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Les déchets peuvent devenir des produits : le décret est publié

par | 3 Mai 2012

3R's.jpgLes déchets vont pouvoir devenir des produits !

Le très attendu décret sur la sortie de statut de déchet a été publié ce jour au Journal Officiel (décret n° 2012-602 du 30 avril 2012 relatif à la procédure de sortie du statut de déchet – JO du 4 avril 2012).

Nous avions déjà commenté le projet de décret diffusé en janvier 2012 par le Ministère de l’Environnement.

Pour garantir la sécurité des utilisateurs et la protection de l’environnement, le décret soumet les exploitants à une procédure de contrôle qualité propre aux produits.

Les exploitants transformant des déchets en produit peuvent dores et déjà préparer leurs dossiers de demande de sortie de statut de déchet. Les décisions pourront être prises par l’autorité compétente à compter du 1er octobre 2012 (entrée en vigueur du décret).

Le propre de l’Administration, est de continuer à assurer ses missions dans toutes les circonstances. Le Ministère de l’écologie et du développement durable (dont les fonctions de représentation sont assurées par le Premier Ministre) nous en apporte la meilleure preuve en publiant, entre les deux tours de l’élection présidentielle, le décret sur la sortie de statut de déchets.

Le texte était particulièrement attendu par les acteurs de la filière du traitement des déchets comme par les défenseur d’une économie circulaire soucieuse de réduire l’empreinte écologique de nos activités. Il va permettre de concrétiser la disposition la plus innovante de la directive cadre dite « Déchets » du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008.

Ce texte, transposé en droit interne par l’ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 prévoit que certains déchets cessent d’être des déchets lorsqu’ils ont subi une opération de valorisation ou de recyclage et répondent à des critères spécifiques.

Dans la société du développement durable, encore en construction, c’est une révolution. La sortie de statut de déchet (End of waste) va permettre à l’Europe et désormais à la France d’entrer dans la société du recyclage en adoptant les principes d’une économie circulaire.

Le décret n° 2012-602 du 30 avril 2012 relatif à la procédure de sortie du statut de déchet, pris pour l’application de l’article L.541-4-3 du Code de l’Environnement, introduit les dispositions pratiques de mise en œuvre de ces textes (dispositions codifiées aux articles D.541-6  et s. et D. 541-12 et s. du Code de l’environnement).

Il s’adresse aux exploitants d’installations de traitement de déchets et à l’administration.

i. Création de la commission consultative sur le statut de déchet

Outre la définition de la procédure de sortie de statut de déchet, le décret entérine la création de la commission consultative sur le statut de déchet, chargée de répondre aux questions parfois complexes soulevées par ce dispositif.

La Commission sur la sortie de statut de déchet peut être saisie par le ministre chargé de l’environnement de toute question portant sur le statut de déchet.

ii. Procédure de sortie de statut de déchet

Comme annoncé aux 11e Assises des déchets et dans le projet de décret, la décision  d’autoriser une sortie du statut de déchet relève de trois autorités distinctes :

a – Union européenne

Tout d’abord, le texte rappelle que des critères spécifiques de sortie de statut de déchet peuvent être fixés par l’article 6 paragraphe 2 de la directive cadre 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets. En revanche, si aucun critère n’est défini au niveau communautaire, ceux-ci pourront être fixés au niveau des Etats membres.

b –Niveau national

Toute personne qui souhaite que les déchets cessent d’être des déchets peut adresser une demande à l’autorité compétente, à savoir :

– le Préfet de Département lorsque la demande porte sur une installation de valorisation spécifique, ou ;

– le Ministre chargé de l’environnement, si la demande porte sur un type de déchet.

Le demandeur doit fournir à l’autorité compétente un dossier comprenant des informations permettant de déterminer que le déchet remplit les conditions de sortie de statut de déchet (les 4 critères prévus par l’article L.541-4-3 du Code de l’Environnement). Le demandeur propose également des critères permettant de vérifier le respect de ces conditions.

En retour, l’autorité compétente peut demander des informations supplémentaires au pétitionnaire. Elle peut notamment exiger, aux frais du demandeur, une analyse critique d’éléments du dossier par un organisme expert extérieur choisi en accord avec l’Administration. Ce mécanisme est déjà éprouvé pour les ICPE de type SEVESO.

