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TGAP stockage réduite en cas de valorisation du biogaz : Seule la nature des déchets est déterminante (Conseil constitutionnel)

par | 21 Sep 2015

577957290.pngDans une décision n° 2015-482  QPC du 17 décembre 2015, le Conseil constitutionnel vient de juger que les remises de TGAP (valorisation de biogaz ou mode bioréacteur) prévues par l’article 266 du Code des douanes dépendaient exclusivement de la nature réelle des déchets stockés et non des caractéristiques des installations de stockage.

Ainsi, seuls les biodéchets ou déchets biodégradables peuvent bénéficier des taux de TGAP favorables de 20 ou 14 euros/tonne selon, les cas, au lieu de 40 euros/tonne (en 2015) (1 et 2).

En revanche, le Conseil constitutionnel juge que le taux de TGAP de 32 euros/tonne applicable aux installations certifiées ISO 14001 ou assimilées n’est ni prohibitif ni confiscatoire (3).

Cette décision confirme le contrôle approfondi qu’exerce le Conseil constitutionnel sur la fiscalité environnementale.

Analyse et décryptage ci-après.

Les causes d’exonération de TGAP pour les installations de stockage sont régulièrement sous les feux de la jurtisprudence (voir en ce sens notre commentaire sous exploitation des ISDND en mode bioréacteur : la circulaire d’application de 2010 est illégale).

L’affaire jugée par le Conseil constitutionnel le 17 décembre 2015 dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a pour origine la société Gurdebeke, qui exploite une installation de stockage de déchets non dangereux ou elle est autorisée à réceptionner des déchets non fermentescibles peu évolutifs. Cette société est donc par nature privée de la possibilité de bénéficier des taux de TGAP réduits prévus en cas de valorisation énergétique du biogaz de plus de 75 % (20 euros/tonne) ou d’exploitation en mode bioréacteur (14 euros/tonne).

1. Rupture d’égalité ? Un contrôle approfondi de la fiscalité environnementale par le Conseil constitutionnel

La société requérante faisait tout d’abord valoir qu’en traitant différemment les installations produisant et valorisant le biogaz lorsqu’elles réceptionnent des déchets insusceptibles d’en produire, les tarifs réduits prévus aux B et C du tableau du a) du A du 1 de l’article 266 nonies du code des douanes méconnaissaient le principe d’égalité devant la loi.

 En matière de fiscalité incitative, le Conseil constitutionnel développe un contrôle plus approfondi qu’en matière de simple fiscalité de rendement.

Dès lors que le but du législateur est de susciter un comportement, le Conseil constitutionnel vérifie que l’assiette et le taux sont en adéquation avec l’objectif poursuivi par la loi. Sans se substituer au Parlement dans l’appréciation de l’opportunité du régime fiscal en cause, il opère un contrôle qui va au-delà de la simple erreur manifeste d’appréciation.

En l’espèce, le Conseil constitutionnel a considéré dans sa décision n° 2015-482  QPC du 17 décembre 2015 que l’objectif d’intérêt général qui s’attache à l’incitation à la production de biogaz justifie qu’un tarif plus favorable soit appliqué aux déchets susceptibles de produire du biogaz lorsqu’ils sont réceptionnés par une installation de production du biogaz.

En revanche, cet objectif ne saurait justifier que ce même tarif plus favorable bénéficie à d’autres déchets du seul fait qu’ils sont réceptionnés par ce type d’installation, alors même qu’ils sont insusceptibles de produire du biogaz (considérant 7 de la décision).

En d’autres termes, ce ne sont pas les caractéristiques de l’installation qui priment (mode bioréacteur ou valorisation énergétique du biogaz de plus de 75 %) mais la nature des déchets qui y sont stockés.

Cette décision s’inscrit dans la continuité de la solution rendue dans une précédente décision n° 2010-57 QPC du 18 octobre 2010 relative à la TGAP. Le Conseil constitutionnel avait alors censuré le fait qu’un même déchet soit taxé de manière différente selon son lieu de stockage. Il avait ainsi exclu de l’assiette de la TGAP les déchets inertes, qu’ils soient ou non reçus par des installations spécialement destinées à les recevoir. La taxation de mêmes déchets selon leur lieu de stockage aurait en effet abouti à une discrimination injustifiée.

