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Le propriétaire d’un terrain ayant accueilli une ICPE peut être tenu à sa dépollution sur le fondement de la loi « Déchets »

par | 27 Juil 2011

déchets,polices,icpe,wattelez,concours de polices,pouvoirs du maire,injonction,directiveDans un intéressant et important arrêt du 26 juillet 2011, le Conseil d’Etat vient d’enrichir une jurisprudence déjà complexe et nourrie s’agissant de la coordination des législations « ICPE » et « Déchets ». Il implique que le propriétaire d’un terrain ayant accueilli une ICPE puisse être tenu à sa dépollution sur le fondement de la loi « Déchets ». Les effets dominos de cette décision risquent d’être nombreux.

Plus classiquement, cet arrêt permet de préciser la différence entre les notions de ‘propriétaire’ et de ‘détenteur’, au regard de l’obligation d’élimination des déchets. Le propriétaire ayant fait preuve de négligence à l’égard d’abandon de déchets sur son terrain, est responsable de leur élimination (CE, 26 juillet 2011, Commune du PALAIS-SUR-VIENNE, req. n° 328.651).

L’arrêt du Conseil d’État du 26 juillet 2011, Commune du PALAIS-SUR-VIENNE, comporte un certain nombre de points tout à fait intéressants en matière de droit des déchets et des ICPE.

1 – Les législations ICPE et Déchets peuvent s’appliquer successivement (voir concurremment) sur un même site

L’arrêt du Conseil d’État n’est pas très explicite sur ce point, pourtant essentiel, puisqu’il n’aborde pas du tout la question de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Cependant, de manière indirecte mais nécessaire, on peut présumer que le site objet du litige (et plus spécifiquement d’une injonction d’élimination de déchets adressée par le maire du PALAIS-SUR-VIENNE à la société WATTELEZ) avait précédemment accueilli une installation relevant de la législation des ICPE (« usine de régénération de caoutchouc »).

La Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX avait, quant à elle, jugé dans son arrêt du 6 avril 2009 (08BX00315) que : « ces pneumatiques sont devenus des déchets à la suite de leur abandon », ce que semble confirmer le Conseil d’État dans son arrêt du 26 juillet 2011.

En effet, il ressort de l’historique du dossier que la société WATTELEZ exploitait initialement une usine de régénération de caoutchouc, et qu’elle a vendu son fonds de commerce, ainsi que son stock de marchandises et de matière première, à une société EURECA, en 1989. Cette dernière société ayant été mise en liquidation en 1991, elle a cessé son activité et laissé sur le terrain, restant la propriété de la société WATTELEZ et des consorts WATTELEZ, plusieurs milliers de tonnes de pneumatiques usagés.

C’est le dernier exploitant qui est redevable des obligations de remise en état au titre de la législation des ICPE. Or, en l’espèce, le dernier exploitant (société EURECA) avait été mis en liquidation il y a près de 20 ans, de sorte que le site était « orphelin » sur le fondement de la législation ICPE.

Cette circonstance peut expliquer pourquoi le Conseil d’État valide le basculement de la législation des ICPE vers celle des Déchets. Une fois de plus, on y décèle une application pragmatique du droit.

La circonstance que les pneumatiques soient restés sur le site pendant de très nombreuses années à la suite de cette cessation d’activité permet, dans cette espèce, de faire application de la législation des déchets au lieu et place de celle des ICPE.

Une autre circonstance permet de justifier l’application de la loi « Déchets » (articles L. 541-1 et s. du Code de l’environnement) : ce n’est pas le sous-sol qui est pollué mais uniquement le « sur-sol », encombré par des matériaux (qualifiés de déchets).

En effet, seuls les sols (in situ), y compris les sols pollués non excavés et les bâtiments reliés au sol de manière permanente sont exclus du champ d’application de la directive Cadre Déchets 2008/98/CE du 19 novembre 2008 (afin de neutraliser les effets de l’arrêt Van de Walle de la CJCE du 7 septembre 2004 qui disait le contraire). A contrario, la directive Déchet n’écarte pas de son champ d’application les autres résidus d’exploitation d’ICPE, tels que les cuves, les matériaux stockés sur le sol etc…

Dès lors qu’un déchet est une substance dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire (article 3 de la Directive 2008/98/CE), des pneumatiques abandonnés sur un terrain répondent à la définition de déchet, quand bien même ils résultent de l’activité d’une ICPE.

