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Sécurité juridique des projets : précisions du Conseil d’État sur le maintien des autorisations en cas d’annulation d’un PLU

par | 7 Oct 2020

Le Conseil d’Etat vient de clarifier, dans un avis n° 436934 du 2 octobre 2020, les conséquences qu’il convient de tirer, à l’égard d’une autorisation d’urbanisme, de l’annulation ou de la déclaration d’illégalité du document local d’urbanisme sur lequel l’autorisation est fondée. Il était saisi d’un avis contentieux par la Cour administrative d’appel de Douai (art. L. 113-1 Code de justice administrative) (CAA Douai, 1ère ch., 17 décembre 2019, n° 18DA01112).

Ce sujet avait conduit, dans un souci de sécurité juridique, le législateur à prévoir, dans la loi « ELAN » du 23 novembre 2018, que l’annulation d’un document d’urbanisme est sans incidence sur les autorisations d’urbanisme délivrées antérieurement à son prononcé, à la condition que l’annulation repose sur « un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet » (art. L. 600-12-1 code urb.). Cet article souffrait toutefois de difficultés d’interprétation (I). De plus, se posait en pratique la question de son articulation avec la règle selon laquelle l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme a pour effet de remettre en vigueur le document d’urbanisme immédiatement antérieur (art. L. 600-12 code urb.) (II).

Rappel des faits et procédure

En l’espèce, le requérant réclamait l’annulation d’un arrêté du maire de Wissant autorisant un permis de construire un bâtiment de six logements à usage locatif social. Le Tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande (TA Lille, 4 avril 2018, n° 1507952) puis, à l’occasion d’un autre jugement, a prononcé l’annulation du PLUi en vertu duquel avait été accordé le permis litigieux. Le requérant a alors interjeté appel en soulevant un moyen tiré de l’illégalité du permis de construire en raison de l’annulation du PLUi, et faisait valoir que l’autorisation était également illégale au regard des dispositions du POS antérieur remis en vigueur. La Cour administrative d’appel de Douai a donc posé deux questions au Conseil d’Etat :

1 : Quels sont les motifs d’illégalité d’un document d’urbanisme devant être considérés comme étrangers aux règles d’urbanisme applicables au projet – en particulier, l’illégalité externe dont est entaché un tel document est-elle invariablement regardée comme étrangère aux règles d’urbanisme applicables au projet ?

2 : Dans le cas où le document d’urbanisme a été totalement annulé ou déclaré illégal pour un motif qui n’est pas étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet mais qui n’affecte que certaines dispositions divisibles de ce document, à l’égard de quel document d’urbanisme le juge doit-il examiner la légalité de l’autorisation d’urbanisme – le document d’urbanisme immédiatement antérieur ou le document d’urbanisme annulé ou déclaré illégal ?

I. Qu’est-ce qu’un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet ?

Le Conseil d’Etat réuni en formation solennelle rappelle tout d’abord l’office du juge administratif au regard de l’article L. 600-12-1 du Code de l’urbanisme : lorsqu’il est saisi d’un moyen tiré de l’illégalité du document local d’urbanisme à l’appui d’un recours contre une autorisation d’urbanisme, il lui appartient de rechercher si l’un au moins des motifs d’illégalité du document d’urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l’autorisation d’urbanisme. Pour apprécier ce lien, le juge doit distinguer selon qu’il est face à un vice de légalité externe ou de légalité interne :

a) Face à un vice de légalité externe, le motif d’illégalité du document d’urbanisme est réputé étranger aux règles applicables au projet, sauf si ce vice a été de nature à exercer une influence directe sur celles-ci.

b) Face à un vice de légalité interne, le motif d’illégalité du document d’urbanisme est en principe non étranger aux règles applicables au projet, sauf cas contraires (ex. : erreur manifeste dans l’appréciation du classement d’une autre zone que celle sur laquelle se situe le projet).

Une fois que le juge a déterminé que le motif d’illégalité du document d’urbanisme était non étranger aux règles applicables à l’autorisation d’urbanisme, se pose la question de la détermination du document d’urbanisme au regard duquel doit être appréciée la légalité de cette autorisation, ainsi que l’implique la règle posée à l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme.

