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Parcs éoliens et mesures compensatoires : qu’en est-il de la maitrise foncière ? (Conseil d’Etat, 16 octobre 2015)

par | 6 Nov 2015

photo_parc_eolien_kerigaret_1.jpgUn récent arrêt du Conseil d’Etat du 16 octobre 2015 se prononce sur la question de la légalité des protections paysagères (mesures compensatoires) destinées à atténuer les effets d’un parc éolien (CE, 16 octobre 2015, req. n° 385114). Ainsi, le Préfet n’a pas à vérifier, dans le cadre de l’instruction du permis de construire, si l’exploitant du parc éolien dispose de la maîtrise foncière des terrains voisins, destinés à accueillir des haies de protections visuelles.

Cet arrêt est conforme à la jurisprudence antérieure mais surtout favorable à l’implantation des parcs éoliens.

D’ailleurs, le législateur va désormais plus loin encore avec le nouveau régime de l’autorisation unique.

Décryptage.

  1. Que dit l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 octobre 2015, rendu sous les conclusions de Suzanne von Coester, rapporteur public ?

a. Arrêt d’appel de la CAA Lyon

Devant la Cour administrative d’appel de Lyon, les opposants au projet de parc avaient fait valoir que faute d’accord des propriétaires (propriétaires privés et département de la Nièvre) des terrains concernés par les implantations de haies, décidées par le Préfet à titre de mesure compensatoire, les permis de construire étaient illégaux.

Le bénéficiaire du permis de construire avait quant à lui rétorqué que la plantation de haies était une mesure compensatoire qu’il avait lui même envisagée dans l’étude d’impact et que celle-ci avait reçue l’accord des propriétaires concernés.

Dans son arrêt du 19 août 2014, la Cour administrative d’appel de Lyon avait fait droit aux adversaires du projet et jugé que le bénéficiaire du permis devait être en mesure de prouver qu’il disposait, à la date de délivrance du permis de construire (contrôle de l’excès de pouvoir) la maîtrise foncière des terrains sur lesquels portent les prescriptions du Préfet (CAA Lyon, 19 août 2014, req. 13LY01455) :

« par cinq des arrêtés contestés le préfet de la Nièvre a autorisé la construction d’éoliennes sous réserve, pour la société Intervent, de respecter les prescriptions d’ordre technique, indivisibles du reste des permis, figurant à l’article 2 de ces arrêtés qui imposent, au titre de l’environnement, la plantation de haies d’essences locales à la sortie du hameau de La Valotte, entre la dernière habitation du village de Bouhy et le parc éolien et le long de la route départementale 957 ; que même si l’étude d’impact fait état du projet de reconstitution d’une continuité, sous la forme de haies vives le long du chemin menant à Dampierre-sous-Bouhy, avec l’autorisation des propriétaires intéressés, ainsi que d’une initiative privée de replantation initiée par le propriétaire d’une habitation située en partie nord du hameau de La Valotte, il ne ressort pas des pièces produites au cours de l’instruction contradictoire écrite que, à la date à laquelle les permis litigieux ont été délivrés, la société Intervent avait acquis la maîtrise foncière des terrains sur lesquels portent ces prescriptions ; que, comme le soutiennent Mme F…et autres, ces prescriptions, dont la mise en oeuvre est ainsi soumise à l’accord des propriétaires des terrains concernés, qui sont des tiers par rapport au projet lui-même, sont donc illégales »

Cette première lecture du droit était donc défavorable aux opérateurs éoliens puisqu’elle leur imposait de bénéficier de la maîtrise foncière (promesses de bail en pratique) sur les terrains objets de mesures compensatoires.

b. Arrêt du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 16 octobre 2015, casse l’arrêt d’appel rendu par la Cour administrative d’appel de Lyon. Il juge que :

  • le Préfet de la Nièvre n’a commis aucune erreur de droit en prescrivant la plantation de haies sur des parcelles privées, sans s’assurer de l’accord de leurs propriétaires
  • Car cette condition n’est pas de nature à entacher d’illégalité les permis, qui sont délivrés sous réserve des droits des tiers(CE, 16 octobre 2015, req. n° 385114) :

« 14. Considérant que, par cinq des six arrêtés contestés, le préfet de la Nièvre a autorisé la construction d’éoliennes sous réserve, pour la société Intervent, de respecter les prescriptions d’ordre technique, indivisibles du reste des permis, figurant à l’article 2 de ces arrêtés qui imposent, au titre de l’environnement, sur des parcelles appartenant à des propriétaires privés, la plantation de haies à la sortie du hameau de La Valotte et le long de la route départementale 957.