C’est peut-être là l’intérêt majeur de cet arrêt du Conseil d’État, Commune du PALAIS-SUR-VIENNE, qui valide une possibilité d’appliquer successivement (ou concurremment) les législations ICPE et Déchets sur un même site, en cas de disparition de la personne morale tenue aux obligations de remise en état au titre de la législation des ICPE.

De cette façon, l’autorité administrative conserve la possibilité d’obliger le « détenteur » des déchets provenant d’une ex ICPE (à l’exception des terres polluées) à en assurer l’élimination.

Cette décision valide en quelque sorte le passage de la responsabilité de l’exploitant de l’ICPE à celle du gardien des déchets. Il est cependant regrettable que le Conseil d’état n’ait abordé cette question que de manière indirecte, tant la question de l’indépendance des polices administratives est importante en droit public.

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2 – Un maire peut faire usage de ses pouvoirs en matière d’élimination de déchets pour obtenir la dépollution d’un terrain ayant accueilli une ICPE

Le Conseil d’État valide plus classiquement la décision prise par le maire de la Commune du PALAIS-SUR-VIENNE mettant en demeure la société WATTELEZ et les consorts WATTELEZ d’assurer l’élimination des déchets se trouvant sur leur propriété, faute de quoi ils seraient éliminés d’office à leurs frais.

La question de l’autorité compétente en matière de droit des déchets a longuement été débattue. Aux termes de la jurisprudence la plus récente (article L.541-3 C. Env et CE, 11 janvier 2007, Barbazanges Tri Ouest, 287674), le maire est bien compétent pour exercer les pouvoirs liés à la police des déchets. Le Préfet est, quant à lui, compétent seulement en cas de carence du maire.

Tel n’est pas le cas en matière de législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) : dans ce cas, c’est le Préfet qui est seul compétent.

En l’espèce, dès lors que l’on admet que des résidus d’activité d’une ICPE (pneumatiques) peuvent devenir des déchets, le Maire est également compétent.

Il demeure à trancher la question de savoir si les deux pouvoirs respectifs du préfet (police des ICPE) et du maire (police des déchets) ne peuvent pas s’appliquer concurremment ?

En effet, on sait que le pouvoir de police du préfet s’exerce sur l’installation 30 ans après la cessation régulière d’activité (L. 152-1 C. Env), peu importe que l’installation ait cessé de fonctionner (CE, 11 avr. 1986, no 62 234,  Min. de l’environnement c/ Sté des produits chimiques Ugine-Kuhlman) ou que l’installation ait fonctionné sans autorisation (CAA Paris, 5 nov. 1991, no 90PA00331,  Secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargé de l’environnement c/ Sté Saint-Yves).

3 – Différence entre un ‘propriétaire’ et un ‘détenteur’ de déchets

Le Code de l’Environnement rend responsable de l’élimination des déchets tout producteur ou détenteur de ces déchets.

L’administration a pu assimiler le propriétaire du terrain au détenteur du déchet qui s’y trouve, de sorte que c’est le propriétaire du terrain sur lequel sont entreposés les déchets qui est tenu pour responsable de leur élimination.

La Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX, dans son arrêt du 6 avril 2009, avait adopté une jurisprudence plus étroite en jugeant que la seule qualité de propriétaire d’un terrain sur lequel étaient entreposés des déchets, « en l’absence de tout acte d’appropriation portant sur ceux-ci », ne pouvait suffire pour conférer la qualité de détenteur au sens du Code de l’Environnement (article L.541-2) et, en tant que tel, en tant que responsable de l’élimination. En gros, le propriétaire du terrain n’est pas détenteur des déchets s’il n’en a pas accepté la garde (dépôt sauvage par exemple).

