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Exonération de TGAP pour les seuls mâchefers non valorisables : une fiscalité anti-écologique ?

par | 6 Juil 2011

mâchefers,douanes,taxe,tgap,fiscalité écologique,recyclage,sortie du statut de déchetLa fiscalité environnementale est un outil des politiques environnementales destiné à favoriser les comportements vertueux. Contrairement aux autres instruments fiscaux, elle n’a pas principalement vocation à financer les besoins (et les dépenses) de l’État et des collectivités publiques.

La publication au JO (30 juin) du décret du 28 juin 2011 fixant les conditions permettant de déterminer si les mâchefers sont ou non exonérés de TGAP témoigne, avec la circulaire des Douanes du 30 mars 2011, de la difficulté à se doter d’une fiscalité environnementale réellement incitative.

En effet, selon ces deux textes, l’exploitant d’un centre de stockage est incité à enfouir les mâchefers  (pas de TGAP)  plutôt qu’à les recycler à des fins de couverture (TGAP). A l’heure de la société du recyclage, ce dispositif ne favorise pas les comportements vertueux.

La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), instituée le 1er janvier 1999, a été conçue pour modifier les comportements dans un sens plus favorable à l’environnement. Elle porte sur huit catégories d’activités polluantes. Pour les déchets, le fait générateur de la TGAP est leur réception dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés.

Le décret du 28 juin 2011 et la circulaire du 30 mars 2011 témoignent de la difficulté à se doter d’une fiscalité environnementale réellement incitative, s’agissant des mâchefers.

1. Les mâchefers sont des résidus non dangereux provenant des fours d’incinération de déchets ménagers et assimilés. Ils peuvent être valorisés. Jusqu’à cette année, les mâchefers stockés en Centre de stockage de déchets non dangereux (CSDnD ou classe 2) étaient soumis à la TGAP. Ainsi, les mâchefers étaient taxés deux fois : d’abord sur le volume de déchets entrant dans l’usine d’incinération ; ensuite lors de leur stockage en centre d’enfouissement.

Cette double taxation a été corrigée par la loi de finances rectificative pour 2010 : « Le tarif applicable aux déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés ne s’applique pas aux résidus de traitement des installations de traitement de déchets assujetties à la taxe générale sur les activités polluantes lorsque ceux-ci ne peuvent faire l’objet d’aucune valorisation pour des raisons techniques définies par décret ; à défaut de publication de ce décret dans les six mois suivant la promulgation de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, la taxe ne s’applique pas auxdits résidus » (4 bis de l’article 266 nonies du Code des douanes).

Selon ce texte, des mâchefers non valorisables enfouis dans un centre de stockage de déchets non dangereux (CSDnD) ne sont pas soumis à la TGAP. Le décret du 28 juin 2011 vient d’être pris pour son application. Il fixe les conditions techniques permettant de déterminer si les mâchefers peuvent ou non faire l’objet d’une valorisation. Selon les cas, les mâchefers seront exonérés de TGAP.

En pratique, divers paramètres devront être analysés, tel que le comportement à la lixiviation selon la teneur en éléments polluants (carbone, benzène, tolluène). En outre, les mâchefers devront faire l’objet de bordereaux de suivi des déchets, tenus à la disposition de l’Inspection des installations classées et du service chargé du contrôle de la TGAP.

En définitive, pour éviter une double taxation, les exploitants de centre de stockage n’auront plus à payer de TGAP pour l’enfouissement de mâchefers ayant vocation à rester des déchets (car non valorisables).

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2. Tout au contraire, d’après la circulaire du 30 mars 2011, les mâchefers valorisables sont à intégrer dans l’assiette de la TGAP : « [33] Les mâchefers sont des résidus incombustibles solides des déchets, récupérés en sortie du four d’incinération. Ce ne sont pas des déchets inertes, au sens du III de l’article 266 sexies du code des douanes, pouvant bénéficier de l’exonération de 20 %. L’utilisation de mâchefers a des fins de couverture périodique des déchets pour réduire les émissions d’odeurs et les envols de déchets ne remet pas en cause son caractère de déchet taxable. La circulaire 94 IV 1 du 19 mai 1994 de la direction de la prévention des pollutions et des risques (DPPR) définit les conditions dans lesquelles les mâchefers peuvent être utilises en travaux publics mais elle n’exonère pas de TGAP la réception de mâchefers dans un CSDnD ».

