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Réforme du droit des déchets : le droit européen au service de la sémantique

par | 19 Juil 2011

ae459654.jpgLe décret n° 2011-828 du 11 juillet 2011 portant diverses dispositions relatives à la prévention et à la gestion des déchets est paru au Journal Officiel du 12 juillet 2011.

Ce texte, très attendu depuis la loi Grenelle II du 12 juillet 2010, assure la traduction réglementaire d’objectifs nationaux et européens.

1. Une révision de la sémantique grenello-compatible

Depuis la Directive cadre Déchets du 19 novembre 2008, une nouvelle hiérarchie dans les modes de traitement des déchets a été instaurée.

Le décret procède donc à un toilettage du Code de l’Environnement pour remplacer systématiquement le mot « élimination » par les termes plus appropriés de « traitement » ou encore de « prévention », et de « gestion ».

En effet, l’élimination (enfouissement ou incinération) est désormais la dernière des 5 phases dans la hiérarchie du mode de traitement des déchets.

Le décret introduit également une définition renouvelée de la notion de déchets (article R.541-8 du Code de l’Environnement : déchet dangereux, déchet non dangereux, déchet inerte, déchet ménager, déchet d’activité économique, bio-déchet).

2. Fini les PEDMA, place aux PPGDD

Le décret remplace également les Plans de Prévention des Déchets Ménagers et Assimilés (PEDMA) par des Plans de Prévention et de Gestion des Déchets non Dangereux (désormais : PPGDD).

Les PPGDD seront notamment composés d’un document de planification de la gestion des déchets non dangereux fixant :

– un inventaire prospectif à horizon 6 et 12 ans des quantités de déchets à traiter,

– les objectifs et les indicateurs relatifs aux mesures de tri, à la collecte et à la valorisation des déchets,

– les priorités à retenir pour atteindre ces objectifs,

– une limite aux capacités d’incinération et de stockage des déchets opposable aux créations d’installations nouvelles ainsi qu’aux extensions de capacité des installations existantes.

Cette dernière rubrique est essentielle puisqu’elle implique que les PPGDD fixe un plafond au-delà duquel les centres d’enfouissement et d’incinération ne pourront plus être autorisés. Ce plafond est fixé à hauteur de 60 % de la quantité des déchets non dangereux couverts par le plan et produits sur sa zone.

Le document de planification devra également énumérer les types et les capacités d’installation à créer afin de gérer ces déchets et d’atteindre les objectifs fixés.

L’entrée en vigueur de ces dispositions aura immédiatement pour effet de contraindre les créations de nouvelles installations d’enfouissement ou d’incinération au regard du gisement de déchets identifiés dans les plans.

Les PPGDD seront également soumis à une évaluation environnementale (article R.541-15). Ces plans feront par ailleurs l’objet d’un rapport annuel devant la Commission Consultative d’Elaboration et de Suivi ainsi que d’une évaluation tous les 6 ans.

3. Création des Plans de Prévention et de Gestion des Déchets issus de chantiers du bâtiment et des travaux publics (PPGD du BTP)

Une autre innovation majeure du décret du 11 juillet 2011 est d’intégrer dans le Code de l’Environnement (articles R.541-41-1 et suivants) les dispositions relatives au Plan de Prévention et de Gestion des Déchets du BTP.

Ce nouveau document de planification devra comprendre les objectifs et indicateurs relatifs aux mesures de valorisation de la matière de ces déchets, les priorités à retenir pour atteindre ces objectifs, et les capacités des installations qu’il apparaîtra nécessaire de créer afin de gérer les déchets inertes.

Les Plans de Gestion des déchets du BTP seront élaborés en tenant compte des bassins de vie ou économique et feront l’objet d’une évaluation environnementale ainsi que d’une évaluation tous les 6 ans.