II. Remise en vigueur du document d’urbanisme antérieur

A cet égard, le Conseil d’État distingue trois hypothèses :

a) Lorsque le motif affecte la légalité de la totalité du document d’urbanisme, la légalité de l’autorisation s’apprécie au regard de l’ensemble du document immédiatement antérieur ainsi remis en vigueur.

b) Lorsque le motif d’illégalité affecte seulement une partie divisible du territoire que couvre le document d’urbanisme, ce sont les dispositions du document immédiatement antérieur relatives à cette zone géographique qui sont remises en vigueur.

c) Enfin, si le motif d’illégalité n’affecte que certaines règles divisibles du document d’urbanisme, la légalité de l’autorisation contestée n’est appréciée au regard du document immédiatement antérieur que pour les seules règles équivalentes nécessaires pour assurer le caractère complet et cohérent du document.

Par conséquent, on peut déduire que lorsque le motif d’illégalité du document d’urbanisme est étranger aux règles applicables à l’autorisation d’urbanisme, l’annulation du document d’urbanisme est sans incidence sur l’autorisation d’urbanisme. Dans ce cas, seuls des moyens tirés de la contrariété au document d’urbanisme annulé, et non des moyens tirés de la contrariété au document d’urbanisme antérieur, pourront être invoqués, ce qui constitue un paradoxe ainsi que l’a relevé le rapporteur public Olivier Fuchs dans ses conclusions sous cette affaire.

Pour finir, le Conseil d’Etat précise que lorsqu’un motif d’illégalité non étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document d’urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l’exception d’illégalité du document d’urbanisme à l’appui d’un recours en annulation d’une autorisation d’urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur. Ce faisant, il réitère sa jurisprudence « Commune de Courbevoie » de 2008 (CE, Sect., 7 février 2008, n° 297227).

Carl Enckell 

Anne-Eva Antonenko

Enckell Avocats

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Pour être valable, une marque doit être distinctive, c’est-à-dire permettre aux clients de reconnaître les produits ou services proposés sous cette marque, de ceux des autres entreprises.

Si le signe déposé à titre de marque est dépourvu de caractère distinctif en lui-même (par exemple : la marque est trop descriptive), ce caractère distinctif peut être acquis par l’usage. S’agissant d’une marque de l’Union Européenne (UE), cet usage doit avoir lieu au sein de l’UE, être ancien et suffisamment important pour que le signe utilisé soit perçu directement par le consommateur comme étant une marque.

Si ce principe est simple sur un plan théorique, dans la pratique, la preuve de l’existence de ce caractère distinctif acquis par l’usage est difficile à établir, comme l’illustre l’arrêt du Tribunal de l’Union Européenne (TUE), du 12 octobre 2022, qui a refusé de consacrer l’acquisition par l’usage du caractère distinctif de la marque sur le motif à damier de la pourtant célèbre maison Louis Vuitton.

En l’espèce, en 2015, un citoyen polonais avait saisi la division d’annulation de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO, à l’époque OHMI) d’une demande en nullité de la marque de l’UE déposée par Louis Vuitton.

La division d’annulation avait fait droit à la demande en annulant la marque, annulation confirmée par la Chambre des recours, considérant que le motif à damier ne constituait pas un caractère distinctif intrinsèque, ni qu’il avait été acquis par l’usage, dès lors que Louis Vuitton ne rapportait pas la preuve de cette acquisition dans six pays de l’UE (en l’occurrence six pays d’Europe de l’Est). Le TUE a validé ce raisonnement, et ainsi, confirmé l’annulation de la marque de Louis Vuitton.

Il a considéré d’une part, que « le motif à damier est un motif figuratif basique et banal,(…) (il) ne comporte ainsi aucune variation notable par rapport à la représentation conventionnelle de damiers et coïncide avec le modèle traditionnel d’un tel motif », le rendant donc dénué de toute distinctivité intrinsèque et d’autre part, que le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque « doit être démontré dans l’ensemble de ce territoire, et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité du territoire de l’Union », ce qui n’est pas le cas ici.

Cette décision n’est pas étonnante, l’EUIPO apprécie de manière très stricte l’acquisition du caractère distinctif d’une marque de l’UE par l’usage.

Source :

TUE, 19 oct. 2022, aff. T-275/21, Louis Vuitton Malletier c./ Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

Référence de l’image : Marque internationale n°986207 déposée par Louis Vuitton Malletier (Data.inpi.fr)

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Dans un arrêt du 12 octobre 2022, la Cour d’appel de Paris a prononcé la déchéance partielle de marques patronymiques en raison de l’usage trompeur fait par leur titulaire. La Cour a également jugé que la garantie d’éviction ne rend pas irrecevable la demande reconventionnelle en déchéance par le cédant.

En l’espèce le créateur Jean-Charles Castelbajac avait cédé les marques JC de CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC à la société PMJC. Cette dernière l’a attaqué pour contrefaçon car le créateur utilise aujourd’hui son nom patronymique pour promouvoir son activité, notamment sur son site internet.

