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Etiquetage « vert » des produits du bâtiment : analyse du cycle de vie obligatoire dès juillet 2013

par | 17 Avr 2013

greenwash.jpgLe Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie vient de diffuser un important projet de décret réglementant l’affichage environnemental des produits destinés au bâtiment et mis sur le marché. Il s’agit de garantir que les produits étiquetés « verts » le méritent.

Le dispositif généralise le principe d’une information fiable sur l’impact des biens, produits et emballages. Il répond à une forte demande des consommateurs, parfois circonspects devant la multiplication des labels verts.

II répond également à la préoccupation de lutter contre l’obsolescence programmée dès lors que la déclaration environnementale devra préciser la durée de vie du produit.

C’est une première étape vers l’éco-label unique.

Avec le projet de décret qui vient d’être diffusé, il a été fait le choix de réglementer dans un premier temps les produits destinés au bâtiment.

Dès lors qu’une communication à caractère environnemental accompagnera la commercialisation d’un tel produit, le fabricant sera tenu de délivrer une déclaration environnementale (profil environnemental complet du produit basé sur l’analyse de son cycle de vie).


En cas de déclaration erronée, on peut d’ores et déjà envisager que des actions pour tromperie seront engagées. 

i. Pourquoi une déclaration environnementale en cas d’affichage environnemental ?

Le nouveau dispositif est pris en application de la dite « Grenelle II » du 12 juillet 2010 qui a incorporé dans le Code de la consommation un 10° à l’article L. 214-1. Selon cet article, un décret devra énumérer les  exigences de précision, de vérification et de prise en compte du cycle de vie d’un produit dès lors que la commercialisation de ce produit s’accompagne d’allégations à caractère environnemental.


L’objectif est :

  1. de veiller à ce que l’information sur l’impact environnemental (réchauffement climatique et consommation de ressources) des biens, produits et emballages délivrée aux consommateurs soit fiable (sincère et objective) ;
  2. d’instaurer une concurrence non biaisée entre les fabricants des produits. 


En d’autres termes, il s’agit de garantir que les produits étiquetés « verts » le méritent.

ii. Quelles obligations ?

Selon le projet de décret, le responsable de la mise sur le marché de produits comportant des allégations à caractère environnemental ou utilisant les termes de développement durable ou ses synonymes, présentées sur les produits ou accompagnant leur commercialisation (mentions sur les emballages, publications, publicité, télémercatique, insertions sur supports numériques ou électroniques) doit établir une déclaration environnementale.

L’obligation s’impose donc également au reporting environnemental des entreprises.

La déclaration environnementale fera l’objet, à partir de 2017, d’une vérification par tierce partie indépendante portant sur le respect des modalités de mise en œuvre de la déclaration environnementale fixées par arrêté.

iii. Qu’est-ce qu’une allégation à caractère environnemental ?

Le texte ne reprend pas l’expression d’affichage environnemental mais d’allégation à caractère environnemental.

On doit cependant par précaution considérer que cette formule a une portée très large : par exemple la recyclabilité du produit, ses impacts sur les ressources naturelles (air, eau, sol, faune, flore, biodiversité, couche d’ozone, bruit, énergie, déchets, émissions polluantes, empreinte écologique…)

Elle a vocation a s’appliquer à tous les produits labellisés « eco » quelquechose, avec logo vert etc…

iv. Sur quoi devra porter la déclaration environnementale ?

La déclaration environnementale à établir  pourra porter sur les aspects environnementaux imputables au produit au cours de son cycle de vie, à savoir :

– consommation des ressources,

– déchets solides valorisés ou éliminés,

– changement climatique,

– acidification atmosphérique,

– pollution de l’air ou de l’eau,

– formation d’ozone photochimique,

– eutrophisation.

On notera que la santé publique ne figure pas directement parmi les aspects à contrôler.

v. A quels secteurs s’appliquera le dispositif ?