C’est donc une fois encore la nature du déchet qui prime et pas son mode de traitement ni son exutoire.

2 Quelles conséquences pratiques ?

En pratique, seuls les « biodéchets », ou déchets « biodégradables » pourront donc bénéficier de la remise de TGAP, c’est à dire :

–       les « déchets non dangereux biodégradable de jardin ou de parc, tout déchet non dangereux alimentaire ou de cuisine issu notamment des ménages, des restaurants, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que tout déchet comparable provenant des établissements de production ou de transformation de denrées alimentaires » (article R.541-8 du Code de l’environnement)

–       ou encore les déchets « pouvant faire l’objet d’une décomposition aérobie ou anaérobie, tels que les déchets alimentaires, les déchets de jardin, le papier et le carton » (article 1 de l’arrêté ministériel du 9 septembre 1997).

Semblent en revanche donc au minimum exclus des remises de TGAP valorisation du biogaz et « mode bioréacteurs » :

–       les déchets d’amiante lié à des matériaux inertes ou les déchets de terres amiantifères ainsi que les déchets à base de plâtre, qui doivent être stockés dans des casiers dédiés.

–       et plus généralement tous les déchets non biodégradables

En définitive, les réfactions de TGAP ne valent pas par installation (même si elles sont en mode bioréacteur ou qu’elle valorisent plus de 75 % du biogaz) mais par casier et sous réserve qu’ils contiennent des déchets biodégradables.

3. Un taux de TGAP ni confiscatoire ni prohibitif

La société requérante soutenait en second lieu que le tarif prévu pour les installations ISO 14001 (32 euros/tonne en 2015) engendrait une imposition confiscatoire, en méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques.

En droit, outre son contrôle de l’adéquation à l’objectif poursuivi, le Conseil constitutionnel vérifie également que le taux de l’imposition est proportionné aux facultés contributives. Une disproportion entraînerait en effet une rupture de l’égalité devant les charges publique.

En l’espèce, le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré du caractère confiscatoire des dispositions en cause. Il a considéré que le tarif prévu, « n’atteint pas un niveau revêtant un caractère confiscatoire » (cons. 8).

En définitive, le Conseil constitutionnel a jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution, sous la réserve énoncée au considérant 7 de sa décision.

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

La société EcoDDS, éco-organisme de la filière des déchets diffus spécifiques ménagers, a demandé l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 27 novembre 2020 n°2020-1455 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs (REP), pris pour application de la loi AGEC.

Par une décision du 10 novembre 2023 n° 449213, publié au Journal Officiel n°0264 du 15 novembre 2023, le Conseil d’Etat a confirmé la solidité juridique du régime de la responsabilité élargie du producteur (REP) en apportant certaines précisions utiles (I).

Un des moyens présentés a cependant été retenu par le juge, relatif au mandat de représentation des producteurs (article R. 541-174 du code de l’environnement). Son annulation emporte des conséquences importantes immédiates pour les éco organismes (II).

I. Les dispositions conformes à la loi

La redevance versée à l’ADEME. Elle n’est pas une condition financière préalable au sens de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Les missions de suivi de l’Ademe sont également conformes à la loi AGEC.

La résorption des dépôts sauvages. Il revient au cahier des charges de chaque éco-organisme de prévoir au cas par cas si les coûts de ramassage et de traitement des déchets illégalement abandonnés sont pris en charge. Par ailleurs, ce dispositif ne méconnait pas les dispositions du TFUE relatives aux restrictions quantitatives, ni les objectifs de la directive Déchets s’agissant des couts nécessaires à la gestion des déchets.

Les garanties financières en cas de défaillance. Un dispositif financier a été créé pour garantir la continuité du service des éco-organismes (art R. 541-119 du code de l’environnement). Le terme « défaillance » est interprété de manière large, englobant toutes les situations pouvant compromettre la continuité du service public de gestion des déchets, tels que l’arrêt de l’activité, le non-renouvellement de l’agrément, ou des événements imprévus.