Si la demande porte sur un déchet spécifique, valorisé dans une installation déterminée, les critères de sortie de statut de déchet seront fixés par arrêté préfectoral après avis conforme du ministre chargé de l’environnement.

En revanche, si la demande porte sur un type de déchet en général, les critères de sortie de statut de déchet seront fixés par arrêté ministériel (Ministre en charge de l’environnement) après avis de la Commission Consultative sur le statut de déchet.

Ces arrêtés s’imposeront de plein droit aux installations nouvelles et précisent les conditions dans lesquelles ils s’appliquent aux installations existantes. Ils pourront également prévoir des dispositions spécifiques d’adaptation aux circonstances locales.

Les critères de sortie de statut de déchet pourront être fixés pour une duré déterminée.

iii. Quelle coordination des procédures ?

Nous avions déjà relevé lors de la parution du projet décret en janvier 2012  qu’il n’est pas prévu à partir de quand une procédure européenne de sortie de statut de déchet pourrait dessaisir les autorités nationales (ministre) ou locales (préfet).

S’agira-ti-il du dépôt « officiel » d’une demande (mais sous quelle forme), d’une simple intention, par la France ou par un autre Etat membre, de quel moyens d’infirmations se dote-t-on pour le savoir ?

iv. Quel statut après celui de déchet ? Le produit soumis à un contrôle qualité

Des questions juridiques majeures sont appréhendées par le décret du 30 avril 2012 : Comment assurer en toute sécurité que l’exploitant de l’installation de recyclage, puis l’utilisateur du produit issu du déchet recyclé, ne soient pas être mis en cause en qualité de « détenteur » d’un déchet et, à ce titre, chargé de son élimination ?

A ce titre le décret du 30 avril 2012 prévoit que les exploitants d’installations de recyclage mettant en œuvre la procédure de sortie du statut de déchets doivent délivrer, pour chaque lot de substances ou objets qui ont cessé d’être des déchets, une attestation de conformité.

Ils transmettent cette attestation de conformité au « détenteur suivant ».  Ils en conservent une copie pendant au moins cinq ans. Cette copie est tenue à disposition des autorités compétentes (C. Env., nouvel art. D. 541-12-13).

Des arrêtés ministériels viendront définir le modèle et le contenu de cette attestation de conformité.

En outre, les exploitants des installations de recyclage de déchets en produits sont chargés d’appliquer « un système de gestion de la qualité couvrant les processus de contrôle des critères de sortie du statut de déchet ».

Là encore, un arrêté ministériel viendra définir le contenu de ce système de gestion de la qualité.

Il reste cependant à trancher la question – essentielle – de savoir si après avoir été soumis à la législation applicable aux déchets, les matériaux transformés en produits seront soumis à REACH…

Contrefaçon de marque : le dirigeant engage sa responsabilité personnelle (TJ Lyon, 7 janvier 2025, société Hermès Sellier)

Contrefaçon de marque : le dirigeant engage sa responsabilité personnelle (TJ Lyon, 7 janvier 2025, société Hermès Sellier)

En cas de faute « détachable » ou « séparable » de ses fonctions, le dirigeant social d’une société peut engager sa propre responsabilité civile tant à l’égard des tiers que de ses associés. Dans ce cas, la personnalité morale en droit des sociétés ne permet plus de faire écran entre son dirigeant et le monde extérieur.

Tel est le cas lorsque le dirigeant commet « intentionnellement une faute d’une gravité particulière incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions » (Cass. Com., 20 mai 2003, n°99-17.092). Au fil du temps, la Cour de cassation a consacré plusieurs hypothèses de faute détachable des fonctions (voir Cass. Com., 4 juillet 2006, n°15-13.930 pour le fait d’omettre sciemment le paiement d’une prime d’assurance automobile et d’avertir les salariés de la perte consécutive de garantie ; ou encore Cass. 3e civ., 5 déc. 2024, n° 22-22998, F-D, pour le défaut de souscription à une assurance construction obligatoire).