En effet, d’après la circulaire 94 IV 1 du 19 mai 1994, les mâchefers valorisables (V) peuvent être utilisés pour des travaux publics (en sous-couche routière). Dans ce cas, on doit considérer que le mâchefer a quitté le statut de déchet pour redevenir un « produit » s’il répond aux critères prévus par l’article L.541-4-3 du code de l’environnement pour considérer qu’un déchet cesse d’être un déchet :

– la substance ou l’objet doit couramment être utilisée à des fins spécifiques ;

– il doit exister une demande pour une telle substance ou objet ou elle répond à un marché ;

– la substance ou l’objet doit remplir les exigences techniques aux fins spécifiques et respecter la législation et les normes applicables aux produits ;

– son utilisation ne doit pas avoir d’effets globaux nocifs pour l’environnement ou la santé humain.

Néanmoins, selon la circulaire des douanes du 30 mars 2011, le même mâchefer valorisable (mêmes caractéristiques techniques) n’est plus un produit s’il est utilisé dans un centre de stockage de déchets non dangereux comme couverture (notamment pour réduire les émissions d’odeurs et les envols de déchets).

Pourtant, dans un tel cas, le mâchefer remplace de la terre végétale ou, au minimum, un déchet inerte. Or, la circulaire exonère les déchets inertes (définis au III de l’article 266 sexies du code des douanes) de la TGAP dans la limite de 20 % de la quantité annuelle totale de déchets reçus par installation. Cette distinction subtile s’explique sans doute parce que les mâchefers valorisables ne sont pas exactement des « déchets qui ne se décomposent pas, ne brûlent pas et ne produisent aucune autre réaction physique ou chimique, ne sont pas biodégradables et ne détériorent pas d’autres matières avec lesquelles ils entrent en contact » au sens du III de l’article 266 sexies du code des douanes.

Il n’en demeure pas moins que la circulaire du 30 mars 2011 soumet tous les mâchefers valorisés en centre de stockage à la TGAP, quand bien même ils représenteraient moins de 20 % des déchets reçus.

En définitive l’exploitant d’un centre de stockage :

a. devra payer de la TGAP s’il valorise des mâchefers à des fins de couverture (à la place de terre végétale par exemple)

b. au contraire, sera exonéré de TGAP pour l’enfouissement de mâchefers non valorisables

Voilà un dispositif fiscal qui devrait inciter à ne pas recycler les mâchefers dans les centres de stockage. A l’heure de la société du recyclage, peut-on y voir une fiscalité environnementale réellement incitative de comportements vertueux ?

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024277736&fastPos=1&fastReqId=1487362656&categorieLien=id&oldAction=rechTexte

http://www.douane.gouv.fr/data/file/6854.pdf

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

La société EcoDDS, éco-organisme de la filière des déchets diffus spécifiques ménagers, a demandé l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 27 novembre 2020 n°2020-1455 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs (REP), pris pour application de la loi AGEC.

Par une décision du 10 novembre 2023 n° 449213, publié au Journal Officiel n°0264 du 15 novembre 2023, le Conseil d’Etat a confirmé la solidité juridique du régime de la responsabilité élargie du producteur (REP) en apportant certaines précisions utiles (I).

Un des moyens présentés a cependant été retenu par le juge, relatif au mandat de représentation des producteurs (article R. 541-174 du code de l’environnement). Son annulation emporte des conséquences importantes immédiates pour les éco organismes (II).

I. Les dispositions conformes à la loi

La redevance versée à l’ADEME. Elle n’est pas une condition financière préalable au sens de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Les missions de suivi de l’Ademe sont également conformes à la loi AGEC.

La résorption des dépôts sauvages. Il revient au cahier des charges de chaque éco-organisme de prévoir au cas par cas si les coûts de ramassage et de traitement des déchets illégalement abandonnés sont pris en charge. Par ailleurs, ce dispositif ne méconnait pas les dispositions du TFUE relatives aux restrictions quantitatives, ni les objectifs de la directive Déchets s’agissant des couts nécessaires à la gestion des déchets.

