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La République peut subventionner les cultes… pour les convertir aux énergies renouvelables

par | 28 Nov 2012

benoitconxolus.jpgA l’occasion de trois savoureux arrêts, le Conseil d’Etat vient de trancher la curieuse question de savoir si les cultes peuvent bénéficier de subventions publiques favorisant le développement des énergies renouvelables.

L’ADEME et le Conseil Régional de Bourgogne avaient invoqué la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat pour refuser de subventionner des abbayes de moines bénédictins souhaitant financer une chaufferie-bois.

Considérant que les chaudières à bois ne sont pas destinées au culte, le Conseil d’Etat annule les refus de subventions (CE, 26 novembre 2012, req. n° 344.284, 344.378 et 344.379).

Il est donc permis de subventionner de associations ayant des activités cultuelles pour les convertir aux énergie renouvelables. Décryptage.

i. Le principe de laïcité : La République ne peut pas subventionner les cultes

Le principe de laïcité, qui est une spécificité française, est un fondement essentiel de la République. A défaut de définition dans la Constitution, il est inscrit dans la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.

Les principes de la loi de 1905 sont strictes :

« La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public » (article 1er)

« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. (…) » (article 2)

De même, à l’exception des sommes allouées pour la réparation des édifices affectés au culte public, l’Etat, les département et les communes ne peuvent pas subventionner sous quelque forme que ce soit les associations cultuelles (article 19).

C’est dans ce contexte que l’ADEME, d’une part, et le Conseil régional de Bourgogne d’autre part ont été amenés à rejeter les demandes de trois abbayes de moines bénédictins souhaitant bénéficier du programme de subvention «  plan bois-énergie 2000-2006 », destiné à développer la production et l’utilisation d’énergie renouvelable dans le cadre d’aide à l’installation de chaudières à bois collectives.

Les moines ont porté l’affaire devant les tribunaux, jusque devant le Conseil d’Etat qui, à l’occasion de cette procédure, fixe les limites aux principes de la loi de 1905.

ii. Quelles limites à la loi de 1905 ?

Avant de répondre à la question posée, le Conseil d’Etat fixe les limites de l’interdiction de subvention sous quelque forme que ce soit aux associations cultuelles.

1. Il est interdit à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités locales «  d’apporter une aide quelconque à une manifestation qui participe de l’exercice d’un culte »

2. Ces mêmes acteurs publics «  ne peuvent accorder une subvention à une association qui, sans constituer une association cultuelle au sens du titre IV de la même loi, a des activités cultuelles, qu’en vue de la réalisation d’un projet, d’une manifestation ou d’une activité qui ne présente pas un caractère cultuel et n’est pas destiné au culte et à la condition, en premier lieu, que ce projet, cette manifestation ou cette activité présente un intérêt public local et, en second lieu, que soit garanti, notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet, de cette manifestation ou de cette activité et n’est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l’association » (CE, 26 novembre 2012, req. n° 344.284, 344.378 et 344.379).

Ainsi, selon les principes fixés par la jurisprudence, les personnes publiques peuvent subventionner des associations, quand bien même elles ont des activités cultuelles, dans les conditions cumulatives suivantes :

– le projet ne présente pas un caractère cultuel et n’est pas destiné au culte ;

– il présente un intérêt public ;

– un contrat garanti que la subvention sera exclusivement affectée au financement dudit projet.

iii. Les énergies renouvelables : nouvelle pierre angulaire de la République ?

Le Conseil d’Etat en déduit qu’une communauté de moines bénédictins peut bénéficier du programme de subvention «  plan bois-énergie 2000-2006 » de l’ADEME, destiné à développer la production et l’utilisation d’énergie renouvelable dans le cadre d’aide à l’installation de chaudières à bois collectives.

En effet, une chaufferie-bois ne présente pas un intérêt cultuel et n’est pas destinée au culte.

On peut donc en déduire que le juge administratif apprécie le critère de la non-destination au culte de manière directe et pas indirecte (ou en langage plus juridique, selon la théorie de la causalité adéquate et non celle de l’équivalence des conditions).