Le dispositif doit s’appliquer dès le 1er juillet 2013 pour tous les produits de construction et de décoration.  Les équipements électriques, électroniques et de génie climatique n’y seront soumis qu’à partir de juillet 2017.

vi. Quels produits seront exonérés ?

La déclaration environnementale ne s’impose pas dans les cas suivants :

– le produit fait déjà l’objet d’une certification relative à des caractéristiques environnementales (par arrêté ministériel) respectant les exigences définies et les allégations environnementales accompagnant le produit sont celles prévues par la certification ;

– le produit satisfait aux exigences d’une autre réglementation concernant un ou plusieurs aspects environnementaux mentionnés et les allégations environnementales accompagnant le produit sont celles prévues par la réglementation.

Il faudra examiner au cas par cas si ces éxonérations s’appliquent.

vii. Que doit contenir la déclaration environnementale

C’est la que cela se corse pour les fabricants…

Selon l’article 3 du projet d’arrêté ministériel accompagnant le projet de décret, la déclaration environnementale contient les informations suivantes :

1° les valeurs, pour le total cycle de vie et pour l’étape de production, l’étape du processus de construction, l’étape d’utilisation et l’étape de fin de vie, des indicateurs suivants :

– décrivant les impacts environnementaux :

– réchauffement climatique

– appauvrissement de la couche d’ozone

– acidification des sols et de l’eau

– eutrophisation

– formation d’ozone photochimique

– épuisement des ressources abiotiques – éléments

– épuisement des ressources abiotiques – combustibles fossiles

– pollution de l’eau

– pollution de l’air

– décrivant l’utilisation des ressources :

– utilisation de l’énergie primaire renouvelable, à l’exclusion des ressources d’énergie primaire renouvelables utilisées comme matières premières

– utilisation des ressources d’énergie primaire renouvelables utilisées en tant que matières premières

– utilisation totale des ressources d’énergie primaire renouvelables (énergie primaire et ressources d’énergie primaire utilisées comme matières premières)

– utilisation de l’énergie primaire non renouvelable, à l’exclusion des ressources d’énergie primaire non renouvelables utilisées comme matières premières

– utilisation des ressources d’énergie primaire non renouvelables utilisées en tant que matières premières

– utilisation totale des ressources d’énergie primaire non renouvelables (énergie primaire et ressources d’énergie primaire utilisées comme matières premières)

– utilisation de matière secondaire

– utilisation de combustibles secondaires renouvelables

–  utilisation de combustibles secondaires non renouvelables

– utilisation nette d’eau douce

– décrivant les catégories de déchets :

– déchets dangereux éliminés

– déchets non dangereux éliminés

– déchets radioactifs éliminés

– décrivant les flux sortants :

– composants destinés à la réutilisation

– matériaux destinés au recyclage

– matériaux destinés à la récupération d’énergie

– énergie fournie à l’extérieur.

2° en option, les valeurs des mêmes indicateurs portant sur les bénéfices et charges au-delà des frontières du système,

3° l’unité fonctionnelle du produit,

4° la durée de vie du produit,

5° la description des produits constitutifs de l’unité fonctionnelle (quantité de produit principal, quantité d’emballages, quantité de produits complémentaires liés à la mise en

œuvre),

6° en option, le domaine d’application du produit

7° le produit couvert par la déclaration environnementale : famille, description(s) ou désignation(s) commerciale(s), nom(s) ou désignation du (des) responsable(s) de la mise sur le marché,

8° la date de la déclaration environnementale,

9° le cas échéant, le certificat de vérification et les coordonnées du vérificateur ayant effectué la vérification par tierce partie indépendante mentionnée à l’article 7 du décret __ susvisé,

– 10° les coordonnées du déclarant,

– 11° l’adresse du site Internet où ces informations sont consultables gratuitement

Le déclarant doit en outre être en mesure de fournir aux autorités chargées des contrôles et du vérificateur indépendant l’ensemble des éléments, ou les coordonnées des personnes physiques ou morales détentrices de ces éléments, permettant de justifier les informations contenues dans la déclaration environnementale, notamment :