Le Conseil d’État annule l’arrêt de la Cour sur ce point en jugeant, sous forme de principe, que le propriétaire d’un terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut : « en l’absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L.541-2 du Code de l’Environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandon sur son terrain ».

En d’autres termes, le Conseil d’État distingue la qualité de propriétaire et celle de détenteur :

– Si un détenteur des déchets est connu, c’est à lui d’assumer l’obligation d’élimination des déchets. Tel serait le cas si le terrain était, par exemple, loué par un tiers qui soit à l’origine de l’entreposage de déchets sur ce terrain et que la personne morale continue d’exister (mais, dans ce cas, cette personne morale serait le dernier exploitant de l’ICPE et ce serait donc au préfet d’agir…) ;

– S’il n’existe plus aucun détenteur connu des déchets, le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés les déchets peut être regardé comme leur détenteur dans certaines circonstances : Tel est le cas du propriétaire qui a fait preuve de négligence à l’égard d’abandon de déchets sur son terrain. Dans ce cas, il peut être considéré comme leur détenteur.

En effet, en l’espèce, on constate que la société WATTELEZ et les consorts WATTELEZ, propriétaires des terrains concernés, étaient originellement les exploitants de l’usine de régénération de caoutchouc. On peut considérer que cette circonstance a joué dans l’arrêt du Conseil d’État du 26 juillet 2011, dans la mesure où la société WATTELEZ n’est pas un propriétaire « innocent » et sans lien avec l’origine de la situation.

4. Conclusion

En définitive, le Conseil d’État annule l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX et renvoie l’affaire devant la même Cour afin d’être tranchée une nouvelle fois au motif que les requérants, en leur seule qualité de propriétaires du terrain sur lequel ont été entreposés les pneumatiques, peuvent bien être tenus de l’obligation d’élimination de ces déchets dès lors qu’ils ont fait preuve de négligence à l’égard de leur abandon.

L’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX ainsi que l’arrêté initial du maire de la commune de PALAIS-SUR-VIENNE sont, en revanche, confirmés s’agissant de la possibilité offerte à un maire de s’appuyer sur la législation des déchets pour assurer la dépollution d’un terrain ayant initialement accueilli une installation classée pour la protection de l’environnement.

Là encore, c’est ce point de droit qui risque de soulever le plus d’interrogations juridiques :

 – les législations ICPE et Déchets peuvent elles s’appliquer concurremment ?

– à partir de combien d’années un ex-site ICPE devenu « orphelin » en raison de la disparition du dernier exploitant peut-il être soumis à la législation des Déchets ?

– le pouvoir offert à l’autorité compétente en matière de déchets (le maire) peut-il être exercé en cas de stockage de déchets en sous-sol sans que cela ait entraîné une pollution objective ? (cuve d’hydrocarbures restée intègre par ex)

– dans quelles circonstances un propriétaire peut-il être considéré comme ayant fait preuve de « négligence » à l’égard d’abandon de déchets sur son terrain ?

 Dans ce dernier cas, on pense immédiatement aux nombreuses décharges sauvages, parfois exploitées sur des terrains municipaux, au vu et au su de la collectivité publique pendant plusieurs décennies.

Le maire devra-t-il alors se prescrire à lui-même, sur le fondement de la législation des Déchets, l’obligation d’assurer l’élimination des matériaux enfouis (abandonnés et donc qualifiables de déchets), aux frais de la commune (et donc du contribuable) ? En cas d’inertie, un administré ou une association pourront-ils obtenir du juge qu’il fasse injonction à un Maire de faire usage de ces pouvoirs de police contre sa propre commune ?

Les effets dominos (ou boomerang ou encore pervers selon les points de vue) de cet arrêt du Conseil d’état risquent d’être nombreux.

Carl ENCKELL – CE, 26 juillet 2011, Cne de Palais-Sur-Vienne.pdf

 

Parc agrivoltaïque : le tribunal administratif de Dijon permet la régularisation du projet

Parc agrivoltaïque : le tribunal administratif de Dijon permet la régularisation du projet

La société Nièvre Agrisolaire a obtenu trois permis de construire, délivrés par arrêtés du préfet de la Nièvre en janvier 2023 pour l’implantation d’une centrale photovoltaïque au sol comprenant modules, quinze postes de transformation, et un poste de livraison.