La Cour a jugé que le créateur usait simplement de sa liberté de présenter ses activités sous son nom et avec sa signature et qu’aucun acte de contrefaçon n’était caractérisé.

En revanche, la Cour a partiellement donné raison à monsieur Castelbajac, qui avait formé une demande reconventionnelle en déchéance de ces marques pour usage trompeur. En effet il reprochait entre autres, à la société PMJC d’induire les consommateurs en erreur, en leur faisant croire que les produits commercialisés sous ces deux marques avaient été conçus par lui ou sous sa direction artistique, alors que ce n’était pas le cas.

Si cette décision est en faveur du créateur, la Cour de Cassation pourrait être saisie d’un pourvoi et donner une interprétation différente concernant la déchéance d’une marque patronymique devenue trompeuse du fait de son titulaire.

Cette décision fait écho aux célèbres jurisprudences en la matière : Ines de la Fressange, Cass. com., 31 janv.2006 et Bordas, Cass. com., 12 mars 1985.

Source :

Déchéance partielle de marques composées du nom patronymique d’un créateur en raison de l’usage trompeur par leur cessionnaire | INPI PIBD ;

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 12/10/22, 20/11628 (M20220269) PMJC SAS c. Jean-Charles C, LouisMarie C et Castelbajac Creative SAS (inpi.fr)

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

L’Afep-Medef s’est doté, en décembre 2022, d’un nouveau Code de gouvernance plaçant la stratégie RSE, notamment en matière climatique, au cœur des missions des Conseils d’administration.

La stratégie RSE : une mission essentielle du Conseil d’administration

Le code s’enrichit ainsi d’une nouvelle recommandation, intitulée « Le conseil d’administration et la responsabilité sociale et environnementale ».

Il appartiendra désormais au Conseil d’administration de déterminer les orientations stratégiques pluriannuelles en matière de RSE et à la direction de l’entreprise de présenter les modalités de mise en œuvre de cette stratégie avec un plan d’action et l’horizon de temps dans lequel ces actions seront menées.

Les dirigeants devront informer annuellement le Conseil d’administration des résultats obtenus au dans le cadre de la stratégie RSE préalablement définie.

En matière climatique, cette stratégie devra identifier des objectifs précis, selon des échelles de temps. Les résultats obtenus devront être examinés annuellement par le Conseil d’administration, qui pourra adapter les objectifs et les actions en fonction de l’évolution des technologies et de la situation de l’entreprise ainsi que de ses capacités à mettre en œuvre les mesures préconisées.  

La stratégie et les actions engagées devront être présentés aux actionnaires, au moins tous les trois ans, lors d’une assemblée générale ordinaire.

Assortie d’une formation spécifique aux enjeux climatiques

Afin de faciliter la mise en place d’une stratégie RSE et conformément à la pratique soulignée par l’AMF(Autorité des Marchés Financiers) dans son rapport 2022, le nouveau code de gouvernance Afep-Medef  préconise que ces sujets soient examinés en amont du conseil d’administration, par des comités spécialisés (Comités RSE), dont la composition est librement définie par les entreprises.

De plus, la formation complémentaire des administrateurs à la RSE devra comporter un volet spécifiquement dédié aux enjeux climatiques.

Qui devra être intégrée dans la rémunération des dirigeants

D’après le communiqué de presse de l’Afep-Medef, l’intégration, dans la détermination de la rémunération des dirigeants, de critères RSE précis et reflétant les enjeux sociaux et économiques les plus importants pour l’entreprise constituerait un levier puissant pour porter ces préoccupations au premier plan.

Les critères quantifiables doivent être privilégiés et l’un d’entre eux au moins doit être lié aux objectifs climatiques de l’entreprise.

A titre d’exemple, et comme le souligne l’AMF, l’indicateur quantifiable peut être fondé sur le taux de réduction des émissions carbone résultant de l’activité de la société par employé.

Une simple référence à l’application d’une politique RSE ou à des enjeux généraux est insuffisante.

Et mise en place rapidement

Face aux enjeux et même si ces nouvelles recommandations ne s’appliqueront qu’aux assemblées statuant sur les comptes des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023 (en pratique les assemblées tenues en 2024), l’Afep et le Medef recommandent aux Conseils d’administration de faire leurs meilleurs efforts pour les appliquer immédiatement.

Sources :

Code de gouvernance Afep-Medef décembre 2022 www.medef.com

Rapport AMF 2022

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