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Tarifications progressives du gaz et de l’électricité : le grand retour du principe d’égalité ?

par | 26 Jan 2012

tarif progressif, fiscalité, principe d'égalité, gaz, électricité, Finalande, Suisse, Californie,  Voilà un sujet d’actualité. Face à la crise, et à l’augmentation des prix des « services essentiels » (électricité, gaz, fioul, essence), l’idée d’une tarification progressive, tenant compte du revenu des consommateurs les moins aisés fait son chemin depuis 2011.

Selon Philippe de Ladoucette, président de la CRE, les tarifs de l’électricité pourraient augmenter de 6 % par an ces prochaines années. Cette question revient bien sûr sur le devant de l’actualité à l’occasion de la campagne présidentielle.

En France, tout particulièrement, elle n’est pas anodine. En effet, ce sujet renvoi au principe d’égalité, hérité des Lumières, inscrit dans la Constitution et au frontispice de tous nos monuments publics. S’agit-il alors d’une idée révolutionnaire ? Un rapide tour d’horizon des politiques conduites par d’autres États montre que la marge de manœuvre reste paradoxalement grande.

Principe d’égalité et démocratie française

Le principe d’égalité distinguerait la démocratie française d’autres formes de démocraties (anglo-saxonnes par ex.) plus tournées vers la liberté.

Pour une explication anthropologique de cette différenciation politique, on renverra bien sûr à la théorie magistrale d’Emmanuel Todd (voir par ex. L’origine des systèmes familiaux, vol. 1 L‘Eurasie – Gallimard 2011). Le démographe distingue plusieurs « familles » parmi lesquelles :

– la « famille nucléaire absolue » anglaise, libérale pour ce qui concerne les rapports entre parents et enfants mais indifférente à l’idée d’égalité. Ce modèle aurait engendré le système politique libéral anglo-saxons, plutôt individualiste ;

– la « famille nucléaire égalitaire » du Bassin parisien, structurée par les valeurs de liberté mais aussi d’égalité des enfants (strict partage des biens entre frères et sœurs depuis plusieurs siècles par ex.). Ce modèle aurait engendré un système politique légitimant l’idée a priori d’une équivalence des hommes et des peuples.

Une fois admise l’idée (ou l’explication) selon laquelle la France et les français ont une tendance historique (anthropologique même) à revendiquer l’égalité, que peut-on dire des mécanismes de tarification progressive ?

Quelle force juridique ?

Tout d’abord, le droit communautaire autorise la prise en compte des aspects sociaux dans la tarification des services publics  L’article 36 de la Charte européenne des droits fondamentaux autorise les péréquations dans les tarifs de service publics et la poursuite de politiques favorisant leur accès à tous : « L’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément au traité instituant la Communauté européenne, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union ».

Ensuite, selon la jurisprudence nationale, le principe d’égalité permet de traiter de manière différente des citoyens (notamment usagers de services publics) se trouvant dans des situations différentes (CE, Sect., 9 mars 1951, Soc. des concerts du conservatoire, Rec. 151). Cependant, pour déroger au principe d’égalité, il doit exister une différence de situation objectivement appréciable entre les usagers (CE, Sect. 10 mai 1974, Sieur Denoyez et Sieur Chorques, Rec. 274 et CE, 28 avril 1993, Commune de Coux).

Comment apprécier objectivement des différences ? La différenciation selon les usages peut paraître plus objective que selon les usagers. En effet, certains critères permettent d’éviter de tenir compte des considérations personnelles. Ainsi, on admet plus aisément que des tarifs soient différenciés pour une consommation l’électricité de jour plutôt que de nuit, ou encore dans le cas d’une consommation d’eau pour la piscine plutôt que pour l’alimentation.

Lorsque la différenciation tient aux qualités des usagers eux-mêmes, elle rencontre les critères dits sociaux. Mais cette appréciation personnelle de la situation économique des citoyens peut gêner si l’on craint de basculer du principe d’égalité vers l’égalitarisme, niant les individualités et entraînant un nivellement totalitaire vers le bas. Pourtant quoi de plus égalitaire qu’une prise en compte des situations individuelles, surtout si l’on associe l’égalité à la fraternité ?