– l’origine des matières premières, matériaux et composants du produit,

– l’identification des intrants non inclus dans l’inventaire du cycle de vie en respect de la

règle de coupure,

– les résultats des calculs d’inventaires,

– les éléments justificatifs de la durée de vie du produit,

– en cas de recours à des données génériques issues de bases de données publiques ou privées, la documentation relative à la représentativité technologique, géographique et temporelle des données génériques utilisées, les références des bases dont elles sont issues

et les références des modules de données utilisés,

– la masse totale des intrants non inclus dans l’inventaire du cycle de vie en respect de la règle de coupure,

– les scenarii dont découle l’inventaire du cycle de vie,

– le(s) site(s) de production couvert(s) par la déclaration environnementale,

– la production de chaque site exprimée avec l’unité de quantité définie dans l’unité fonctionnelle,

– en cas de recours à une méthode d’échantillonnage, les éléments justifiant que l’échantillon utilisé est représentatif, notamment  d’un point de vue géographique, temporelle et technologique, de la production du produit mise sur le marché français,

– les éléments constitutifs du cadre de validité de la déclaration collective mentionné à l’article 10.

viii. Quelles sanctions sont prévues en l’absence de déclaration environnementale ou en cas de déclaration erronée ?

C’est tout le sujet car la force de la loi dépend des conditions de la sanction de sa méconnaissance.

Or, si le projet de décret ne prévoit en tant que tel pas de sanction, les sources de responsabilité paraissent nombreuses à première analyse :

– responsabilité pénale du professionnel si la substance est nuisible à la santé de l’homme

– responsabilité contractuelle ou délictuelle, si une faute est à l’origine d’un préjudice

– tromperie…

Les risques seront donc nombreux sur le plan juridique. Par exemple, matériaux labellisés verts répondant à une condition d’un cahier des charge d’un chantier public du BTP : si la déclaration environnementale est erronée, le risque de recours est important.

La question se pose tout de suite de savoir, dans un tel cas, comment le juge ou l’administration pourront apprécier la fiabilité de la déclaration, surtout en l’absence de tiers expert jusqu’ne 2017.

On peut d’ores et déjà recommander aux professionnels et à tous les acteurs concernés de lire très attentivement ces projets afin d’apprécier la faisabilité et l’efficacité concrète du dispositif (coût, avantages etc..).

La consultation sur le projet de dispositif est ouverte jusqu’au 10 mai 2013.

Liaison ferroviaire de l’aéroport Bâle-Mulhouse : le tribunal administratif de Strasbourg prescrit de compléter l’étude d’impact sur les zones humides

Liaison ferroviaire de l’aéroport Bâle-Mulhouse : le tribunal administratif de Strasbourg prescrit de compléter l’étude d’impact sur les zones humides

Par une décision du 7 avril 2025, le tribunal administratif de Strasbourg vient de juger que l’étude d’impact du projet de liaison ferroviaire vers l’aéroport de Bâle-Mulhouse, porté par les sociétés SNCF et EuroAirport (d’une longueur de 6 km et d’un coût estimé d’environ 400 millions d’euros), était partiellement insuffisante s’agissant de la délimitation des zones humides (TA Strasbourg, 7 avril 2025, 2206161).

En conséquence, le tribunal sursoit à statuer sur la demande des associations (notamment Alsace Nature) dirigée contre l’arrêté du 14 mars 2022 du préfet du Haut-Rhin portant déclaration d’utilité publique (DUP) du projet. Le juge fixe à l’Etat et au maître d’ouvrage un délai de 12 mois pour que l’étude d’impact environnemental soit complétée, via une procédure dite de régularisation. Ainsi, une fois le dossier complété, le tribunal réexaminera le recours.

  • Le jugement du 8 avril 2025 : insuffisance de l’étude d’impact sur la délimitation des zones humides

Le tribunal juge que les études ont négligé une part importante des zones humides impactées (42% selon l’avocat des associations) : « pour procéder au calcul de la superficie des zones humides, les maîtres d’ouvrage ont, à tort, fait une application cumulative des critères ‘habitats’ et ‘sols’, alors que ces critères sont alternatifs. L’étude d’impact est dès lors entachée d’inexactitude sur ce point » (consid. 12).