15. Considérant que si les requérants soutiennent que le préfet de la Nièvre a commis une erreur de droit en prescrivant la plantation de haies sur des parcelles privées, sans s’assurer de l’accord de leurs propriétaires, cette circonstance, à supposer que les propriétaires concernés n’aient pas donné leur accord à la date de délivrance des permis attaqués, n’est pas de nature à entacher d’illégalité ces derniers, qui ont été délivrés sous réserve des droits des tiers ; que la construction du parc d’éoliennes ne pourra, au demeurant, être légalement réalisée conformément aux permis délivrés qu’à la condition que les haies aient pu être plantées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces prescriptions seraient entachées d’illégalité sur ce point doit être écarté » (CE, 16 octobre 2015, req. n° 385114).

  1. Une jurisprudence classique

Cette jurisprudence est en outre conforme à l’état du droit. Il convient en effet de rappeler que le principe de l’octroi des autorisations administratives sous réserve des droits des tiers a pour conséquence que le permis de construire n’est qu’une des formalités nécessaires à l’acte de construire : il faut également disposer des droits attachés à la maitrise foncière, qui ne relèvent pas du juge administratif mais du juge judiciaire.

Ainsi, il est de la responsabilité du demandeur du permis de s’assurer de la maîtrise foncière concernant son projet. En outre, depuis la réforme des autorisations d’urbanisme de 2007, le juge exerce un contrôle restreint sur la question de la maîtrise foncière, qui est seulement soumise à déclaration.

S’agissant en particulier des terrains destinés à accueillir des mesures compensatoires (paysagères par ex.) ou encore de prescriptions spéciales (accès par ex.), ils ne relèvent pas de l’unité foncière du projet et n’ont donc à ce titre pas même à faire l’objet d’une déclaration de maîtrise foncière de la part du demandeur du permis dans son formulaire CERFA.

Ainsi, dans un précédent arrêt du 8 mars 2007, la Cour administrative d’appel de Paris a jugé qu’un permis de construire était illégal dès lors que le Maire l’avait assorti d’une prescription selon laquelle un accord devait être passé avec un propriétaire voisin pour la plantation sur son terrain d’un écran végétal :

« Le maire de Meudon, reprenant une réserve figurant dans l’avis de l’architecte des bâtiments de France, a assorti son arrêté du 12 octobre 2001 d’une prescription selon laquelle un accord devait être passé avec le musée Rodin pour la plantation sur son terrain d’un écran végétal ; que toutefois cette prescription, qui doit être regardée comme formant un tout indivisible avec l’autorisation accordée, dépend de l’accord d’un tiers et ne crée aucune obligation au pétitionnaire ; qu’elle est, dès lors, irrégulière » (CAA Paris, 8 mars 2007, 03PA04100).

Ainsi, l’autorité délivrant le permis de construire ne peut exiger du bénéficiaire de ce permis qu’il s’assure de la maîtrise foncière des terrains accueillant les mesures compensatoires. Cette question relève de la seule responsabilité du bénéficiaire du permis.

  1. Le contrôle de la mise en œuvre des mesures compensatoires relève désormais d’une procédure distincte

Précisons d’abord que l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 octobre 2015 concerne le permis de construire un parc éolien qui n’était alors pas encore soumis à la législation des ICPE. Ce parc n’était donc pas encore soumis à autorisation ICPE, ce qui relève désormais de l’exception. Dans le cas d’un parc éolien soumis à permis de construire et à autorisation ICPE, le contrôle du contenu de l’étude d’impact relève de la seule autorisation ICPE.

Ensuite, depuis la loi dite Grenelle 2, le législateur a mis en place un régime de sanction en cas de méconnaissance, par le maître de l’ouvrage, des engagements pris dans l’étude d’impact jointe à un permis de construire ou à une autorisation ICPE (articles L. 122-3-1 et L. 171-8 du Code de l’environnement). 

Ainsi, en cas d’inexécution des mesures compensatoires prévues dans l’étude d’impact, le Préfet peut exercer les pouvoirs de police qu’il détient spécifiquement en la matière et prendre des sanctions dissuasives pour l’exploitant (exécution d’office ou, à l’extrême, suspension de l’installation, mais pas démolition).