Dans un jugement du 7 janvier 2025, le Tribunal judiciaire de Lyon s’est prononcé sur un cas de responsabilité du dirigeant social pour des faits constituant la violation du droit d’auteur. Ce dernier commet une faute détachable de ses fonctions lorsque sa société réalise des produits contrefaits (TJ Lyon, 3e ch., 7 janvier 2025, 23/03036, société Hermès Sellier c/ Société YM).

La violation du droit d’auteur peut entraîner la responsabilité personnelle du dirigeant

En l’espèce, la société HERMES SELLIER avait constaté la commercialisation et la présentation par la société YM, gérée par Monsieur (D), de vêtements reproduisant les motifs de certains de ses célèbres carrés de soie dans une boutique. Après une mise en demeure restée infructueuse, et sur le fondement de la titularité de ses dessins, la société HERMES SELLIER a fait assigner la société YM et son dirigeant devant le Tribunal judiciaire de Lyon aux fins de faire juger que les produits commercialisés par la société YM constituaient des actes de contrefaçon résultant de la création d’une même impression d’ensemble et/ou reproduisant la combinaison originale des caractéristiques des dessins. À l’appui de ces revendications figurait notamment un procès-verbal de constat.

Le Tribunal judiciaire de Lyon, après avoir retenu la protection par le droit d’auteur des motifs SPACE DERBY, CHEVAL DE FÊTE et SELLE DES STEPPES, puis les actes de contrefaçon, confirme que lesdits actes engagent la responsabilité in solidum de la société et de son gérant.

Pour retenir la responsabilité du dirigeant, le Tribunal identifie plusieurs éléments constitutifs d’une faute séparable de ses fonctions : ses déclarations personnelles « selon lesquelles il a lui-même fait réaliser les produits contrefaisants à partir de photographies trouvées sur internet », le caractère peu contestable de l’argument selon lequel il n’avait pas connaissance de l’exploitation des motifs par la société HERMES SELLIER alors « qu’ont été reproduits trois motifs appartenant à la même collection printemps-été 2021, ainsi que leurs déclinaisons de couleurs »  puisqu’il avait été personnellement informé des droits revendiqués par la mise en demeure lui ayant été adressée, sans pour autant les avoir retirés « de sorte qu’il a laissé se poursuivre en connaissance de cause les actes de contrefaçon. ».

Il convient d’observer que la « taille très modeste de la société » n’a pas joué en sa faveur… Le demandeur ayant d’ailleurs souligné que Monsieur (D) était la seule personne travaillant pour la société, de sorte qu’il a personnellement commandé et mis en vente les vêtements incriminés.

Cette affaire souligne que le dirigeant ne peut ignorer les règles du droit de la propriété intellectuelle, tant leur maîtrise est aujourd’hui essentielle dans les pratiques commerciales.

Liaison ferroviaire de l’aéroport Bâle-Mulhouse : le tribunal administratif de Strasbourg prescrit de compléter l’étude d’impact sur les zones humides

Liaison ferroviaire de l’aéroport Bâle-Mulhouse : le tribunal administratif de Strasbourg prescrit de compléter l’étude d’impact sur les zones humides

Par une décision du 7 avril 2025, le tribunal administratif de Strasbourg vient de juger que l’étude d’impact du projet de liaison ferroviaire vers l’aéroport de Bâle-Mulhouse, porté par les sociétés SNCF et EuroAirport (d’une longueur de 6 km et d’un coût estimé d’environ 400 millions d’euros), était partiellement insuffisante s’agissant de la délimitation des zones humides (TA Strasbourg, 7 avril 2025, 2206161).

En conséquence, le tribunal sursoit à statuer sur la demande des associations (notamment Alsace Nature) dirigée contre l’arrêté du 14 mars 2022 du préfet du Haut-Rhin portant déclaration d’utilité publique (DUP) du projet. Le juge fixe à l’Etat et au maître d’ouvrage un délai de 12 mois pour que l’étude d’impact environnemental soit complétée, via une procédure dite de régularisation. Ainsi, une fois le dossier complété, le tribunal réexaminera le recours.