Le jugement laisse ainsi entendre que le diagnostic écologique du projet n’a pas pris en compte la nouvelle définition – plus exigeante – des zones humides, introduite par la loi du 24 juillet 2019 (art. L211-1 c. env. I, 1°). L’autorité environnementale recommandait déjà, dans son avis émis sur le projet le 22 janvier 2020, « de reprendre l’inventaire des zones humides selon la réglementation actuellement en vigueur » (p. 16).

Enfin, pour répondre à l’argumentation en défense de l’Etat, le tribunal souligne que « compte tenu de l’intérêt écologique particulier qui s’attache aux zones humides, et de la nécessité qui en découle de prévoir des mesures adaptées, » celles-ci doivent être prises en compte dès le stade de l’étude d’impact rattachée à la procédure de DUP (consid. 13), sans attendre donc l’étape ultérieure de l’autorisation environnementale.

  • Notre analyse et nos préconisations

1. Il est important de souligner que les compléments d’analyse de l’étude d’impact prescrits par le tribunal ne sont pas seulement destinés à régulariser un vice de forme. En effet, le jugement souligne explicitement que le tribunal réserve sa décision sur d’autres arguments soulevés par les requérants : « dès lors que la modification de la superficie des zones humides est susceptible d’avoir des conséquences sur d’autres aspects du projet, les moyens tirés de l’insuffisante évaluation des enjeux des milieux naturels […], de l’insuffisance du bilan environnemental et des mesures compensatoires, et de l’utilité publique du projet, doivent être réservés jusqu’en fin d’instance. » (consid. 18).

Il est déroutant que le communiqué de presse du tribunal semble contredire le jugement sur ce dernier point, en indiquant « Le tribunal n’a pas remis en cause le caractère d’utilité publique du projet, constatant que la nécessité d’améliorer l’accès à l’aéroport répondait à une finalité d’intérêt général et n’emportait pas de conséquences économiques, environnementales et sociales excessives ». Car, en réalité, le tribunal confirme l’utilité publique du projet dans un second jugement rendu le même jour, en réponse aux arguments soulevés par la commune suisse d’Allschwil (TA Strasbourg, 7 avril 2025, 2203304).

Nonobstant, le juge souligne que la régularisation ne garantit pas le rejet du recours dans le cadre de l’audience de réexamen qui interviendra en 2026.

2. En ce sens, il peut être fait mention d’une autre décision récente rendue par la Cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 3 avril 2025, 20NC00801). Dans cette affaire, le juge administratif a annulé l’autorisation environnementale d’un projet éolien d’envergure (63 éoliennes sur 7 communes) malgré la régularisation des vices relevés par la même juridiction, trois ans auparavant, s’agissant de l’absence d’avis indépendant de l’autorité environnementale. En définitive, le juge annule le projet sur la base de nouveaux vices révélés par l’avis obtenu durant le délai de régularisation (à savoir saturation du paysage et effet d’écrasement).

3. Bien que le mécanisme de régularisation en cours d’instance contribue à la sécurité des projets, ces décisions des juridictions du fond illustrent qu’il constitue plutôt une « seconde chance », sans garantie. Elles soulignent également l’importance du respect de la procédure (complétude de l’étude d’impact, prise en compte autant que possible de l’avis de l’autorité environnementale s’agissant de l’évaluation exhaustive des impacts environnementaux).

Ainsi, si les normes ou les règles de l’art évoluent dans le cadre de l’instruction et qu’elles peuvent influer l’impact environnemental de l’opération, alors il appartient au maître d’ouvrage de les prendre en compte dans le cadre de mise à jour des études. D’ailleurs, dans ce cas de figure, le promoteur peut toujours opter pour la « régularisation spontanée », c’est-à-dire régulariser son dossier de sa propre initiative, sans attendre la décision du juge (CE 22 sept. 2014, SIETOM, n° 367889).