La consultation de l’Autorité de la concurrence n’était pas nécessaire, car les contrats types et l’uniformité des contributions n’entravent pas le libre choix des producteurs en matière de prix ou de conditions de vente.

La possibilité de prendre en charge les frais de mise en place des éco-organismes via les éco-contributions. Le Conseil juge que les frais de mise en place (le plus souvent engagés lors du dossier de candidature à l’agrément) peuvent être couverts par l’écocontribution au même titre que les frais de fonctionnement (considérant 47 de l’arrêt). En pratique, cette prise en charge sera rétroactive, puisque les fais de mise en place sont engagés avant l’agrément des éco-organismes.

Le soutien aux collectivités d’outre-mer. Le principe de planification par les éco-organismes est jugé conforme aux dispositions de la directive Déchets. La planification dans les collectivités d’outre-mer, régies par l’article 73 de la Constitution, sera mise en œuvre dans les cas où leurs performances sont inférieures à la moyenne métropolitaine.

Le barème amont. L’article R. 541-110 du code de l’environnement dispose que le cahier des charges peut détailler les modalités d’application du barème amont défini par la loi (L. 541-10-2 code env.). Le Conseil d’État valide cette disposition, au regard de la procédure transparente d’élaboration de ce barème, qui offre des garanties suffisantes et ne portant pas atteinte au principe de « bon rapport cout-efficacité ».

Par ailleurs, les modalités d’agrément des éco-organismes, la création et la compétence des comités des parties prenantes, la modulation de l’écocontribution, le rôle de l’organisme coordonnateur, les modalités d’autocontrôle sont également jugés conformes à la loi.

II. La disposition contraire à la loi : le mandat de subrogation pour les producteurs (art. R. 541-174 code env.)

2.1. Motifs de l’annulation

La société EcoDDS a obtenu l’annulation du décret en ce qu’il introduit l’article R. 541-174 dans le code de l’environnement. Cet article autorisait tout producteur, indépendamment de son origine, à déléguer à un mandataire la responsabilité « d’assurer le respect des obligations liées au régime de responsabilité élargie des producteurs », cette personne serait « subrogée dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur » dont il acceptait le mandat.

Le Conseil d’État relève d’abord que la directive Déchets prévoit seulement une possibilité de mandat pour les producteurs qui commercialisent sur le territoire national des produits élaborés dans autre Etat (art. 8bis §5 de la directive). Dans ce cas, le mandataire est chargé d’assurer le respect des obligations qui découlent du régime de la REP.  La directive souligne en outre que les Etats membres peuvent définir d’autres exigences, telles que l’enregistrement l’information et la communication des données qui doivent être remplies par le mandataire, afin de suivre et de vérifier les obligations du producteur établi à l’étranger.

Ensuite, le Conseil d’État relève que la loi AGEC a partiellement transposé ce point de la directive à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, sans mention d’un mandat, et en prévoyant simplement, pour les producteurs, l’obligation de « pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ». La loi aborde ensuite la mise en place d’éco-organismes agrées auxquels les producteurs transfèrent leur obligation en contrepartie d’une contribution financière.

Ainsi, d’une part, seul le décret transpose cette disposition de la directive, et, d’autre part, selon des modalités singulièrement différentes. En effet, l’article R. 541-174 du code de l’environnement résultant du décret prévoit que le mandat :

  • est permis à tous les producteurs (produisant en France ou à l’étranger)
  • et qu’il emporte une subrogation intégrale dans les obligations du producteur

Ce qui a une portée beaucoup plus large qu’un simple mandat au sens du droit des obligations (art. 1346 et suivants du code civil). La responsabilité attachée à un mandat classique (articles 1984 et suivants du code civil) est plus limitée. Ainsi, dans le cas du mandat avec subrogation, le mandataire doit répondre des obligations du mandant vis-à-vis des tiers. Par exemple les pénalités contractuelles dues aux éco-organismes. Au contraire, dans le cas du simple mandat, le mandant est responsable des actes du mandataire (la responsabilité du mandataire ne pouvant être engagée envers les tiers que dans le cas où il méconnait le mandat).