4. Sortie de statut des déchets

Le décret prévoit également d’introduire, à l’article R.541-46 du Code de l’Environnement, des dispositions spécifiquement relatives au suivi des déchets qui quittent le statut de « déchets ».

En particulier, il est prévu que les exploitants d’installations transformant des déchets en produits (conformément à l’article L.541-4-3 du Code de l’Environnement détaillant les 4 conditions dans lesquelles un déchet cesse d’être un déchet) tiennent un registre chronologique de la nature du traitement et de l’expédition de ces substances. Ils devront fournir à l’Administration une déclaration annuelle sur la nature et la quantité des substances quittant leurs installations.

Cette disposition est très importante puisqu’elle permettra de mettre fin à la chaîne de responsabilité de tout producteur ou détenteur de déchets, prévue à l’article L.541-2 du Code de l’Environnement.

La dernière étape reste à présent la fixation par filière des critères de sortie de statut de déchet (1. la substance ou l’objet est couramment utilisé à des fins spécifiques ; 2. il existe une demande pour une telle substance ou objet ou elle répond à un marché ; 3. la substance ou l’objet remplit les exigences techniques aux fins spécifiques et respecte la législation et les normes applicables aux produits ;  4. son utilisation n’aura pas d’effets globaux nocifs pour l’environnement ou la santé humaine.)

 

____________________________________________________________________________________

Le décret réforme également les mouvements transfrontaliers de déchets (article R.541-62 du Code de l’Environnement).

Ce texte ambitieux est entré en vigueur depuis le 13 juillet 2011 sauf les dispositions relatives aux installations de stockage des déchets inertes et aux garanties financières qui n’entreront en vigueur que le 1er juillet 2012.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024353443&fastPos=1&fastReqId=980479121&categorieLien=id&oldAction=rechTexte

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

La société EcoDDS, éco-organisme de la filière des déchets diffus spécifiques ménagers, a demandé l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 27 novembre 2020 n°2020-1455 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs (REP), pris pour application de la loi AGEC.

Par une décision du 10 novembre 2023 n° 449213, publié au Journal Officiel n°0264 du 15 novembre 2023, le Conseil d’Etat a confirmé la solidité juridique du régime de la responsabilité élargie du producteur (REP) en apportant certaines précisions utiles (I).

Un des moyens présentés a cependant été retenu par le juge, relatif au mandat de représentation des producteurs (article R. 541-174 du code de l’environnement). Son annulation emporte des conséquences importantes immédiates pour les éco organismes (II).

I. Les dispositions conformes à la loi

La redevance versée à l’ADEME. Elle n’est pas une condition financière préalable au sens de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Les missions de suivi de l’Ademe sont également conformes à la loi AGEC.

La résorption des dépôts sauvages. Il revient au cahier des charges de chaque éco-organisme de prévoir au cas par cas si les coûts de ramassage et de traitement des déchets illégalement abandonnés sont pris en charge. Par ailleurs, ce dispositif ne méconnait pas les dispositions du TFUE relatives aux restrictions quantitatives, ni les objectifs de la directive Déchets s’agissant des couts nécessaires à la gestion des déchets.

Les garanties financières en cas de défaillance. Un dispositif financier a été créé pour garantir la continuité du service des éco-organismes (art R. 541-119 du code de l’environnement). Le terme « défaillance » est interprété de manière large, englobant toutes les situations pouvant compromettre la continuité du service public de gestion des déchets, tels que l’arrêt de l’activité, le non-renouvellement de l’agrément, ou des événements imprévus.

La consultation de l’Autorité de la concurrence n’était pas nécessaire, car les contrats types et l’uniformité des contributions n’entravent pas le libre choix des producteurs en matière de prix ou de conditions de vente.

La possibilité de prendre en charge les frais de mise en place des éco-organismes via les éco-contributions. Le Conseil juge que les frais de mise en place (le plus souvent engagés lors du dossier de candidature à l’agrément) peuvent être couverts par l’écocontribution au même titre que les frais de fonctionnement (considérant 47 de l’arrêt). En pratique, cette prise en charge sera rétroactive, puisque les fais de mise en place sont engagés avant l’agrément des éco-organismes.

