Generic selectors
Exact matches only
Search in title
Search in content

Le développement des EnR en Europe remis en cause par une condamnation historique de l’ONU (pas tout à fait exclusif)

par | 4 Sep 2012

EnR, ONU, Pat Swords, condamnation, directive, politique, éolien, La décision du Comité de Conformité de la Commission Economique des Nations Unies pour l’Europe (UNECE) était attendue.

Elle est discrètement tombée le 16 août 2012, au cœur de l’été, mais peut faire l’effet d’un bombe : L’Union Européenne est condamnée par l’ONU pour avoir méconnu la Convention d’Aarhus, c’est à dire le droit international.

Plus précisément, l’ONU juge que l’Union Européenne a illégalement imposé des plans d’action nationaux sur les énergies renouvelables à ses Etat membres (directive européenne 2009/28/EC), dans la mesure ou ces décisions ont un impact sur l’environnement mais qu’elle n’ont pas été précédées d’une concertation préalable suffisante.

Il s’en suit que l’ensemble des actions mettant en œuvre la politique de promotion des énergies renouvelables (EnR, notamment éolien et solaire)  – à l’échelon européen, national ou local – peut-être remise en cause pour un problème de droit que l’on peut ranger dans la catégorie des vices de procédures.

Décryptage.

Actualisation du 5 sept 2012 : Cette info n’était pas tout à fait exclusive puisque Stéphanie Senet du JDLE l’ a commentée dans son édition du 31 août. Rendons à cesar …

i. Une condamnation historique

A la suite de près de deux années de procédure (déjà commentée ), l’ONU a tranché et reproche à l’Union Européenne d’avoir adopté la Directive européenne 2009/28/EC du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (par des plans d’action nationaux) en omettant de prévoir :

– les conditions pratiques du respect du principe de concertation par chaque Etat membre, selon les dispositions de la Convention d’Aarhus (article 7 de la convention d’Aarhus).

– les modalités selon lesquelles l’Europe aurait pu s’assurer du respect par les Etats Membres de l’Union dudit principe de concertation avec le public (article 3.1 de la Convention d’Aarhus)

En d’autres termes, pour l’ONU, la fin ne justifie pas les moyens en matière d’EnR.

Cette décision dépasse très largement l’enjeu du conflit opposant le requérant initial – le désormais célèbre Pat Swords – à l’Irlande. Elle va faire sentir ses effets dans tous les Etats Membres de l’Union Européenne, dont la France.

ii. Des recommandations pratiques

Le Comité de Conformité de la Commission Economique des Nations Unies pour l’Europe (UNECE) de l’ONU ne se contente cependant pas d’une condamnation. Il préconise également des solutions (recommandations).

A ce titre, l’ONU recommande à l’Union Européenne de prévoir un nouveau dispositif juridique :

–       indiquant aux Etats Membres comment assurer le respect du principe de participation du public, de manière transparente et juste, dans le cadre de l’établissement des plans d’action nationaux sur les EnR ;

–        incluant des délais suffisants pour que le public puisse réellement participer à l’élaboration de la décision très en amont, c’est à dire lorsque toutes les options sont encore ouvertes ;

–       incluant également des dispositions permettant de garantir que l’avis du public sera pris en compte.

C’est donc tout le processus d’action sur les énergies renouvelables qui est remis en cause.

iii Les conséquences prévisibles

Cette décision de l’ONU devrait avoir pour effet d’entraîner une révision de la directive européenne 2009/28/EC et de mettre en conformité le processus européen d’adoption des textes ayant une incidence sur l’environnement avec les principes de la convention d’Aarhus.

C’est pour l’Union Européenne une véritable révolution. La meilleur preuve et que la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) n’a pas encore admis clairement que le droit européen dérivé (les directives européennes) est soumis au droit international tel que la convention d’Aarhus. Sa jurisprudence va très certainement devoir évoluer.

A l’échelon inférieur les Etats Membres, dont la France, devront par la suite revoir leur législation nationale pour s’assurer que les plans adoptés pour agir en faveur des EnR ont été précédés d’une concertation suffisante, répondant aux critères européens.

La difficulté est que l’Union Européenne, et en particulier la Commission, n’a pas réagi à cette décision de l’ONU. Or, l’on sait désormais qu’elle va devoir revoir sa copie.