Les conclusions du Rapporteur public, Nicolas Agnoux, permettent d’éclairer l’arrêt sur ce point : « Ces dispositions entretiennent ainsi une confusion entre la possibilité, prévue au paragraphe 5 de l’article 8 bis de la directive, de désigner un simple « mandataire » chargé d’agir au nom et pour le compte du producteur, sans transfert de responsabilité, conformément à la définition qu’en donne le code civil (art. 1984 et 1998) et un régime de subrogation entraînant, comme l’indique la deuxième phrase de l’article, un transfert de la responsabilité élargie du producteur. Or cette seconde hypothèse apparaît non seulement contraire à la directive (CE, 13 juillet 2006, 281231) mais également entachée d’incompétence en ce qu’elle régit les obligations civiles des opérateurs ».

Pour ces raisons, le Conseil d’État juge que le pouvoir règlementaire a excédé sa compétence. L’article R. 541-174 du code de l’environnement est annulé dans son intégralité et immédiatement, sans effet différé.

2.2. Conséquences de l’annulation

Le fondement réglementaire de la subrogation intégrale ayant disparu avec l’annulation de l’article R. 541-174 code env., les mandats passés sont a minima devenus inopposables à l’administration sur ce point (cad les dispositions contractuelles désignant les mandataires des producteurs comme interlocuteurs « exclusif » de l’éco-organisme).

L’annulation emportant en outre des effets rétroactifs, l’article est censé n’avoir jamais existé, ce qui peut nécessiter une reconstitution du passé par l’administration. Cela peut donc également remettre en question les poursuites engagées et les sanctions déjà infligées à des mandataires en lieu et place des producteurs (les pénalités au titre des dispositions contractuelles spécifiques à chaque éco-organisme mais aussi au besoin les amendes administratives tel que prévu à l’article L. 5421-10-11 code env.). En cas de préjudice (risque de remboursement notamment), la responsabilité de l’État pourra être engagée.

Pour mémoire, en faisant reposer la responsabilité sur les épaules du mandataire, le décret d’application de la loi AGEC partait d’une bonne intention, consistant à faciliter les possibilités de poursuites vis-à-vis de producteurs situés à l’étranger en cas de dysfonctionnement.

De ce fait, désormais, si un producteur établi à l’étranger importe sa production en France, il est seul soumis au régime de la responsabilité élargie du producteur. Dans la mesure où il méconnaitrait ses obligations, l’éco-organisme doit le poursuivre directement et pas son mandataire.

Un mandat simple de représentation demeure possible. De même les cas particuliers ou des groupes ou maisons mères sont désignés mandataires par leurs filiales doivent pouvoir être pris en compte par les eco-organismes, y compris avec une responsabilité solidaire si elle est librement consentie.

2.3. Suites possibles

Une solution serait que le législateur vote une disposition reprenant les termes de l’article R. 541-174 du code de l’environnement, à savoir la possibilité d’un mandat avec subrogation intégrale pour les producteurs, sous réserve de sa conventionnalité et de sa constitutionnalité. Elle ne sera cependant valable que pour l’avenir, sans effets rétroactifs.

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

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Le Département Infrastructures et Matériaux du Cerema Méditerranée organise une Conférence Technique Territoriale le 12 octobre 2023 :

« Economie circulaire dans le BTP : développements et perspectives sur notre territoire« .

Maitre Rosalie Amabile, responsable du bureau de Marseille du cabinet Altes, y interviendra sur le thème du « Cadre juridique de l’économie circulaire : commande publique et BTP »

Le nombre de places est limité et la conférence aura lieu uniquement en présentiel sur le site d’Aix-en-Provence.

Les inscriptions sont obligatoires et se font par internet via ce lien.

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

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Le Club des avocats environnementalistes (CDAE) organise son prochain colloque à la Maison des Avocats le jeudi 28 septembre 2023, autour de la très importante et actuelle thématique de l’eau.

L’eau : entre protection de la ressource et conflits d’usages.

A cette occasion, notre associé Carl Enckell interviendra tout particulièrement sur le sujet de la « Circularité de l’eau : freins et leviers de la réglementation ».

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