  • Le jugement du 8 avril 2025 : insuffisance de l’étude d’impact sur la délimitation des zones humides

Le tribunal juge que les études ont négligé une part importante des zones humides impactées (42% selon l’avocat des associations) : « pour procéder au calcul de la superficie des zones humides, les maîtres d’ouvrage ont, à tort, fait une application cumulative des critères ‘habitats’ et ‘sols’, alors que ces critères sont alternatifs. L’étude d’impact est dès lors entachée d’inexactitude sur ce point » (consid. 12).

Le jugement laisse ainsi entendre que le diagnostic écologique du projet n’a pas pris en compte la nouvelle définition – plus exigeante – des zones humides, introduite par la loi du 24 juillet 2019 (art. L211-1 c. env. I, 1°). L’autorité environnementale recommandait déjà, dans son avis émis sur le projet le 22 janvier 2020, « de reprendre l’inventaire des zones humides selon la réglementation actuellement en vigueur » (p. 16).

Enfin, pour répondre à l’argumentation en défense de l’Etat, le tribunal souligne que « compte tenu de l’intérêt écologique particulier qui s’attache aux zones humides, et de la nécessité qui en découle de prévoir des mesures adaptées, » celles-ci doivent être prises en compte dès le stade de l’étude d’impact rattachée à la procédure de DUP (consid. 13), sans attendre donc l’étape ultérieure de l’autorisation environnementale.

  • Notre analyse et nos préconisations

1. Il est important de souligner que les compléments d’analyse de l’étude d’impact prescrits par le tribunal ne sont pas seulement destinés à régulariser un vice de forme. En effet, le jugement souligne explicitement que le tribunal réserve sa décision sur d’autres arguments soulevés par les requérants : « dès lors que la modification de la superficie des zones humides est susceptible d’avoir des conséquences sur d’autres aspects du projet, les moyens tirés de l’insuffisante évaluation des enjeux des milieux naturels […], de l’insuffisance du bilan environnemental et des mesures compensatoires, et de l’utilité publique du projet, doivent être réservés jusqu’en fin d’instance. » (consid. 18).

Il est déroutant que le communiqué de presse du tribunal semble contredire le jugement sur ce dernier point, en indiquant « Le tribunal n’a pas remis en cause le caractère d’utilité publique du projet, constatant que la nécessité d’améliorer l’accès à l’aéroport répondait à une finalité d’intérêt général et n’emportait pas de conséquences économiques, environnementales et sociales excessives ». Car, en réalité, le tribunal confirme l’utilité publique du projet dans un second jugement rendu le même jour, en réponse aux arguments soulevés par la commune suisse d’Allschwil (TA Strasbourg, 7 avril 2025, 2203304).

Nonobstant, le juge souligne que la régularisation ne garantit pas le rejet du recours dans le cadre de l’audience de réexamen qui interviendra en 2026.

2. En ce sens, il peut être fait mention d’une autre décision récente rendue par la Cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 3 avril 2025, 20NC00801). Dans cette affaire, le juge administratif a annulé l’autorisation environnementale d’un projet éolien d’envergure (63 éoliennes sur 7 communes) malgré la régularisation des vices relevés par la même juridiction, trois ans auparavant, s’agissant de l’absence d’avis indépendant de l’autorité environnementale. En définitive, le juge annule le projet sur la base de nouveaux vices révélés par l’avis obtenu durant le délai de régularisation (à savoir saturation du paysage et effet d’écrasement).

3. Bien que le mécanisme de régularisation en cours d’instance contribue à la sécurité des projets, ces décisions des juridictions du fond illustrent qu’il constitue plutôt une « seconde chance », sans garantie. Elles soulignent également l’importance du respect de la procédure (complétude de l’étude d’impact, prise en compte autant que possible de l’avis de l’autorité environnementale s’agissant de l’évaluation exhaustive des impacts environnementaux).

Ainsi, si les normes ou les règles de l’art évoluent dans le cadre de l’instruction et qu’elles peuvent influer l’impact environnemental de l’opération, alors il appartient au maître d’ouvrage de les prendre en compte dans le cadre de mise à jour des études. D’ailleurs, dans ce cas de figure, le promoteur peut toujours opter pour la « régularisation spontanée », c’est-à-dire régulariser son dossier de sa propre initiative, sans attendre la décision du juge (CE 22 sept. 2014, SIETOM, n° 367889).