Mais tout cela peut prendre de très longs mois, voire de longues années, compte tenu du mécanisme institutionnel de co-décision entre Etats Membres.

La difficulté posée est celle de l’application des textes en vigueur durant cet intervalle.

Ainsi, par exemple, la France est en train d’adopter ses Schémas Régionaux du Climat de l’Air et de l’Energie (SRCAE), comportant un volet éolien. La raison d’être de ces documents de planification est la politique de promotion des EnR et notamment l’objectif européen « 20 % d’ENR à l’horizon 2020 ».

Il en  va de même du dispositif de soutien économique aux EnR (tarifs de rachat).

Les décisions prises pour l’application de la législation nationale (autorisation d’implantation d’ouvrages, contrats de rachat) seront-elles fragilisées du fait de cette période transitoire ? Pas forcément. Mais cela implique une analyse juridique de chaque type d’acte (permis de construire, contrat etc…).

iv. La France ne pourra pas attendre que l’Union Européenne réagisse

La décision de l’ONU intervient au même moment que plusieurs décisions du Conseil constitutionnel allant dans le même sens (notamment CC, 13 juillet 2012, FNE).  Sans attendre un réveil de l’Europe, la France va devoir adopter avant le 1er janvier 2013 une nouvelle législation  en matière de mise en œuvre du principe de participation du public aux décisions susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement.

Or, il faut bien reconnaître que personne ne peut dire à ce jour avec certitude ce qui peut constituer une concertation suffisante avec le public. Combien de temps les projets de textes devront-ils être mis en consultation ? Comment pourra-t-on justifier avoir pris en considération les observations ce chacun ? Quels critères permettront de vérifier objectivement que les « avantages » de tel équipement sont supérieurs à ses « désavantages ».

Il n’en demeure pas moins que la France a tout intérêt à définir de la manière la plus complète possible le nouveau cadre juridique de la concertation, faute de quoi la loi pourrait être elle-même remise en cause.

v. Que faut-il en penser ?

Il est difficile  formuler un avis personnel sur la mise en œuvre du principe de concertation, désormais véritable question de société.

On pourra tout d’abord relever que l’application du principe de concertation conduit en pratique depuis plusieurs mois à des situations juridiques ubuesques, qui soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses.

En apparence, il paraît désormais bien loin le temps où une décision politique suffisait à faire tracer une ligne de chemin de fer, une ligne à haute tension, un forage ou tout autre équipement industriel ou d’infrastructure susceptible de porter atteinte à l’environnement…

Mais en réalité, l’une des premières conséquences de cette décision est de freiner l’émérgence de nouvelles formes de productions d’EnR. Ce sont les installations en place (fossiles, nucléaire) qui s’en trouvent confortées pour quelques années.

Quant aux EnR, elles iront se développer dans des pays émergents moins à cheval sur la démocratie participative.

En définitive, sans consensus global, les règles de procédures nécessaires à la mise en œuvre du principe de concertation ne permettront pas d’assurer une protection efficace de notre environnement et des générations futures. Du reste, en période de crise structurelle, l’Europe comme la France ont probablement plus besoin de Concorde que de concertation.

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

La société EcoDDS, éco-organisme de la filière des déchets diffus spécifiques ménagers, a demandé l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 27 novembre 2020 n°2020-1455 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs (REP), pris pour application de la loi AGEC.

Par une décision du 10 novembre 2023 n° 449213, publié au Journal Officiel n°0264 du 15 novembre 2023, le Conseil d’Etat a confirmé la solidité juridique du régime de la responsabilité élargie du producteur (REP) en apportant certaines précisions utiles (I).

Un des moyens présentés a cependant été retenu par le juge, relatif au mandat de représentation des producteurs (article R. 541-174 du code de l’environnement). Son annulation emporte des conséquences importantes immédiates pour les éco organismes (II).

I. Les dispositions conformes à la loi

La redevance versée à l’ADEME. Elle n’est pas une condition financière préalable au sens de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Les missions de suivi de l’Ademe sont également conformes à la loi AGEC.

La résorption des dépôts sauvages. Il revient au cahier des charges de chaque éco-organisme de prévoir au cas par cas si les coûts de ramassage et de traitement des déchets illégalement abandonnés sont pris en charge. Par ailleurs, ce dispositif ne méconnait pas les dispositions du TFUE relatives aux restrictions quantitatives, ni les objectifs de la directive Déchets s’agissant des couts nécessaires à la gestion des déchets.