Saisi d’un recours formé par des associations, le tribunal administratif de Dijon a rendu son jugement le 26 janvier 2024. Il procède à un recensement minutieux des arguments du dossier, notamment l’étude d’impact, établissant la nature agrivoltaïque du projet. Celle-ci résulte de l’association entre des panneaux photovoltaïques et la production de fourrages agricole de haute qualité incluant un séchoir thermovoltaïque.

Le juge reconnait ensuite des fragilités juridiques mais permet la régularisation du projet via la production d’un complément à l’étude d’impact puis un permis modificatif (jugement TA Dijon, 1re ch., 26 janv. 2024, n° 2300854).

Les communes objet du projet n’ayant pas de PLU, c’est le RNU qui s’applique.

1. Reconnaissance de la nature agrivoltaïque du projet

La question de la nature agrivoltaïque du projet relève au moins autant de la législation de l’énergie que de celle de l’urbanisme.

Ainsi, la définition d’une installation agrivoltaïque est désormais inscrite à l’article L. 314-36 du code de l’énergie, résultant de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (dite APER). Parmi d’autres conditions, la production agricole doit être l’activité principale de la parcelle agricole. La consultation publique du projet de décret d’application s’est quant à elle terminée en janvier 2024.

Les permis de construire objets du jugement du tribunal administratif de Dijon le 24 janvier 2024  sont antérieurs à la loi, ce qui peut expliquer pourquoi il ne s’y réfère pas. En revanche, le jugement procède à un recensement minutieux des arguments du dossier, notamment l’étude d’impact, établissant la nature agrivoltaïque du projet. Le juge administratif recourt ainsi en quelque sorte à la technique jurisprudentielle dite du « faisceau d’indices » :

  • le projet implique le remplacement de cultures céréalières et oléo-protéagineuses exploitées sur les parcelles d’assiette par une production fourragère dite « de haute qualité » répondant aux enjeux du plan dit « K végétales » lancé par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation à la fin de l’année 2020.
  • la centrale solaire  « sera construite de façon à permettre le maintien d’une activité agricole au sein des parcelles », avec notamment des distances minimales entre les rangs de modules photovoltaïques adaptées à la circulation des engins agricoles.
  • un séchoir thermovoltaïque dimensionné à l’organisation de l’exploitation assurera la production d’un fourrage séché en grange, d’une valeur nutritive notablement supérieure à celle du fourrage en champs et offrant de meilleurs débouchés commerciaux

Le tribunal relève également que « les ouvrages de production d’énergie et le séchoir concourent à la réalisation d’un même projet […] à savoir la construction d’un parc dit « agrivoltaïque », associant à la production d’électricité celle d’un fourrage » (considérant 13).

Enfin, le tribunal juge que le séchoir thermovoltaïque que la société envisage de construire (bâtiment de 80 mètres) concourt à la qualification de projet agrivoltaïque, dans la mesure où il permettra la production d’un fourrage à proximité du siège de l’exploitation, avec un débouché économique pour l’agriculteur.

Au vu de ces éléments, et alors même qu’il implique un changement du type de culture exercé sur le terrain (75 hectares de maïs), il apparait que la production agricole sera significative par rapport à la production d’électricité.

2. Les arguments rejetés par le tribunal

Le juge rejette les moyens avancés par les requérants s’agissant de l’appréciation satisfaisante et proportionnée des incidences du projet sur les paysages et le patrimoine culturel.

Le tribunal a également rejeté le moyen selon lequel l’étude d’impact serait insuffisante du fait du manque d’estimation des émissions attendus (pollution air eau sol sous-sol) puisque les parcelles concernées font déjà l’objet d’une exploitation agricole intensive.

Les moyens relatifs à l’illégalité de l’enquête publique sont également rejetés, ainsi que celui concernant la dérogation espèce protégée, en soulignant que l’obtention de la dérogation conditionne uniquement la mise en œuvre du permis de construire, mais pas sa légalité.