Les garanties financières en cas de défaillance. Un dispositif financier a été créé pour garantir la continuité du service des éco-organismes (art R. 541-119 du code de l’environnement). Le terme « défaillance » est interprété de manière large, englobant toutes les situations pouvant compromettre la continuité du service public de gestion des déchets, tels que l’arrêt de l’activité, le non-renouvellement de l’agrément, ou des événements imprévus.

La consultation de l’Autorité de la concurrence n’était pas nécessaire, car les contrats types et l’uniformité des contributions n’entravent pas le libre choix des producteurs en matière de prix ou de conditions de vente.

La possibilité de prendre en charge les frais de mise en place des éco-organismes via les éco-contributions. Le Conseil juge que les frais de mise en place (le plus souvent engagés lors du dossier de candidature à l’agrément) peuvent être couverts par l’écocontribution au même titre que les frais de fonctionnement (considérant 47 de l’arrêt). En pratique, cette prise en charge sera rétroactive, puisque les fais de mise en place sont engagés avant l’agrément des éco-organismes.

Le soutien aux collectivités d’outre-mer. Le principe de planification par les éco-organismes est jugé conforme aux dispositions de la directive Déchets. La planification dans les collectivités d’outre-mer, régies par l’article 73 de la Constitution, sera mise en œuvre dans les cas où leurs performances sont inférieures à la moyenne métropolitaine.

Le barème amont. L’article R. 541-110 du code de l’environnement dispose que le cahier des charges peut détailler les modalités d’application du barème amont défini par la loi (L. 541-10-2 code env.). Le Conseil d’État valide cette disposition, au regard de la procédure transparente d’élaboration de ce barème, qui offre des garanties suffisantes et ne portant pas atteinte au principe de « bon rapport cout-efficacité ».

Par ailleurs, les modalités d’agrément des éco-organismes, la création et la compétence des comités des parties prenantes, la modulation de l’écocontribution, le rôle de l’organisme coordonnateur, les modalités d’autocontrôle sont également jugés conformes à la loi.

II. La disposition contraire à la loi : le mandat de subrogation pour les producteurs (art. R. 541-174 code env.)

2.1. Motifs de l’annulation

La société EcoDDS a obtenu l’annulation du décret en ce qu’il introduit l’article R. 541-174 dans le code de l’environnement. Cet article autorisait tout producteur, indépendamment de son origine, à déléguer à un mandataire la responsabilité « d’assurer le respect des obligations liées au régime de responsabilité élargie des producteurs », cette personne serait « subrogée dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur » dont il acceptait le mandat.

Le Conseil d’État relève d’abord que la directive Déchets prévoit seulement une possibilité de mandat pour les producteurs qui commercialisent sur le territoire national des produits élaborés dans autre Etat (art. 8bis §5 de la directive). Dans ce cas, le mandataire est chargé d’assurer le respect des obligations qui découlent du régime de la REP.  La directive souligne en outre que les Etats membres peuvent définir d’autres exigences, telles que l’enregistrement l’information et la communication des données qui doivent être remplies par le mandataire, afin de suivre et de vérifier les obligations du producteur établi à l’étranger.

Ensuite, le Conseil d’État relève que la loi AGEC a partiellement transposé ce point de la directive à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, sans mention d’un mandat, et en prévoyant simplement, pour les producteurs, l’obligation de « pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ». La loi aborde ensuite la mise en place d’éco-organismes agrées auxquels les producteurs transfèrent leur obligation en contrepartie d’une contribution financière.

Ainsi, d’une part, seul le décret transpose cette disposition de la directive, et, d’autre part, selon des modalités singulièrement différentes. En effet, l’article R. 541-174 du code de l’environnement résultant du décret prévoit que le mandat :

  • est permis à tous les producteurs (produisant en France ou à l’étranger)
  • et qu’il emporte une subrogation intégrale dans les obligations du producteur

Ce qui a une portée beaucoup plus large qu’un simple mandat au sens du droit des obligations (art. 1346 et suivants du code civil). La responsabilité attachée à un mandat classique (articles 1984 et suivants du code civil) est plus limitée. Ainsi, dans le cas du mandat avec subrogation, le mandataire doit répondre des obligations du mandant vis-à-vis des tiers. Par exemple les pénalités contractuelles dues aux éco-organismes. Au contraire, dans le cas du simple mandat, le mandant est responsable des actes du mandataire (la responsabilité du mandataire ne pouvant être engagée envers les tiers que dans le cas où il méconnait le mandat).