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

En France, la valorisation des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers) est courante, notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Elle est notamment encadrée par un arrêté ministériel et un guide technique d’application.

En revanche, en Suisse, la législation fédérale impose l’enfouissement des mâchefers, alors que les espaces disponibles pour le stockage empiètent sur les terres agricoles et, donc, la souveraineté alimentaire.

Un récent arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023) juge que l’obligation de solidarité des cantons ne leur permet pas de rechercher seuls des solutions innovantes et plus vertueuses.

Les mâchefers d’incinération de déchets ménagers

L’incinération des déchets ménagers répond aux enjeux de l’économie circulaire. Elle doit être privilégiée à l’enfouissement, selon la hiérarchie des modes de traitement des déchets (réduire, réutiliser, recycler).

Cependant, ce mode de traitement génère des mâchefers, c‘est à dire des résidus d’incinération. Ils représentent un peu moins de 20% des déchets incinérés, soit de l‘ordre de 3 millions/tonnes de mâchefers/an en France (pour 120 centrales traitant 14,5 millions de tonnes de déchets/an) et 700 000 tonnes/an en Suisse (pour 30 centrales traitant 4 millions de tonnes de déchets/an).

En Europe, les usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) suisses sont réputées pour leur modernités et leurs performances, notamment en termes de rejets. Pourtant, alors que les mâchefers peuvent être avantageusement valorisés, notamment dans les travaux publics, la loi fédérale suisse (Ordonnance dite « OLED » du 4 décembre 2015), impose leur élimination en décharge.

Dans le canton de Genève, suite à a l’opposition des habitants suscitée face à un projet de création de nouvelle décharge pour stocker des mâchefers sur une zone agricole, une initiative cantonale a prôné le recyclage de ces déchets comme alternative à l’enfouissement.

L’arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024

Toutefois, dans un arrêt rendu le 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023), le Tribunal fédéral a confirmé le jugement de première instance et annulé cette initiative pour deux motifs principaux :

  • la compétence en matière environnementale relève de la Confédération et non des cantons, ce qui limite la marge de manœuvre cantonale dans ce domaine (point 2.3.5 de l’arrêt)
  • la loi fédérale de protection de l’environnement impose aux cantons de collaborer pour planifier la gestion et l’élimination des déchets au-delà de leurs frontières. Cette obligation implique une participation active et constructive à la recherche de solutions communes dans le cadre de la loi (point 2.3.4 de l’arrêt)

En d’autres termes, seul un accord l’échelon confédéral peut permettre la valorisation des mâchefers d’incinération de déchets ménagers plutôt que leur enfouissement.

Cette situation rappelle les tensions en France liées aux arrêtés municipaux « anti-OGM ». Le juge administratif avait alors rappelé que la police des OGM relève de la police spécial de l’État et que le principe de précaution ne permet pas au maire d’excéder ses compétences (CE, 24 septembre 2012, 342990, Publié au Recueil Lebon).

Une modification à venir du cadre légal fédéral ?

Suite à l’arrêt rendu par le tribunal fédéral suisse, le Conseil d’État genevois (organe exécutif cantonal) a mis en avant, dans un rapport du 4 novembre 2024, la nécessité de recourir à des « procédés innovants » pour valoriser les mâchefers. Il souligne que cette initiative cantonale pourrait constituer une expérimentation visant à « démontrer à la Confédération le bien-fondé de la modification du cadre légal fédéral ». Cette évolution règlementaire serait destinée à permettre :

  • une plus grande valorisation des mâchefers et, par conséquent, la réduction des volumes de déchets enfouis
  • tout en maîtrisant les risques environnementaux et en respectant le principe de coopération intercantonale.

La France peut à ce titre se prévaloir de déjà disposer d’un cadre juridique permettant la valorisation complète des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers), notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Cette pratique est notamment encadrée par un arrêté ministériel du 18 novembre 2011 et un guide technique d’application du Cerema.