3. Les arguments accueillis par le tribunal

Le juge accueille néanmoins deux des arguments de procédure avancés par les requérants.

Le premier concerne le périmètre de l’étude d’impact (considérant 14). En effet, le juge rappelle que l’article L. 122-1 du code de l’environnement dispose que tout projet constitué de plusieurs interventions dans le milieu naturel doit être évalué dans son ensemble, même en cas de fractionnement dans le temps et l’espace, afin de comprendre ses incidences environnementales globales.

Le tribunal conclut que la construction du séchoir est nécessaire en raison du changement de type de culture induit par le parc photovoltaïque. Ces deux éléments concourent à la réalisation d’un même projet, qualifié d’agrivoltaïque. Par conséquent, l’étude d’impact aurait dû couvrir l’ensemble du projet, y compris la construction du séchoir.

Il estime que l’absence d’analyse des incidences environnementales du séchoir dans l’étude d’impact constitue une insuffisance préjudiciable à l’information complète de la population.

Le second moyen concerne la notion d’ensemble immobilier unique (considérant 49). L’article L. 421-1 du code de l’urbanisme requiert une autorisation de construire pour toute construction, même sans fondations. Selon l’article L. 421-6, la construction d’un ensemble immobilier unique devrait normalement faire l’objet d’une seule autorisation, sauf si l’ampleur et la complexité du projet justifient des permis distincts. Les requérants reprochent à la société Nièvre Agrisolaire de ne pas avoir inclus le séchoir dans ses demandes de permis, bien que celui-ci soit considéré comme essentiel pour maintenir des activités agricoles significatives sur les parcelles du projet.

Le tribunal affirme que le parc photovoltaïque et le séchoir, bien que distincts du point de vue technique et économique, forment un ensemble immobilier unique en raison de leurs liens fonctionnels et de leur impact sur le maintien des activités agricoles.

L’absence de présentation du séchoir dans les demandes de permis rend donc impossible une évaluation globale par l’autorité administrative du respect des règles d’urbanisme et de la protection des intérêts généraux.

4. Conséquences du jugement

Le juge fait usage de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme  et soumet le projet à régularisation pour chacun de ces deux vices, permettant ainsi de sauver le projet. En effet, s’agissant du périmètre de l’étude d’impact, il demande la production d’un complément à celle-ci. Quant à la qualification d’ensemble immobilier unique comprenant le séchoir, un permis modificatif est sollicité.

L’affaire sera donc à nouveau jugée dans quelques mois une fois la procédure de régularisation accomplie.

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

La société EcoDDS, éco-organisme de la filière des déchets diffus spécifiques ménagers, a demandé l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 27 novembre 2020 n°2020-1455 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs (REP), pris pour application de la loi AGEC.

Par une décision du 10 novembre 2023 n° 449213, publié au Journal Officiel n°0264 du 15 novembre 2023, le Conseil d’Etat a confirmé la solidité juridique du régime de la responsabilité élargie du producteur (REP) en apportant certaines précisions utiles (I).

Un des moyens présentés a cependant été retenu par le juge, relatif au mandat de représentation des producteurs (article R. 541-174 du code de l’environnement). Son annulation emporte des conséquences importantes immédiates pour les éco organismes (II).

I. Les dispositions conformes à la loi

La redevance versée à l’ADEME. Elle n’est pas une condition financière préalable au sens de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Les missions de suivi de l’Ademe sont également conformes à la loi AGEC.

La résorption des dépôts sauvages. Il revient au cahier des charges de chaque éco-organisme de prévoir au cas par cas si les coûts de ramassage et de traitement des déchets illégalement abandonnés sont pris en charge. Par ailleurs, ce dispositif ne méconnait pas les dispositions du TFUE relatives aux restrictions quantitatives, ni les objectifs de la directive Déchets s’agissant des couts nécessaires à la gestion des déchets.