Les garanties financières en cas de défaillance. Un dispositif financier a été créé pour garantir la continuité du service des éco-organismes (art R. 541-119 du code de l’environnement). Le terme « défaillance » est interprété de manière large, englobant toutes les situations pouvant compromettre la continuité du service public de gestion des déchets, tels que l’arrêt de l’activité, le non-renouvellement de l’agrément, ou des événements imprévus.

La consultation de l’Autorité de la concurrence n’était pas nécessaire, car les contrats types et l’uniformité des contributions n’entravent pas le libre choix des producteurs en matière de prix ou de conditions de vente.

La possibilité de prendre en charge les frais de mise en place des éco-organismes via les éco-contributions. Le Conseil juge que les frais de mise en place (le plus souvent engagés lors du dossier de candidature à l’agrément) peuvent être couverts par l’écocontribution au même titre que les frais de fonctionnement (considérant 47 de l’arrêt). En pratique, cette prise en charge sera rétroactive, puisque les fais de mise en place sont engagés avant l’agrément des éco-organismes.

Le soutien aux collectivités d’outre-mer. Le principe de planification par les éco-organismes est jugé conforme aux dispositions de la directive Déchets. La planification dans les collectivités d’outre-mer, régies par l’article 73 de la Constitution, sera mise en œuvre dans les cas où leurs performances sont inférieures à la moyenne métropolitaine.

Le barème amont. L’article R. 541-110 du code de l’environnement dispose que le cahier des charges peut détailler les modalités d’application du barème amont défini par la loi (L. 541-10-2 code env.). Le Conseil d’État valide cette disposition, au regard de la procédure transparente d’élaboration de ce barème, qui offre des garanties suffisantes et ne portant pas atteinte au principe de « bon rapport cout-efficacité ».

Par ailleurs, les modalités d’agrément des éco-organismes, la création et la compétence des comités des parties prenantes, la modulation de l’écocontribution, le rôle de l’organisme coordonnateur, les modalités d’autocontrôle sont également jugés conformes à la loi.

II. La disposition contraire à la loi : le mandat de subrogation pour les producteurs (art. R. 541-174 code env.)

2.1. Motifs de l’annulation

La société EcoDDS a obtenu l’annulation du décret en ce qu’il introduit l’article R. 541-174 dans le code de l’environnement. Cet article autorisait tout producteur, indépendamment de son origine, à déléguer à un mandataire la responsabilité « d’assurer le respect des obligations liées au régime de responsabilité élargie des producteurs », cette personne serait « subrogée dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur » dont il acceptait le mandat.

Le Conseil d’État relève d’abord que la directive Déchets prévoit seulement une possibilité de mandat pour les producteurs qui commercialisent sur le territoire national des produits élaborés dans autre Etat (art. 8bis §5 de la directive). Dans ce cas, le mandataire est chargé d’assurer le respect des obligations qui découlent du régime de la REP.  La directive souligne en outre que les Etats membres peuvent définir d’autres exigences, telles que l’enregistrement l’information et la communication des données qui doivent être remplies par le mandataire, afin de suivre et de vérifier les obligations du producteur établi à l’étranger.

Ensuite, le Conseil d’État relève que la loi AGEC a partiellement transposé ce point de la directive à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, sans mention d’un mandat, et en prévoyant simplement, pour les producteurs, l’obligation de « pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ». La loi aborde ensuite la mise en place d’éco-organismes agrées auxquels les producteurs transfèrent leur obligation en contrepartie d’une contribution financière.

Ainsi, d’une part, seul le décret transpose cette disposition de la directive, et, d’autre part, selon des modalités singulièrement différentes. En effet, l’article R. 541-174 du code de l’environnement résultant du décret prévoit que le mandat :

  • est permis à tous les producteurs (produisant en France ou à l’étranger)
  • et qu’il emporte une subrogation intégrale dans les obligations du producteur

Ce qui a une portée beaucoup plus large qu’un simple mandat au sens du droit des obligations (art. 1346 et suivants du code civil). La responsabilité attachée à un mandat classique (articles 1984 et suivants du code civil) est plus limitée. Ainsi, dans le cas du mandat avec subrogation, le mandataire doit répondre des obligations du mandant vis-à-vis des tiers. Par exemple les pénalités contractuelles dues aux éco-organismes. Au contraire, dans le cas du simple mandat, le mandant est responsable des actes du mandataire (la responsabilité du mandataire ne pouvant être engagée envers les tiers que dans le cas où il méconnait le mandat).