Cela n’engendre, selon nous, pas de situation de blocage, dans la mesure où le Préfet prescrit des mesures compensatoires que l’exploitant du parc éolien a lui-même proposé dans son étude d’impact. A ce titre, la construction ne peut pas être jugée régulière s’il manque une partie des mesures compensatoires.

  1. Le régime de l’autorisation unique va encore simplifier les choses : plus aucune déclaration de maitrise foncière ?

Avec le régime de l’autorisation unique, le cadre juridique de la maîtrise foncière devrait encore évoluer car il ne semble même plus prévu de déclaration de maîtrise foncière pour le projet de parc éolien lui-même.

En effet, en l’état actuel, le dispositif réglementaire de l’autorisation unique (article 4 I) du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014) n’impose pas explicitement au demandeur de fournir d’attestation de maîtrise foncière ni d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public en tant que de besoin. Ainsi, d’après le dossier de demande d’autorisation unique ne doit contenir :

  • ni l’attestation de la maitrise foncière prévue par les articles R. 423-1 et R. 431-5 2nd alinéa du code de l’urbanisme ;
  • ni l’attestation de maîtrise foncière de l’article R. 512-6 8e du code de l’environnement

Ce point méritera sans doute d’être éclairci car si l’on conçoit que le bénéficiaire de l’autorisation n’ait pas à attester maitriser les terrains objets des mesures compensatoires, cette solution paraît moins évidente pour les terrains concernés par les ouvrages eux-mêmes.

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Pour être valable, une marque doit être distinctive, c’est-à-dire permettre aux clients de reconnaître les produits ou services proposés sous cette marque, de ceux des autres entreprises.

Si le signe déposé à titre de marque est dépourvu de caractère distinctif en lui-même (par exemple : la marque est trop descriptive), ce caractère distinctif peut être acquis par l’usage. S’agissant d’une marque de l’Union Européenne (UE), cet usage doit avoir lieu au sein de l’UE, être ancien et suffisamment important pour que le signe utilisé soit perçu directement par le consommateur comme étant une marque.

Si ce principe est simple sur un plan théorique, dans la pratique, la preuve de l’existence de ce caractère distinctif acquis par l’usage est difficile à établir, comme l’illustre l’arrêt du Tribunal de l’Union Européenne (TUE), du 12 octobre 2022, qui a refusé de consacrer l’acquisition par l’usage du caractère distinctif de la marque sur le motif à damier de la pourtant célèbre maison Louis Vuitton.

En l’espèce, en 2015, un citoyen polonais avait saisi la division d’annulation de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO, à l’époque OHMI) d’une demande en nullité de la marque de l’UE déposée par Louis Vuitton.

La division d’annulation avait fait droit à la demande en annulant la marque, annulation confirmée par la Chambre des recours, considérant que le motif à damier ne constituait pas un caractère distinctif intrinsèque, ni qu’il avait été acquis par l’usage, dès lors que Louis Vuitton ne rapportait pas la preuve de cette acquisition dans six pays de l’UE (en l’occurrence six pays d’Europe de l’Est). Le TUE a validé ce raisonnement, et ainsi, confirmé l’annulation de la marque de Louis Vuitton.

Il a considéré d’une part, que « le motif à damier est un motif figuratif basique et banal,(…) (il) ne comporte ainsi aucune variation notable par rapport à la représentation conventionnelle de damiers et coïncide avec le modèle traditionnel d’un tel motif », le rendant donc dénué de toute distinctivité intrinsèque et d’autre part, que le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque « doit être démontré dans l’ensemble de ce territoire, et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité du territoire de l’Union », ce qui n’est pas le cas ici.

Cette décision n’est pas étonnante, l’EUIPO apprécie de manière très stricte l’acquisition du caractère distinctif d’une marque de l’UE par l’usage.

Source :

TUE, 19 oct. 2022, aff. T-275/21, Louis Vuitton Malletier c./ Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

Référence de l’image : Marque internationale n°986207 déposée par Louis Vuitton Malletier (Data.inpi.fr)

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Dans un arrêt du 12 octobre 2022, la Cour d’appel de Paris a prononcé la déchéance partielle de marques patronymiques en raison de l’usage trompeur fait par leur titulaire. La Cour a également jugé que la garantie d’éviction ne rend pas irrecevable la demande reconventionnelle en déchéance par le cédant.

En l’espèce le créateur Jean-Charles Castelbajac avait cédé les marques JC de CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC à la société PMJC. Cette dernière l’a attaqué pour contrefaçon car le créateur utilise aujourd’hui son nom patronymique pour promouvoir son activité, notamment sur son site internet.