L’histoire ne dit cependant pas si la chaufferie est destinée à alimenter une brasserie artisanale ni si le chauffage est contraire aux vœux de chasteté et de pauvreté inscrits dans la règle de Saint Benoit, patriarche des moines d’Occident.

En définitive, il est permis de subventionner de associations ayant des activités cultuelles pour les convertir aux énergie renouvelables. 

Du point de vue des EnR, ces subventions permettent de combattre le « culte » des énergies fossiles et du nucléaire. Voilà qui pourrait par exemple réconcilier les clochers et les éoliennes.

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Pour être valable, une marque doit être distinctive, c’est-à-dire permettre aux clients de reconnaître les produits ou services proposés sous cette marque, de ceux des autres entreprises.

Si le signe déposé à titre de marque est dépourvu de caractère distinctif en lui-même (par exemple : la marque est trop descriptive), ce caractère distinctif peut être acquis par l’usage. S’agissant d’une marque de l’Union Européenne (UE), cet usage doit avoir lieu au sein de l’UE, être ancien et suffisamment important pour que le signe utilisé soit perçu directement par le consommateur comme étant une marque.

Si ce principe est simple sur un plan théorique, dans la pratique, la preuve de l’existence de ce caractère distinctif acquis par l’usage est difficile à établir, comme l’illustre l’arrêt du Tribunal de l’Union Européenne (TUE), du 12 octobre 2022, qui a refusé de consacrer l’acquisition par l’usage du caractère distinctif de la marque sur le motif à damier de la pourtant célèbre maison Louis Vuitton.

En l’espèce, en 2015, un citoyen polonais avait saisi la division d’annulation de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO, à l’époque OHMI) d’une demande en nullité de la marque de l’UE déposée par Louis Vuitton.

La division d’annulation avait fait droit à la demande en annulant la marque, annulation confirmée par la Chambre des recours, considérant que le motif à damier ne constituait pas un caractère distinctif intrinsèque, ni qu’il avait été acquis par l’usage, dès lors que Louis Vuitton ne rapportait pas la preuve de cette acquisition dans six pays de l’UE (en l’occurrence six pays d’Europe de l’Est). Le TUE a validé ce raisonnement, et ainsi, confirmé l’annulation de la marque de Louis Vuitton.

Il a considéré d’une part, que « le motif à damier est un motif figuratif basique et banal,(…) (il) ne comporte ainsi aucune variation notable par rapport à la représentation conventionnelle de damiers et coïncide avec le modèle traditionnel d’un tel motif », le rendant donc dénué de toute distinctivité intrinsèque et d’autre part, que le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque « doit être démontré dans l’ensemble de ce territoire, et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité du territoire de l’Union », ce qui n’est pas le cas ici.

Cette décision n’est pas étonnante, l’EUIPO apprécie de manière très stricte l’acquisition du caractère distinctif d’une marque de l’UE par l’usage.

Source :

TUE, 19 oct. 2022, aff. T-275/21, Louis Vuitton Malletier c./ Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

Référence de l’image : Marque internationale n°986207 déposée par Louis Vuitton Malletier (Data.inpi.fr)

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Dans un arrêt du 12 octobre 2022, la Cour d’appel de Paris a prononcé la déchéance partielle de marques patronymiques en raison de l’usage trompeur fait par leur titulaire. La Cour a également jugé que la garantie d’éviction ne rend pas irrecevable la demande reconventionnelle en déchéance par le cédant.

En l’espèce le créateur Jean-Charles Castelbajac avait cédé les marques JC de CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC à la société PMJC. Cette dernière l’a attaqué pour contrefaçon car le créateur utilise aujourd’hui son nom patronymique pour promouvoir son activité, notamment sur son site internet.

La Cour a jugé que le créateur usait simplement de sa liberté de présenter ses activités sous son nom et avec sa signature et qu’aucun acte de contrefaçon n’était caractérisé.