Les conclusions du Rapporteur public, Nicolas Agnoux, permettent d’éclairer l’arrêt sur ce point : « Ces dispositions entretiennent ainsi une confusion entre la possibilité, prévue au paragraphe 5 de l’article 8 bis de la directive, de désigner un simple « mandataire » chargé d’agir au nom et pour le compte du producteur, sans transfert de responsabilité, conformément à la définition qu’en donne le code civil (art. 1984 et 1998) et un régime de subrogation entraînant, comme l’indique la deuxième phrase de l’article, un transfert de la responsabilité élargie du producteur. Or cette seconde hypothèse apparaît non seulement contraire à la directive (CE, 13 juillet 2006, 281231) mais également entachée d’incompétence en ce qu’elle régit les obligations civiles des opérateurs ».

Pour ces raisons, le Conseil d’État juge que le pouvoir règlementaire a excédé sa compétence. L’article R. 541-174 du code de l’environnement est annulé dans son intégralité et immédiatement, sans effet différé.

2.2. Conséquences de l’annulation

Le fondement réglementaire de la subrogation intégrale ayant disparu avec l’annulation de l’article R. 541-174 code env., les mandats passés sont a minima devenus inopposables à l’administration sur ce point (cad les dispositions contractuelles désignant les mandataires des producteurs comme interlocuteurs « exclusif » de l’éco-organisme).

L’annulation emportant en outre des effets rétroactifs, l’article est censé n’avoir jamais existé, ce qui peut nécessiter une reconstitution du passé par l’administration. Cela peut donc également remettre en question les poursuites engagées et les sanctions déjà infligées à des mandataires en lieu et place des producteurs (les pénalités au titre des dispositions contractuelles spécifiques à chaque éco-organisme mais aussi au besoin les amendes administratives tel que prévu à l’article L. 5421-10-11 code env.). En cas de préjudice (risque de remboursement notamment), la responsabilité de l’État pourra être engagée.

Pour mémoire, en faisant reposer la responsabilité sur les épaules du mandataire, le décret d’application de la loi AGEC partait d’une bonne intention, consistant à faciliter les possibilités de poursuites vis-à-vis de producteurs situés à l’étranger en cas de dysfonctionnement.

De ce fait, désormais, si un producteur établi à l’étranger importe sa production en France, il est seul soumis au régime de la responsabilité élargie du producteur. Dans la mesure où il méconnaitrait ses obligations, l’éco-organisme doit le poursuivre directement et pas son mandataire.

Un mandat simple de représentation demeure possible. De même les cas particuliers ou des groupes ou maisons mères sont désignés mandataires par leurs filiales doivent pouvoir être pris en compte par les eco-organismes, y compris avec une responsabilité solidaire si elle est librement consentie.

2.3. Suites possibles

Une solution serait que le législateur vote une disposition reprenant les termes de l’article R. 541-174 du code de l’environnement, à savoir la possibilité d’un mandat avec subrogation intégrale pour les producteurs, sous réserve de sa conventionnalité et de sa constitutionnalité. Elle ne sera cependant valable que pour l’avenir, sans effets rétroactifs.

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Le Département Infrastructures et Matériaux du Cerema Méditerranée organise une Conférence Technique Territoriale le 12 octobre 2023 :

« Economie circulaire dans le BTP : développements et perspectives sur notre territoire« .

Maitre Rosalie Amabile, responsable du bureau de Marseille du cabinet Altes, y interviendra sur le thème du « Cadre juridique de l’économie circulaire : commande publique et BTP »

Le nombre de places est limité et la conférence aura lieu uniquement en présentiel sur le site d’Aix-en-Provence.

Les inscriptions sont obligatoires et se font par internet via ce lien.

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Le Club des avocats environnementalistes (CDAE) organise son prochain colloque à la Maison des Avocats le jeudi 28 septembre 2023, autour de la très importante et actuelle thématique de l’eau.

L’eau : entre protection de la ressource et conflits d’usages.

A cette occasion, notre associé Carl Enckell interviendra tout particulièrement sur le sujet de la « Circularité de l’eau : freins et leviers de la réglementation ».

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