Dans un arrêt du 26 juin 2013, le Conseil d’Etat vient de confirmer ce que nous plaidions depuis plusieurs mois : les zones de développement éolien (ZDE) sont sans incidences notables sur l’environnement et ne sont par conséquent pas soumises au principe de participation du public.
Il ne s’agit nullement d’un revirement de jurisprudence mais tout au contraire de la confirmation d’une jurisprudence déjà bien établie du Conseil d’Etat.
En définitive, toute la question de la fragilisation de la filière éolienne tenait à un malentendu à propos de l’interprétation erronée d’un précédent arrêt du Conseil d’Etat !
Un cas d’école à méditer dans la perspective d’une réforme du droit de l’environnement.
Pour mémoire, les ZDE ont été supprimées par la loi Brottes au motif qu’elles fragilisaient tous les projets de parcs éoliens.
En effet, suivant un courant jurisprudentiel de tribunaux et de Cour administratives d’appel, les recours contre les ZDE étaient quasiment toujours gagnants.
Il suffisait de faire valoir que la ZDE avait été approuvée sans concertation préalable avec le public (presque toujours le cas) pour qu’elle soit annulée, avec des effets dominos systématiquement très complexes pour les projets éoliens : perte du tarif de rachat.
Ce courant jurisprudentiel, que nous avions combattu avec la plus grande énergie, avait fait de la ZDE le cheval de Troie des anti-éoliens.
Dans son arrêt du 26 juin 2013, le Conseil d’Etat remet les pendules à l’heure et juge que l’article L. 110-1 II 4° du Code de l’environnement (fondement juridique du principe de participation du public) se contente d’énoncer « des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d’autres lois ; qu’elles n’impliquent, par elles-mêmes, aucune obligation de procéder à l’association du public au processus d’élaboration des projets ayant une incidence importante sur l’environnement ; qu’en l’absence de disposition législative ayant organisé les modalités d’une telle participation, la méconnaissance du principe de participation du public énoncé au 4° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement ne saurait être utilement invoquée au soutien d’une demande tendant à l’annulation d’un arrêté définissant une zone de développement de l’éolien » (CE, 26 juin 2013, Cne de Roquefère et a. req. n° 360466, concl. X. de Lesquen)
Contrairement à ce que des commentaires ont pu hâtivement laisser entendre, il ne s’agit nullement d‘un revirement de jurisprudence, même partiel. En effet, c’est par une interprétation erronée de l’arrêt Rabodeau Environnement du 16 avril 2010 que des juristes et des juridictions administratives ont conclu que les ZDE impliquaient une concertation avec le public.
i. D’abord parce que, dans son arrêt Brocard et Assoc Rabodeau Environnement du 16 avril 2010 (req.n°318067), rendu par les 6ème et 1ère sous-sections réunies, le Conseil d’Etat n’a pas annulé la ZDE mais seulement souligné que la concertation réalisée était suffisante.
Ce faisant, la Haute Assemblée n‘a pas du tout répondu à la question de savoir si, par application de la convention d’Aarhus ou des directive européennes, une ZDE devait être soumise au principe de participation du public. De sorte que, contrairement à ce que les tribunaux et Cour administratives d’appel ont pu juger, aucune déduction ne pouvait être tirée de l’arrêt Rabodeau Environnement du Conseil d’Etat à ce titre.
ii. Ensuite parce que le Conseil d’Etat avait déjà relevé dans un arrêt d’Assemblée, Commune d’Annecy, que l’article L. 110-1 du Code de l’environnement « se borne à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d’autres lois » et qu’il ne saurait à se titre être regardé comme déterminant les conditions et limites requises par l’article 7 de la Charte de l’Environnement (CE, ass., 3 octobre 2008, Commune d’Annecy, req. n° 297931 concl Yann Aguila).
Cet arrêt rappelle que seul le législateur est compétent pour fixer les « conditions et limites » dans lesquelles s’exerce le droit de participation du public.
Rien de tel en l’espèce concernant les ZDE.
iii. Enfin, parce qu’une lecture attentive de la jurisprudence permettait de constater que le seul arrêt du Conseil d’Etat sanctionnant un projet pour méconnaissance du principe de participation du public, prenait soin de s’assurer que l’opération concernée (démantèlement d’une installation nucléaire de base) était visée par la directive du Conseil n°85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dans sa rédaction issue de la directive du Conseil n°97/11/CE du 3 mars 1997 (CE, 6 juin 2007, Assoc Réseau Sortir du nucléaire, req. n° 292386 Leb p 242)
Tout cela a été plaidé par votre serviteur devant les juridictions administratives. Mais je me souviens encore avoir sursauté en entendant un rapporteur public conclure lors d’une audience de ce début d’année 2013 que mon argumentation l’avait convaincu mais qu’il ne proposerait pas pour autant au Tribunal administratif de nous donner raison, « l’encre de la plume du Conseil d’Etat ayant rédigée l’arrêt Rabodeau Environnement étant encore fraîche »… Dans cette affaire, nous avons finalement gagné, non pas sur le fond mais en démontrant l’irrecevabilité de la requête de la partie adverse… pas très satisfaisant sur le plan intellectuel.
En définitive, toute la question de la fragilisation de la filière éolienne causée par les ZDE tenait à un malentendu à propos de l’interprétation erronée d’un arrêt du Conseil d’Etat !
Pourtant, le commentaire d’arrêt est au programme des étudiants en droit de 2ème année…
Espérons que nos écritures seront prises en considération la prochaine fois. Sans doute aurions nous du plaider avec encore plus de conviction.
Un exemple à méditer avant de vouloir réformer le droit de l’environnement. Le vrai sujet n’est il pas plutôt celui de la durée des procédures administratives et de l’interprétation de la jurisprudence ?