Des tarifs déjà contraints

En pratique, les tarifs des services « essentiels » (services publics plus quelques autres) sont déjà contraints. Ainsi, le tarif de l’électricité de détail est d’une extrême complexité. Le prix de vente au client final résulte de l’empilement des plusieurs coûts, de sorte qu’il est contraint, notamment par des choix publics.

A ce titre, l’introduction ou la généralisation d’un critère social ne constituerait pas un bouleversement. Du reste, depuis peu, même les opérateurs privés de téléphonie mobile proposent des abonnements sociaux.

Un tarif social peu efficace

Le tarif social de l’électricité ou du gaz existe déjà. Cependant, en pratique, les conditions de son octroi semblent trop complexes. Ainsi, le tarif de première nécessité (TPN) pour l’électricité ou le tarif spécial de solidarité (TSS) pour le gaz impliquent de bénéficier de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Pour le téléphone, le critère est celui du RSA. Dans tous les cas, les demandes impliquent des formalités administratives parfois complexes et à réitérer chaque année. Résultat, le nombre de ménages profitant du TPN (électricité) a chuté de  33% entre 2009 et 2010. Deux millions de personnes seraient éligibles au TPN (pour 625.000 inscrits en 2010). Quand à l’économie réalisée par rapport au tarif classique, elle peut paraître modeste puisqu’elle est de l’ordre de 88 euros par an.

En définitive, une péréquation des tarifs des services publics en considération des revenus est conforme au principe d’égalité. L’enjeu ne semble pas tant celui de la mise en place de ce tarif, puisqu’il existe parfois déjà, que celui de l’intelligibilité de la règle et de l’accessibilité aux droits octroyés.

Comment apprécier objectivement les différenciations économiques ?

Les moyens dont dispose l’état pour apprécier les revenus ne sont pas totalement objectifs. Le prélèvement de l’impôt à la source, par exemple, serait le gage d’une fiscalité réellement équitable, ce qui permettrait de déterminer plus objectivement les revenus, au regard de la feuille d’impôt.

Comment font les autres ?

D’autres états ont mis en œuvre des mécanismes de péréquation liés aux revenus. Ainsi, la Californie pratique déjà la tarification progressive de la consommation d’électricité et du gaz en considération de différents critères, parmi lesquels les revenus.

La progressivité jusqu’ou ?

Mais alors, pourquoi ne pas étendre ce  mécanisme de tarification proportionnelle à d’autres missions de service public : le transport (prix de l’essence proportionnel, le ticket de bus ou de métro) ? La liste pourrait être longue et débattue. Dans quel cas une résidence éloignée du lieu de travail est-elle une contrainte (prix trop élevés à proximité) ou un choix relatif (privilégier une maison avec terrain plus grande plutôt qu’un appartement). Faudra-t-il définir un standard de confort minimum ? Le risque de nivellement totalitaire vers le bas réapparait.

Un petit tout d’horizon des politiques publiques de certains de nos voisins européens révèle cependant que des États réputés forts sages ont su adopter des mesures qui sembleraient révolutionnaires en France.

Ainsi, la Suisse ou la Finlande ont adopté le principe de la progressivité des amendes routières. Ces amendes sont calculées en fonction des revenus des contrevenants par le biais de leur déclaration d’impôts (a priori pris à la source).

Voilà peut-être une mesure réellement égalitaire. Une analyse sceptique de cette proposition conduirait cependant à considérer qu’elle est invendable en période de crise.

Comme antidote, on rappellera que ces deux pays sont encore membres du club désormais très select des 12 derniers pays du monde notés AAA. Or, la Finlande en tout cas n’est pas un paradis fiscal.

Révolutionnaire ici, conservateur là-bas.

 

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Pour être valable, une marque doit être distinctive, c’est-à-dire permettre aux clients de reconnaître les produits ou services proposés sous cette marque, de ceux des autres entreprises.

Si le signe déposé à titre de marque est dépourvu de caractère distinctif en lui-même (par exemple : la marque est trop descriptive), ce caractère distinctif peut être acquis par l’usage. S’agissant d’une marque de l’Union Européenne (UE), cet usage doit avoir lieu au sein de l’UE, être ancien et suffisamment important pour que le signe utilisé soit perçu directement par le consommateur comme étant une marque.