Les professionnels du secteur sont représentés en France par l’Association Nationale pour l’utilisation des Graves de Mâchefers en travaux publics (ANGM) et en Europe, par la Fédération internationale du recyclage (FIR), tout particulièrement son groupe « Incinerator bottom ash ».

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Par deux jugements du 3 décembre 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les recours dirigés contre un projet de centrale solaire de 20 MW situé en région Nouvelle Aquitaine (TA Limoges, 3 décembre 2024, 2101881, 2101882 et 2101873). Le développeur du projet était défendu par le cabinet Altes.

Le tribunal a jugé que le projet respectait la réglementation locale d’urbanisme (1) et qu’il n’engendrait pas d’impact environnemental ou paysager (2).

1/ La centrale solaire respecte la réglementation d’urbanisme

Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que le préfet est compétent pour délivrer les autorisations d’urbanisme pour les ouvrages de production d’énergie (art. L422-2, b. du code de l’urbanisme). Parallèlement, la commune ou l’intercommunalité est compétente pour fixer la réglementation d’urbanisme.

1.1. Pas d’illégalité du PLU

Les requérants invoquaient l’« exception d’illégalité » de la règle du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune autorisant des « constructions industrielles concourant à la production d’énergie (centrale solaire PV…) » dans un secteur dédié aux activités sportives, touristiques et de loisir.

Le juge a écarté ce moyen en considérant que le développement des énergies renouvelables n’était pas incompatible avec la promotion de ces activités.

1.2. Pas d’obligation de sursis à statuer en attendant le nouveau PLU en cours d’élaboration

Les requérants reprochaient au préfet de ne pas avoir sursis à statuer sur la demande de permis. Cette possibilité prévue par le code de l’urbanisme (articles L. 153-11 et L. 424-1), concerne le cas où un projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU.

Le juge exerce un contrôle restreint sur l’utilisation ou non de cette faculté, limitée à l’erreur manifeste d’appréciation (voir en ce sens CE, 26 janv. 1979, n° 01485).

Le tribunal juge sur ce point que le seul projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du futur PLU ne justifiait pas un sursis à statuer au regard de son contenu : « eu égard à leur portée et à leur caractère général et en l’absence de zonage les concrétisant, les orientations précitées du PADD ne peuvent être regardées comme traduisant un état d’avancement du projet de plan local d’urbanisme suffisant à fonder une décision de sursis, compte tenu de la localisation du projet en litige ».

Il a sur ce point confirmé la jurisprudence selon laquelle un sursis ne peut être pris que si le projet de PLU forme une quasi-norme, formalisée et décantée (voir en ce sens CE, 9 déc. 1988, n° 68286 ; CE, 21 avril 2021, n°437599, conclusions du RP ; et aussi par ex. CAA Bordeaux, 9 juill. 2020, n° 19BX00571). Ainsi, l’exécution du PADD n’étant pas compromise ou rendue plus onéreuse, le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

2/ La centrale solaire n’emporte aucun impact environnemental ou paysager sur le golf voisin

Les requérants contestaient enfin les impacts du projet sur l’environnement (art. R. 111-26 du code de l’urbanisme). Cependant, le tribunal juge que la localisation du projet dans une zone agricole non artificialisée ne permet pas d’établir des atteintes à l’environnement.

Les autres impacts présumés sur le paysage (art. R. 111-27), notamment un impact visuel sur un golf voisin, des risques liées aux retombées de balles, des impacts sur le drainage du terrain, ainsi qu’une dépréciation de la valeur du golf ne sont pas matériellement démontrés, d’autant plus que le projet répond efficacement à chacun de ces présumés impacts, notamment grâce à la topographie et des mesures d’insertion.

Ces jugements constituent un signal encourageant pour le développement des énergies renouvelables, même dans un contexte local parfois éprouvant. Ils démontrent également l’importance de la coordination entre le préfet et la commune dans le processus de délivrance des permis des installations de production d’énergie. Ainsi que, au besoin, l’utilité d’un accompagnement juridique des promoteurs pour limiter le risque d’annulation.

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