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

En France, la valorisation des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers) est courante, notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Elle est notamment encadrée par un arrêté ministériel et un guide technique d’application.

En revanche, en Suisse, la législation fédérale impose l’enfouissement des mâchefers, alors que les espaces disponibles pour le stockage empiètent sur les terres agricoles et, donc, la souveraineté alimentaire.

Un récent arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023) juge que l’obligation de solidarité des cantons ne leur permet pas de rechercher seuls des solutions innovantes et plus vertueuses.

Les mâchefers d’incinération de déchets ménagers

L’incinération des déchets ménagers répond aux enjeux de l’économie circulaire. Elle doit être privilégiée à l’enfouissement, selon la hiérarchie des modes de traitement des déchets (réduire, réutiliser, recycler).

Cependant, ce mode de traitement génère des mâchefers, c‘est à dire des résidus d’incinération. Ils représentent un peu moins de 20% des déchets incinérés, soit de l‘ordre de 3 millions/tonnes de mâchefers/an en France (pour 120 centrales traitant 14,5 millions de tonnes de déchets/an) et 700 000 tonnes/an en Suisse (pour 30 centrales traitant 4 millions de tonnes de déchets/an).

En Europe, les usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) suisses sont réputées pour leur modernités et leurs performances, notamment en termes de rejets. Pourtant, alors que les mâchefers peuvent être avantageusement valorisés, notamment dans les travaux publics, la loi fédérale suisse (Ordonnance dite « OLED » du 4 décembre 2015), impose leur élimination en décharge.

Dans le canton de Genève, suite à a l’opposition des habitants suscitée face à un projet de création de nouvelle décharge pour stocker des mâchefers sur une zone agricole, une initiative cantonale a prôné le recyclage de ces déchets comme alternative à l’enfouissement.

L’arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024

Toutefois, dans un arrêt rendu le 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023), le Tribunal fédéral a confirmé le jugement de première instance et annulé cette initiative pour deux motifs principaux :

  • la compétence en matière environnementale relève de la Confédération et non des cantons, ce qui limite la marge de manœuvre cantonale dans ce domaine (point 2.3.5 de l’arrêt)
  • la loi fédérale de protection de l’environnement impose aux cantons de collaborer pour planifier la gestion et l’élimination des déchets au-delà de leurs frontières. Cette obligation implique une participation active et constructive à la recherche de solutions communes dans le cadre de la loi (point 2.3.4 de l’arrêt)

En d’autres termes, seul un accord l’échelon confédéral peut permettre la valorisation des mâchefers d’incinération de déchets ménagers plutôt que leur enfouissement.

Cette situation rappelle les tensions en France liées aux arrêtés municipaux « anti-OGM ». Le juge administratif avait alors rappelé que la police des OGM relève de la police spécial de l’État et que le principe de précaution ne permet pas au maire d’excéder ses compétences (CE, 24 septembre 2012, 342990, Publié au Recueil Lebon).

Une modification à venir du cadre légal fédéral ?

Suite à l’arrêt rendu par le tribunal fédéral suisse, le Conseil d’État genevois (organe exécutif cantonal) a mis en avant, dans un rapport du 4 novembre 2024, la nécessité de recourir à des « procédés innovants » pour valoriser les mâchefers. Il souligne que cette initiative cantonale pourrait constituer une expérimentation visant à « démontrer à la Confédération le bien-fondé de la modification du cadre légal fédéral ». Cette évolution règlementaire serait destinée à permettre :

  • une plus grande valorisation des mâchefers et, par conséquent, la réduction des volumes de déchets enfouis
  • tout en maîtrisant les risques environnementaux et en respectant le principe de coopération intercantonale.

La France peut à ce titre se prévaloir de déjà disposer d’un cadre juridique permettant la valorisation complète des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers), notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Cette pratique est notamment encadrée par un arrêté ministériel du 18 novembre 2011 et un guide technique d’application du Cerema.

Les professionnels du secteur sont représentés en France par l’Association Nationale pour l’utilisation des Graves de Mâchefers en travaux publics (ANGM) et en Europe, par la Fédération internationale du recyclage (FIR), tout particulièrement son groupe « Incinerator bottom ash ».

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