Les garanties financières en cas de défaillance. Un dispositif financier a été créé pour garantir la continuité du service des éco-organismes (art R. 541-119 du code de l’environnement). Le terme « défaillance » est interprété de manière large, englobant toutes les situations pouvant compromettre la continuité du service public de gestion des déchets, tels que l’arrêt de l’activité, le non-renouvellement de l’agrément, ou des événements imprévus.

La consultation de l’Autorité de la concurrence n’était pas nécessaire, car les contrats types et l’uniformité des contributions n’entravent pas le libre choix des producteurs en matière de prix ou de conditions de vente.

La possibilité de prendre en charge les frais de mise en place des éco-organismes via les éco-contributions. Le Conseil juge que les frais de mise en place (le plus souvent engagés lors du dossier de candidature à l’agrément) peuvent être couverts par l’écocontribution au même titre que les frais de fonctionnement (considérant 47 de l’arrêt). En pratique, cette prise en charge sera rétroactive, puisque les fais de mise en place sont engagés avant l’agrément des éco-organismes.

Le soutien aux collectivités d’outre-mer. Le principe de planification par les éco-organismes est jugé conforme aux dispositions de la directive Déchets. La planification dans les collectivités d’outre-mer, régies par l’article 73 de la Constitution, sera mise en œuvre dans les cas où leurs performances sont inférieures à la moyenne métropolitaine.

Le barème amont. L’article R. 541-110 du code de l’environnement dispose que le cahier des charges peut détailler les modalités d’application du barème amont défini par la loi (L. 541-10-2 code env.). Le Conseil d’État valide cette disposition, au regard de la procédure transparente d’élaboration de ce barème, qui offre des garanties suffisantes et ne portant pas atteinte au principe de « bon rapport cout-efficacité ».

Par ailleurs, les modalités d’agrément des éco-organismes, la création et la compétence des comités des parties prenantes, la modulation de l’écocontribution, le rôle de l’organisme coordonnateur, les modalités d’autocontrôle sont également jugés conformes à la loi.

II. La disposition contraire à la loi : le mandat de subrogation pour les producteurs (art. R. 541-174 code env.)

2.1. Motifs de l’annulation

La société EcoDDS a obtenu l’annulation du décret en ce qu’il introduit l’article R. 541-174 dans le code de l’environnement. Cet article autorisait tout producteur, indépendamment de son origine, à déléguer à un mandataire la responsabilité « d’assurer le respect des obligations liées au régime de responsabilité élargie des producteurs », cette personne serait « subrogée dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur » dont il acceptait le mandat.

Le Conseil d’État relève d’abord que la directive Déchets prévoit seulement une possibilité de mandat pour les producteurs qui commercialisent sur le territoire national des produits élaborés dans autre Etat (art. 8bis §5 de la directive). Dans ce cas, le mandataire est chargé d’assurer le respect des obligations qui découlent du régime de la REP.  La directive souligne en outre que les Etats membres peuvent définir d’autres exigences, telles que l’enregistrement l’information et la communication des données qui doivent être remplies par le mandataire, afin de suivre et de vérifier les obligations du producteur établi à l’étranger.

Ensuite, le Conseil d’État relève que la loi AGEC a partiellement transposé ce point de la directive à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, sans mention d’un mandat, et en prévoyant simplement, pour les producteurs, l’obligation de « pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ». La loi aborde ensuite la mise en place d’éco-organismes agrées auxquels les producteurs transfèrent leur obligation en contrepartie d’une contribution financière.

Ainsi, d’une part, seul le décret transpose cette disposition de la directive, et, d’autre part, selon des modalités singulièrement différentes. En effet, l’article R. 541-174 du code de l’environnement résultant du décret prévoit que le mandat :

  • est permis à tous les producteurs (produisant en France ou à l’étranger)
  • et qu’il emporte une subrogation intégrale dans les obligations du producteur

Ce qui a une portée beaucoup plus large qu’un simple mandat au sens du droit des obligations (art. 1346 et suivants du code civil). La responsabilité attachée à un mandat classique (articles 1984 et suivants du code civil) est plus limitée. Ainsi, dans le cas du mandat avec subrogation, le mandataire doit répondre des obligations du mandant vis-à-vis des tiers. Par exemple les pénalités contractuelles dues aux éco-organismes. Au contraire, dans le cas du simple mandat, le mandant est responsable des actes du mandataire (la responsabilité du mandataire ne pouvant être engagée envers les tiers que dans le cas où il méconnait le mandat).