La Cour a jugé que le créateur usait simplement de sa liberté de présenter ses activités sous son nom et avec sa signature et qu’aucun acte de contrefaçon n’était caractérisé.

En revanche, la Cour a partiellement donné raison à monsieur Castelbajac, qui avait formé une demande reconventionnelle en déchéance de ces marques pour usage trompeur. En effet il reprochait entre autres, à la société PMJC d’induire les consommateurs en erreur, en leur faisant croire que les produits commercialisés sous ces deux marques avaient été conçus par lui ou sous sa direction artistique, alors que ce n’était pas le cas.

Si cette décision est en faveur du créateur, la Cour de Cassation pourrait être saisie d’un pourvoi et donner une interprétation différente concernant la déchéance d’une marque patronymique devenue trompeuse du fait de son titulaire.

Cette décision fait écho aux célèbres jurisprudences en la matière : Ines de la Fressange, Cass. com., 31 janv.2006 et Bordas, Cass. com., 12 mars 1985.

Source :

Déchéance partielle de marques composées du nom patronymique d’un créateur en raison de l’usage trompeur par leur cessionnaire | INPI PIBD ;

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 12/10/22, 20/11628 (M20220269) PMJC SAS c. Jean-Charles C, LouisMarie C et Castelbajac Creative SAS (inpi.fr)

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

L’Afep-Medef s’est doté, en décembre 2022, d’un nouveau Code de gouvernance plaçant la stratégie RSE, notamment en matière climatique, au cœur des missions des Conseils d’administration.

La stratégie RSE : une mission essentielle du Conseil d’administration

Le code s’enrichit ainsi d’une nouvelle recommandation, intitulée « Le conseil d’administration et la responsabilité sociale et environnementale ».

Il appartiendra désormais au Conseil d’administration de déterminer les orientations stratégiques pluriannuelles en matière de RSE et à la direction de l’entreprise de présenter les modalités de mise en œuvre de cette stratégie avec un plan d’action et l’horizon de temps dans lequel ces actions seront menées.

Les dirigeants devront informer annuellement le Conseil d’administration des résultats obtenus au dans le cadre de la stratégie RSE préalablement définie.

En matière climatique, cette stratégie devra identifier des objectifs précis, selon des échelles de temps. Les résultats obtenus devront être examinés annuellement par le Conseil d’administration, qui pourra adapter les objectifs et les actions en fonction de l’évolution des technologies et de la situation de l’entreprise ainsi que de ses capacités à mettre en œuvre les mesures préconisées.  

La stratégie et les actions engagées devront être présentés aux actionnaires, au moins tous les trois ans, lors d’une assemblée générale ordinaire.

Assortie d’une formation spécifique aux enjeux climatiques

Afin de faciliter la mise en place d’une stratégie RSE et conformément à la pratique soulignée par l’AMF(Autorité des Marchés Financiers) dans son rapport 2022, le nouveau code de gouvernance Afep-Medef  préconise que ces sujets soient examinés en amont du conseil d’administration, par des comités spécialisés (Comités RSE), dont la composition est librement définie par les entreprises.

De plus, la formation complémentaire des administrateurs à la RSE devra comporter un volet spécifiquement dédié aux enjeux climatiques.

Qui devra être intégrée dans la rémunération des dirigeants

D’après le communiqué de presse de l’Afep-Medef, l’intégration, dans la détermination de la rémunération des dirigeants, de critères RSE précis et reflétant les enjeux sociaux et économiques les plus importants pour l’entreprise constituerait un levier puissant pour porter ces préoccupations au premier plan.

Les critères quantifiables doivent être privilégiés et l’un d’entre eux au moins doit être lié aux objectifs climatiques de l’entreprise.

A titre d’exemple, et comme le souligne l’AMF, l’indicateur quantifiable peut être fondé sur le taux de réduction des émissions carbone résultant de l’activité de la société par employé.

Une simple référence à l’application d’une politique RSE ou à des enjeux généraux est insuffisante.

Et mise en place rapidement

Face aux enjeux et même si ces nouvelles recommandations ne s’appliqueront qu’aux assemblées statuant sur les comptes des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023 (en pratique les assemblées tenues en 2024), l’Afep et le Medef recommandent aux Conseils d’administration de faire leurs meilleurs efforts pour les appliquer immédiatement.

Sources :

Code de gouvernance Afep-Medef décembre 2022 www.medef.com

Rapport AMF 2022

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