Les conclusions du Rapporteur public, Nicolas Agnoux, permettent d’éclairer l’arrêt sur ce point : « Ces dispositions entretiennent ainsi une confusion entre la possibilité, prévue au paragraphe 5 de l’article 8 bis de la directive, de désigner un simple « mandataire » chargé d’agir au nom et pour le compte du producteur, sans transfert de responsabilité, conformément à la définition qu’en donne le code civil (art. 1984 et 1998) et un régime de subrogation entraînant, comme l’indique la deuxième phrase de l’article, un transfert de la responsabilité élargie du producteur. Or cette seconde hypothèse apparaît non seulement contraire à la directive (CE, 13 juillet 2006, 281231) mais également entachée d’incompétence en ce qu’elle régit les obligations civiles des opérateurs ».

Pour ces raisons, le Conseil d’État juge que le pouvoir règlementaire a excédé sa compétence. L’article R. 541-174 du code de l’environnement est annulé dans son intégralité et immédiatement, sans effet différé.

2.2. Conséquences de l’annulation

Le fondement réglementaire de la subrogation intégrale ayant disparu avec l’annulation de l’article R. 541-174 code env., les mandats passés sont a minima devenus inopposables à l’administration sur ce point (cad les dispositions contractuelles désignant les mandataires des producteurs comme interlocuteurs « exclusif » de l’éco-organisme).

L’annulation emportant en outre des effets rétroactifs, l’article est censé n’avoir jamais existé, ce qui peut nécessiter une reconstitution du passé par l’administration. Cela peut donc également remettre en question les poursuites engagées et les sanctions déjà infligées à des mandataires en lieu et place des producteurs (les pénalités au titre des dispositions contractuelles spécifiques à chaque éco-organisme mais aussi au besoin les amendes administratives tel que prévu à l’article L. 5421-10-11 code env.). En cas de préjudice (risque de remboursement notamment), la responsabilité de l’État pourra être engagée.

Pour mémoire, en faisant reposer la responsabilité sur les épaules du mandataire, le décret d’application de la loi AGEC partait d’une bonne intention, consistant à faciliter les possibilités de poursuites vis-à-vis de producteurs situés à l’étranger en cas de dysfonctionnement.

De ce fait, désormais, si un producteur établi à l’étranger importe sa production en France, il est seul soumis au régime de la responsabilité élargie du producteur. Dans la mesure où il méconnaitrait ses obligations, l’éco-organisme doit le poursuivre directement et pas son mandataire.

Un mandat simple de représentation demeure possible. De même les cas particuliers ou des groupes ou maisons mères sont désignés mandataires par leurs filiales doivent pouvoir être pris en compte par les eco-organismes, y compris avec une responsabilité solidaire si elle est librement consentie.

2.3. Suites possibles

Une solution serait que le législateur vote une disposition reprenant les termes de l’article R. 541-174 du code de l’environnement, à savoir la possibilité d’un mandat avec subrogation intégrale pour les producteurs, sous réserve de sa conventionnalité et de sa constitutionnalité. Elle ne sera cependant valable que pour l’avenir, sans effets rétroactifs.

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Le Département Infrastructures et Matériaux du Cerema Méditerranée organise une Conférence Technique Territoriale le 12 octobre 2023 :

« Economie circulaire dans le BTP : développements et perspectives sur notre territoire« .

Maitre Rosalie Amabile, responsable du bureau de Marseille du cabinet Altes, y interviendra sur le thème du « Cadre juridique de l’économie circulaire : commande publique et BTP »

Le nombre de places est limité et la conférence aura lieu uniquement en présentiel sur le site d’Aix-en-Provence.

Les inscriptions sont obligatoires et se font par internet via ce lien.

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Le Club des avocats environnementalistes (CDAE) organise son prochain colloque à la Maison des Avocats le jeudi 28 septembre 2023, autour de la très importante et actuelle thématique de l’eau.

L’eau : entre protection de la ressource et conflits d’usages.

A cette occasion, notre associé Carl Enckell interviendra tout particulièrement sur le sujet de la « Circularité de l’eau : freins et leviers de la réglementation ».

Share This