Les conclusions du Rapporteur public, Nicolas Agnoux, permettent d’éclairer l’arrêt sur ce point : « Ces dispositions entretiennent ainsi une confusion entre la possibilité, prévue au paragraphe 5 de l’article 8 bis de la directive, de désigner un simple « mandataire » chargé d’agir au nom et pour le compte du producteur, sans transfert de responsabilité, conformément à la définition qu’en donne le code civil (art. 1984 et 1998) et un régime de subrogation entraînant, comme l’indique la deuxième phrase de l’article, un transfert de la responsabilité élargie du producteur. Or cette seconde hypothèse apparaît non seulement contraire à la directive (CE, 13 juillet 2006, 281231) mais également entachée d’incompétence en ce qu’elle régit les obligations civiles des opérateurs ».

Pour ces raisons, le Conseil d’État juge que le pouvoir règlementaire a excédé sa compétence. L’article R. 541-174 du code de l’environnement est annulé dans son intégralité et immédiatement, sans effet différé.

2.2. Conséquences de l’annulation

Le fondement réglementaire de la subrogation intégrale ayant disparu avec l’annulation de l’article R. 541-174 code env., les mandats passés sont a minima devenus inopposables à l’administration sur ce point (cad les dispositions contractuelles désignant les mandataires des producteurs comme interlocuteurs « exclusif » de l’éco-organisme).

L’annulation emportant en outre des effets rétroactifs, l’article est censé n’avoir jamais existé, ce qui peut nécessiter une reconstitution du passé par l’administration. Cela peut donc également remettre en question les poursuites engagées et les sanctions déjà infligées à des mandataires en lieu et place des producteurs (les pénalités au titre des dispositions contractuelles spécifiques à chaque éco-organisme mais aussi au besoin les amendes administratives tel que prévu à l’article L. 5421-10-11 code env.). En cas de préjudice (risque de remboursement notamment), la responsabilité de l’État pourra être engagée.

Pour mémoire, en faisant reposer la responsabilité sur les épaules du mandataire, le décret d’application de la loi AGEC partait d’une bonne intention, consistant à faciliter les possibilités de poursuites vis-à-vis de producteurs situés à l’étranger en cas de dysfonctionnement.

De ce fait, désormais, si un producteur établi à l’étranger importe sa production en France, il est seul soumis au régime de la responsabilité élargie du producteur. Dans la mesure où il méconnaitrait ses obligations, l’éco-organisme doit le poursuivre directement et pas son mandataire.

Un mandat simple de représentation demeure possible. De même les cas particuliers ou des groupes ou maisons mères sont désignés mandataires par leurs filiales doivent pouvoir être pris en compte par les eco-organismes, y compris avec une responsabilité solidaire si elle est librement consentie.

2.3. Suites possibles

Une solution serait que le législateur vote une disposition reprenant les termes de l’article R. 541-174 du code de l’environnement, à savoir la possibilité d’un mandat avec subrogation intégrale pour les producteurs, sous réserve de sa conventionnalité et de sa constitutionnalité. Elle ne sera cependant valable que pour l’avenir, sans effets rétroactifs.

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Le Département Infrastructures et Matériaux du Cerema Méditerranée organise une Conférence Technique Territoriale le 12 octobre 2023 :

« Economie circulaire dans le BTP : développements et perspectives sur notre territoire« .

Maitre Rosalie Amabile, responsable du bureau de Marseille du cabinet Altes, y interviendra sur le thème du « Cadre juridique de l’économie circulaire : commande publique et BTP »

Le nombre de places est limité et la conférence aura lieu uniquement en présentiel sur le site d’Aix-en-Provence.

Les inscriptions sont obligatoires et se font par internet via ce lien.

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