En revanche, la Cour a partiellement donné raison à monsieur Castelbajac, qui avait formé une demande reconventionnelle en déchéance de ces marques pour usage trompeur. En effet il reprochait entre autres, à la société PMJC d’induire les consommateurs en erreur, en leur faisant croire que les produits commercialisés sous ces deux marques avaient été conçus par lui ou sous sa direction artistique, alors que ce n’était pas le cas.

Si cette décision est en faveur du créateur, la Cour de Cassation pourrait être saisie d’un pourvoi et donner une interprétation différente concernant la déchéance d’une marque patronymique devenue trompeuse du fait de son titulaire.

Cette décision fait écho aux célèbres jurisprudences en la matière : Ines de la Fressange, Cass. com., 31 janv.2006 et Bordas, Cass. com., 12 mars 1985.

Source :

Déchéance partielle de marques composées du nom patronymique d’un créateur en raison de l’usage trompeur par leur cessionnaire | INPI PIBD ;

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 12/10/22, 20/11628 (M20220269) PMJC SAS c. Jean-Charles C, LouisMarie C et Castelbajac Creative SAS (inpi.fr)

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

L’Afep-Medef s’est doté, en décembre 2022, d’un nouveau Code de gouvernance plaçant la stratégie RSE, notamment en matière climatique, au cœur des missions des Conseils d’administration.

La stratégie RSE : une mission essentielle du Conseil d’administration

Le code s’enrichit ainsi d’une nouvelle recommandation, intitulée « Le conseil d’administration et la responsabilité sociale et environnementale ».

Il appartiendra désormais au Conseil d’administration de déterminer les orientations stratégiques pluriannuelles en matière de RSE et à la direction de l’entreprise de présenter les modalités de mise en œuvre de cette stratégie avec un plan d’action et l’horizon de temps dans lequel ces actions seront menées.

Les dirigeants devront informer annuellement le Conseil d’administration des résultats obtenus au dans le cadre de la stratégie RSE préalablement définie.

En matière climatique, cette stratégie devra identifier des objectifs précis, selon des échelles de temps. Les résultats obtenus devront être examinés annuellement par le Conseil d’administration, qui pourra adapter les objectifs et les actions en fonction de l’évolution des technologies et de la situation de l’entreprise ainsi que de ses capacités à mettre en œuvre les mesures préconisées.  

La stratégie et les actions engagées devront être présentés aux actionnaires, au moins tous les trois ans, lors d’une assemblée générale ordinaire.

Assortie d’une formation spécifique aux enjeux climatiques

Afin de faciliter la mise en place d’une stratégie RSE et conformément à la pratique soulignée par l’AMF(Autorité des Marchés Financiers) dans son rapport 2022, le nouveau code de gouvernance Afep-Medef  préconise que ces sujets soient examinés en amont du conseil d’administration, par des comités spécialisés (Comités RSE), dont la composition est librement définie par les entreprises.

De plus, la formation complémentaire des administrateurs à la RSE devra comporter un volet spécifiquement dédié aux enjeux climatiques.

Qui devra être intégrée dans la rémunération des dirigeants

D’après le communiqué de presse de l’Afep-Medef, l’intégration, dans la détermination de la rémunération des dirigeants, de critères RSE précis et reflétant les enjeux sociaux et économiques les plus importants pour l’entreprise constituerait un levier puissant pour porter ces préoccupations au premier plan.

Les critères quantifiables doivent être privilégiés et l’un d’entre eux au moins doit être lié aux objectifs climatiques de l’entreprise.

A titre d’exemple, et comme le souligne l’AMF, l’indicateur quantifiable peut être fondé sur le taux de réduction des émissions carbone résultant de l’activité de la société par employé.

Une simple référence à l’application d’une politique RSE ou à des enjeux généraux est insuffisante.

Et mise en place rapidement

Face aux enjeux et même si ces nouvelles recommandations ne s’appliqueront qu’aux assemblées statuant sur les comptes des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023 (en pratique les assemblées tenues en 2024), l’Afep et le Medef recommandent aux Conseils d’administration de faire leurs meilleurs efforts pour les appliquer immédiatement.

Sources :

Code de gouvernance Afep-Medef décembre 2022 www.medef.com

Rapport AMF 2022

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