux enjeux de l’économie circulaire. Elle doit être privilégiée à l’enfouissement, selon la hiérarchie des modes de traitement des déchets (réduire, réutiliser, recycler).

Cependant, ce mode de traitement génère des mâchefers, c‘est à dire des résidus d’incinération. Ils représentent un peu moins de 20% des déchets incinérés, soit de l‘ordre de 3 millions/tonnes de mâchefers/an en France (pour 120 centrales traitant 14,5 millions de tonnes de déchets/an) et 700 000 tonnes/an en Suisse (pour 30 centrales traitant 4 millions de tonnes de déchets/an).

En Europe, les usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) suisses sont réputées pour leur modernités et leurs performances, notamment en termes de rejets. Pourtant, alors que les mâchefers peuvent être avantageusement valorisés, notamment dans les travaux publics, la loi fédérale suisse (Ordonnance dite « OLED » du 4 décembre 2015), impose leur élimination en décharge.

Dans le canton de Genève, suite à a l’opposition des habitants suscitée face à un projet de création de nouvelle décharge pour stocker des mâchefers sur une zone agricole, une initiative cantonale a prôné le recyclage de ces déchets comme alternative à l’enfouissement.

L’arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024

Toutefois, dans un arrêt rendu le 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023), le Tribunal fédéral a confirmé le jugement de première instance et annulé cette initiative pour deux motifs principaux :

  • la compétence en matière environnementale relève de la Confédération et non des cantons, ce qui limite la marge de manœuvre cantonale dans ce domaine (point 2.3.5 de l’arrêt)
  • la loi fédérale de protection de l’environnement impose aux cantons de collaborer pour planifier la gestion et l’élimination des déchets au-delà de leurs frontières. Cette obligation implique une participation active et constructive à la recherche de solutions communes dans le cadre de la loi (point 2.3.4 de l’arrêt)

En d’autres termes, seul un accord l’échelon confédéral peut permettre la valorisation des mâchefers d’incinération de déchets ménagers plutôt que leur enfouissement.

Cette situation rappelle les tensions en France liées aux arrêtés municipaux « anti-OGM ». Le juge administratif avait alors rappelé que la police des OGM relève de la police spécial de l’État et que le principe de précaution ne permet pas au maire d’excéder ses compétences (CE, 24 septembre 2012, 342990, Publié au Recueil Lebon).

Une modification à venir du cadre légal fédéral ?

Suite à l’arrêt rendu par le tribunal fédéral suisse, le Conseil d’État genevois (organe exécutif cantonal) a mis en avant, dans un rapport du 4 novembre 2024, la nécessité de recourir à des « procédés innovants » pour valoriser les mâchefers. Il souligne que cette initiative cantonale pourrait constituer une expérimentation visant à « démontrer à la Confédération le bien-fondé de la modification du cadre légal fédéral ». Cette évolution règlementaire serait destinée à permettre :

  • une plus grande valorisation des mâchefers et, par conséquent, la réduction des volumes de déchets enfouis
  • tout en maîtrisant les risques environnementaux et en respectant le principe de coopération intercantonale.

La France peut à ce titre se prévaloir de déjà disposer d’un cadre juridique permettant la valorisation complète des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers), notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Cette pratique est notamment encadrée par un arrêté ministériel du 18 novembre 2011 et un guide technique d’application du Cerema.

Les professionnels du secteur sont représentés en France par l’Association Nationale pour l’utilisation des Graves de Mâchefers en travaux publics (ANGM) et en Europe, par la Fédération internationale du recyclage (FIR), tout particulièrement son groupe « Incinerator bottom ash ».

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