Le Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie vient de diffuser un important projet de décret réglementant l’affichage environnemental des produits destinés au bâtiment et mis sur le marché. Il s’agit de garantir que les produits étiquetés « verts » le méritent.
Le dispositif généralise le principe d’une information fiable sur l’impact des biens, produits et emballages. Il répond à une forte demande des consommateurs, parfois circonspects devant la multiplication des labels verts.
II répond également à la préoccupation de lutter contre l’obsolescence programmée dès lors que la déclaration environnementale devra préciser la durée de vie du produit.
C’est une première étape vers l’éco-label unique.
Avec le projet de décret qui vient d’être diffusé, il a été fait le choix de réglementer dans un premier temps les produits destinés au bâtiment.
Dès lors qu’une communication à caractère environnemental accompagnera la commercialisation d’un tel produit, le fabricant sera tenu de délivrer une déclaration environnementale (profil environnemental complet du produit basé sur l’analyse de son cycle de vie).
En cas de déclaration erronée, on peut d’ores et déjà envisager que des actions pour tromperie seront engagées.
i. Pourquoi une déclaration environnementale en cas d’affichage environnemental ?
Le nouveau dispositif est pris en application de la dite « Grenelle II » du 12 juillet 2010 qui a incorporé dans le Code de la consommation un 10° à l’article L. 214-1. Selon cet article, un décret devra énumérer les exigences de précision, de vérification et de prise en compte du cycle de vie d’un produit dès lors que la commercialisation de ce produit s’accompagne d’allégations à caractère environnemental.
L’objectif est :
- de veiller à ce que l’information sur l’impact environnemental (réchauffement climatique et consommation de ressources) des biens, produits et emballages délivrée aux consommateurs soit fiable (sincère et objective) ;
- d’instaurer une concurrence non biaisée entre les fabricants des produits.
En d’autres termes, il s’agit de garantir que les produits étiquetés « verts » le méritent.
ii. Quelles obligations ?
Selon le projet de décret, le responsable de la mise sur le marché de produits comportant des allégations à caractère environnemental ou utilisant les termes de développement durable ou ses synonymes, présentées sur les produits ou accompagnant leur commercialisation (mentions sur les emballages, publications, publicité, télémercatique, insertions sur supports numériques ou électroniques) doit établir une déclaration environnementale.
L’obligation s’impose donc également au reporting environnemental des entreprises.
La déclaration environnementale fera l’objet, à partir de 2017, d’une vérification par tierce partie indépendante portant sur le respect des modalités de mise en œuvre de la déclaration environnementale fixées par arrêté.
iii. Qu’est-ce qu’une allégation à caractère environnemental ?
Le texte ne reprend pas l’expression d’affichage environnemental mais d’allégation à caractère environnemental.
On doit cependant par précaution considérer que cette formule a une portée très large : par exemple la recyclabilité du produit, ses impacts sur les ressources naturelles (air, eau, sol, faune, flore, biodiversité, couche d’ozone, bruit, énergie, déchets, émissions polluantes, empreinte écologique…)
Elle a vocation a s’appliquer à tous les produits labellisés « eco » quelquechose, avec logo vert etc…
iv. Sur quoi devra porter la déclaration environnementale ?
La déclaration environnementale à établir pourra porter sur les aspects environnementaux imputables au produit au cours de son cycle de vie, à savoir :
– consommation des ressources,
– déchets solides valorisés ou éliminés,
– changement climatique,
– acidification atmosphérique,
– pollution de l’air ou de l’eau,
– formation d’ozone photochimique,
– eutrophisation.
On notera que la santé publique ne figure pas directement parmi les aspects à contrôler.
v. A quels secteurs s’appliquera le dispositif ?
Le dispositif doit s’appliquer dès le 1er juillet 2013 pour tous les produits de construction et de décoration. Les équipements électriques, électroniques et de génie climatique n’y seront soumis qu’à partir de juillet 2017.
vi. Quels produits seront exonérés ?
La déclaration environnementale ne s’impose pas dans les cas suivants :
– le produit fait déjà l’objet d’une certification relative à des caractéristiques environnementales (par arrêté ministériel) respectant les exigences définies et les allégations environnementales accompagnant le produit sont celles prévues par la certification ;
– le produit satisfait aux exigences d’une autre réglementation concernant un ou plusieurs aspects environnementaux mentionnés et les allégations environnementales accompagnant le produit sont celles prévues par la réglementation.