Le soutien aux collectivités d’outre-mer. Le principe de planification par les éco-organismes est jugé conforme aux dispositions de la directive Déchets. La planification dans les collectivités d’outre-mer, régies par l’article 73 de la Constitution, sera mise en œuvre dans les cas où leurs performances sont inférieures à la moyenne métropolitaine.

Le barème amont. L’article R. 541-110 du code de l’environnement dispose que le cahier des charges peut détailler les modalités d’application du barème amont défini par la loi (L. 541-10-2 code env.). Le Conseil d’État valide cette disposition, au regard de la procédure transparente d’élaboration de ce barème, qui offre des garanties suffisantes et ne portant pas atteinte au principe de « bon rapport cout-efficacité ».

Par ailleurs, les modalités d’agrément des éco-organismes, la création et la compétence des comités des parties prenantes, la modulation de l’écocontribution, le rôle de l’organisme coordonnateur, les modalités d’autocontrôle sont également jugés conformes à la loi.

II. La disposition contraire à la loi : le mandat de subrogation pour les producteurs (art. R. 541-174 code env.)

2.1. Motifs de l’annulation

La société EcoDDS a obtenu l’annulation du décret en ce qu’il introduit l’article R. 541-174 dans le code de l’environnement. Cet article autorisait tout producteur, indépendamment de son origine, à déléguer à un mandataire la responsabilité « d’assurer le respect des obligations liées au régime de responsabilité élargie des producteurs », cette personne serait « subrogée dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur » dont il acceptait le mandat.

Le Conseil d’État relève d’abord que la directive Déchets prévoit seulement une possibilité de mandat pour les producteurs qui commercialisent sur le territoire national des produits élaborés dans autre Etat (art. 8bis §5 de la directive). Dans ce cas, le mandataire est chargé d’assurer le respect des obligations qui découlent du régime de la REP.  La directive souligne en outre que les Etats membres peuvent définir d’autres exigences, telles que l’enregistrement l’information et la communication des données qui doivent être remplies par le mandataire, afin de suivre et de vérifier les obligations du producteur établi à l’étranger.

Ensuite, le Conseil d’État relève que la loi AGEC a partiellement transposé ce point de la directive à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, sans mention d’un mandat, et en prévoyant simplement, pour les producteurs, l’obligation de « pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ». La loi aborde ensuite la mise en place d’éco-organismes agrées auxquels les producteurs transfèrent leur obligation en contrepartie d’une contribution financière.

Ainsi, d’une part, seul le décret transpose cette disposition de la directive, et, d’autre part, selon des modalités singulièrement différentes. En effet, l’article R. 541-174 du code de l’environnement résultant du décret prévoit que le mandat :

  • est permis à tous les producteurs (produisant en France ou à l’étranger)
  • et qu’il emporte une subrogation intégrale dans les obligations du producteur

Ce qui a une portée beaucoup plus large qu’un simple mandat au sens du droit des obligations (art. 1346 et suivants du code civil). La responsabilité attachée à un mandat classique (articles 1984 et suivants du code civil) est plus limitée. Ainsi, dans le cas du mandat avec subrogation, le mandataire doit répondre des obligations du mandant vis-à-vis des tiers. Par exemple les pénalités contractuelles dues aux éco-organismes. Au contraire, dans le cas du simple mandat, le mandant est responsable des actes du mandataire (la responsabilité du mandataire ne pouvant être engagée envers les tiers que dans le cas où il méconnait le mandat).

Les conclusions du Rapporteur public, Nicolas Agnoux, permettent d’éclairer l’arrêt sur ce point : « Ces dispositions entretiennent ainsi une confusion entre la possibilité, prévue au paragraphe 5 de l’article 8 bis de la directive, de désigner un simple « mandataire » chargé d’agir au nom et pour le compte du producteur, sans transfert de responsabilité, conformément à la définition qu’en donne le code civil (art. 1984 et 1998) et un régime de subrogation entraînant, comme l’indique la deuxième phrase de l’article, un transfert de la responsabilité élargie du producteur. Or cette seconde hypothèse apparaît non seulement contraire à la directive (CE, 13 juillet 2006, 281231) mais également entachée d’incompétence en ce qu’elle régit les obligations civiles des opérateurs ».

Pour ces raisons, le Conseil d’État juge que le pouvoir règlementaire a excédé sa compétence. L’article R. 541-174 du code de l’environnement est annulé dans son intégralité et immédiatement, sans effet différé.

2.2. Conséquences de l’annulation

Le fondement réglementaire de la subrogation intégrale ayant disparu avec l’annulation de l’article R. 541-174 code env., les mandats passés sont a minima devenus inopposables à l’administration sur ce point (cad les dispositions contractuelles désignant les mandataires des producteurs comme interlocuteurs « exclusif » de l’éco-organisme).

L’annulation emportant en outre des effets rétroactifs, l’article est censé n’avoir jamais existé, ce qui peut nécessiter une reconstitution du passé par l’administration. Cela peut donc également remettre en question les poursuites engagées et les sanctions déjà infligées à des mandataires en lieu et place des producteurs (les pénalités au titre des dispositions contractuelles spécifiques à chaque éco-organisme mais aussi au besoin les amendes administratives tel que prévu à l’article L. 5421-10-11 code env.). En cas de préjudice (risque de remboursement notamment), la responsabilité de l’État pourra être engagée.

Pour mémoire, en faisant reposer la responsabilité sur les épaules du mandataire, le décret d’application de la loi AGEC partait d’une bonne intention, consistant à faciliter les possibilités de poursuites vis-à-vis de producteurs situés à l’étranger en cas de dysfonctionnement.

De ce fait, désormais, si un producteur établi à l’étranger importe sa production en France, il est seul soumis au régime de la responsabilité élargie du producteur. Dans la mesure où il méconnaitrait ses obligations, l’éco-organisme doit le poursuivre directement et pas son mandataire.

Un mandat simple de représentation demeure possible. De même les cas particuliers ou des groupes ou maisons mères sont désignés mandataires par leurs filiales doivent pouvoir être pris en compte par les eco-organismes, y compris avec une responsabilité solidaire si elle est librement consentie.

2.3. Suites possibles

Une solution serait que le législateur vote une disposition reprenant les termes de l’article R. 541-174 du code de l’environnement, à savoir la possibilité d’un mandat avec subrogation intégrale pour les producteurs, sous réserve de sa conventionnalité et de sa constitutionnalité. Elle ne sera cependant valable que pour l’avenir, sans effets rétroactifs.

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Le Département Infrastructures et Matériaux du Cerema Méditerranée organise une Conférence Technique Territoriale le 12 octobre 2023 :

« Economie circulaire dans le BTP : développements et perspectives sur notre territoire« .

Maitre Rosalie Amabile, responsable du bureau de Marseille du cabinet Altes, y interviendra sur le thème du « Cadre juridique de l’économie circulaire : commande publique et BTP »

Le nombre de places est limité et la conférence aura lieu uniquement en présentiel sur le site d’Aix-en-Provence.

Les inscriptions sont obligatoires et se font par internet via ce lien.

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

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Le Club des avocats environnementalistes (CDAE) organise son prochain colloque à la Maison des Avocats le jeudi 28 septembre 2023, autour de la très importante et actuelle thématique de l’eau.

L’eau : entre protection de la ressource et conflits d’usages.

A cette occasion, notre associé Carl Enckell interviendra tout particulièrement sur le sujet de la « Circularité de l’eau : freins et leviers de la réglementation ».

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