Il faudra examiner au cas par cas si ces éxonérations s’appliquent.
vii. Que doit contenir la déclaration environnementale
C’est la que cela se corse pour les fabricants…
Selon l’article 3 du projet d’arrêté ministériel accompagnant le projet de décret, la déclaration environnementale contient les informations suivantes :
1° les valeurs, pour le total cycle de vie et pour l’étape de production, l’étape du processus de construction, l’étape d’utilisation et l’étape de fin de vie, des indicateurs suivants :
– décrivant les impacts environnementaux :
– réchauffement climatique
– appauvrissement de la couche d’ozone
– acidification des sols et de l’eau
– eutrophisation
– formation d’ozone photochimique
– épuisement des ressources abiotiques – éléments
– épuisement des ressources abiotiques – combustibles fossiles
– pollution de l’eau
– pollution de l’air
– décrivant l’utilisation des ressources :
– utilisation de l’énergie primaire renouvelable, à l’exclusion des ressources d’énergie primaire renouvelables utilisées comme matières premières
– utilisation des ressources d’énergie primaire renouvelables utilisées en tant que matières premières
– utilisation totale des ressources d’énergie primaire renouvelables (énergie primaire et ressources d’énergie primaire utilisées comme matières premières)
– utilisation de l’énergie primaire non renouvelable, à l’exclusion des ressources d’énergie primaire non renouvelables utilisées comme matières premières
– utilisation des ressources d’énergie primaire non renouvelables utilisées en tant que matières premières
– utilisation totale des ressources d’énergie primaire non renouvelables (énergie primaire et ressources d’énergie primaire utilisées comme matières premières)
– utilisation de matière secondaire
– utilisation de combustibles secondaires renouvelables
– utilisation de combustibles secondaires non renouvelables
– utilisation nette d’eau douce
– décrivant les catégories de déchets :
– déchets dangereux éliminés
– déchets non dangereux éliminés
– déchets radioactifs éliminés
– décrivant les flux sortants :
– composants destinés à la réutilisation
– matériaux destinés au recyclage
– matériaux destinés à la récupération d’énergie
– énergie fournie à l’extérieur.
2° en option, les valeurs des mêmes indicateurs portant sur les bénéfices et charges au-delà des frontières du système,
3° l’unité fonctionnelle du produit,
4° la durée de vie du produit,
5° la description des produits constitutifs de l’unité fonctionnelle (quantité de produit principal, quantité d’emballages, quantité de produits complémentaires liés à la mise en
œuvre),
6° en option, le domaine d’application du produit
7° le produit couvert par la déclaration environnementale : famille, description(s) ou désignation(s) commerciale(s), nom(s) ou désignation du (des) responsable(s) de la mise sur le marché,
8° la date de la déclaration environnementale,
9° le cas échéant, le certificat de vérification et les coordonnées du vérificateur ayant effectué la vérification par tierce partie indépendante mentionnée à l’article 7 du décret __ susvisé,
– 10° les coordonnées du déclarant,
– 11° l’adresse du site Internet où ces informations sont consultables gratuitement
Le déclarant doit en outre être en mesure de fournir aux autorités chargées des contrôles et du vérificateur indépendant l’ensemble des éléments, ou les coordonnées des personnes physiques ou morales détentrices de ces éléments, permettant de justifier les informations contenues dans la déclaration environnementale, notamment :
– l’origine des matières premières, matériaux et composants du produit,
– l’identification des intrants non inclus dans l’inventaire du cycle de vie en respect de la
règle de coupure,
– les résultats des calculs d’inventaires,
– les éléments justificatifs de la durée de vie du produit,
– en cas de recours à des données génériques issues de bases de données publiques ou privées, la documentation relative à la représentativité technologique, géographique et temporelle des données génériques utilisées, les références des bases dont elles sont issues
et les références des modules de données utilisés,
– la masse totale des intrants non inclus dans l’inventaire du cycle de vie en respect de la règle de coupure,
– les scenarii dont découle l’inventaire du cycle de vie,
– le(s) site(s) de production couvert(s) par la déclaration environnementale,
– la production de chaque site exprimée avec l’unité de quantité définie dans l’unité fonctionnelle,
– en cas de recours à une méthode d’échantillonnage, les éléments justifiant que l’échantillon utilisé est représentatif, notamment d’un point de vue géographique, temporelle et technologique, de la production du produit mise sur le marché français,
– les éléments constitutifs du cadre de validité de la déclaration collective mentionné à l’article 10.
viii. Quelles sanctions sont prévues en l’absence de déclaration environnementale ou en cas de déclaration erronée ?
C’est tout le sujet car la force de la loi dépend des conditions de la sanction de sa méconnaissance.
Or, si le projet de décret ne prévoit en tant que tel pas de sanction, les sources de responsabilité paraissent nombreuses à première analyse :
– responsabilité pénale du professionnel si la substance est nuisible à la santé de l’homme
– responsabilité contractuelle ou délictuelle, si une faute est à l’origine d’un préjudice
– tromperie…
Les risques seront donc nombreux sur le plan juridique. Par exemple, matériaux labellisés verts répondant à une condition d’un cahier des charge d’un chantier public du BTP : si la déclaration environnementale est erronée, le risque de recours est important.
La question se pose tout de suite de savoir, dans un tel cas, comment le juge ou l’administration pourront apprécier la fiabilité de la déclaration, surtout en l’absence de tiers expert jusqu’ne 2017.
On peut d’ores et déjà recommander aux professionnels et à tous les acteurs concernés de lire très attentivement ces projets afin d’apprécier la faisabilité et l’efficacité concrète du dispositif (coût, avantages etc..).
La consultation sur le projet de dispositif est ouverte jusqu’au 10 mai 2013.