Si ce principe est simple sur un plan théorique, dans la pratique, la preuve de l’existence de ce caractère distinctif acquis par l’usage est difficile à établir, comme l’illustre l’arrêt du Tribunal de l’Union Européenne (TUE), du 12 octobre 2022, qui a refusé de consacrer l’acquisition par l’usage du caractère distinctif de la marque sur le motif à damier de la pourtant célèbre maison Louis Vuitton.

En l’espèce, en 2015, un citoyen polonais avait saisi la division d’annulation de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO, à l’époque OHMI) d’une demande en nullité de la marque de l’UE déposée par Louis Vuitton.

La division d’annulation avait fait droit à la demande en annulant la marque, annulation confirmée par la Chambre des recours, considérant que le motif à damier ne constituait pas un caractère distinctif intrinsèque, ni qu’il avait été acquis par l’usage, dès lors que Louis Vuitton ne rapportait pas la preuve de cette acquisition dans six pays de l’UE (en l’occurrence six pays d’Europe de l’Est). Le TUE a validé ce raisonnement, et ainsi, confirmé l’annulation de la marque de Louis Vuitton.

Il a considéré d’une part, que « le motif à damier est un motif figuratif basique et banal,(…) (il) ne comporte ainsi aucune variation notable par rapport à la représentation conventionnelle de damiers et coïncide avec le modèle traditionnel d’un tel motif », le rendant donc dénué de toute distinctivité intrinsèque et d’autre part, que le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque « doit être démontré dans l’ensemble de ce territoire, et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité du territoire de l’Union », ce qui n’est pas le cas ici.

Cette décision n’est pas étonnante, l’EUIPO apprécie de manière très stricte l’acquisition du caractère distinctif d’une marque de l’UE par l’usage.

Source :

TUE, 19 oct. 2022, aff. T-275/21, Louis Vuitton Malletier c./ Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

Référence de l’image : Marque internationale n°986207 déposée par Louis Vuitton Malletier (Data.inpi.fr)

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Dans un arrêt du 12 octobre 2022, la Cour d’appel de Paris a prononcé la déchéance partielle de marques patronymiques en raison de l’usage trompeur fait par leur titulaire. La Cour a également jugé que la garantie d’éviction ne rend pas irrecevable la demande reconventionnelle en déchéance par le cédant.

En l’espèce le créateur Jean-Charles Castelbajac avait cédé les marques JC de CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC à la société PMJC. Cette dernière l’a attaqué pour contrefaçon car le créateur utilise aujourd’hui son nom patronymique pour promouvoir son activité, notamment sur son site internet.

La Cour a jugé que le créateur usait simplement de sa liberté de présenter ses activités sous son nom et avec sa signature et qu’aucun acte de contrefaçon n’était caractérisé.

En revanche, la Cour a partiellement donné raison à monsieur Castelbajac, qui avait formé une demande reconventionnelle en déchéance de ces marques pour usage trompeur. En effet il reprochait entre autres, à la société PMJC d’induire les consommateurs en erreur, en leur faisant croire que les produits commercialisés sous ces deux marques avaient été conçus par lui ou sous sa direction artistique, alors que ce n’était pas le cas.

Si cette décision est en faveur du créateur, la Cour de Cassation pourrait être saisie d’un pourvoi et donner une interprétation différente concernant la déchéance d’une marque patronymique devenue trompeuse du fait de son titulaire.

Cette décision fait écho aux célèbres jurisprudences en la matière : Ines de la Fressange, Cass. com., 31 janv.2006 et Bordas, Cass. com., 12 mars 1985.

Source :

Déchéance partielle de marques composées du nom patronymique d’un créateur en raison de l’usage trompeur par leur cessionnaire | INPI PIBD ;

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 12/10/22, 20/11628 (M20220269) PMJC SAS c. Jean-Charles C, LouisMarie C et Castelbajac Creative SAS (inpi.fr)

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

L’Afep-Medef s’est doté, en décembre 2022, d’un nouveau Code de gouvernance plaçant la stratégie RSE, notamment en matière climatique, au cœur des missions des Conseils d’administration.

La stratégie RSE : une mission essentielle du Conseil d’administration

Le code s’enrichit ainsi d’une nouvelle recommandation, intitulée « Le conseil d’administration et la responsabilité sociale et environnementale ».

Il appartiendra désormais au Conseil d’administration de déterminer les orientations stratégiques pluriannuelles en matière de RSE et à la direction de l’entreprise de présenter les modalités de mise en œuvre de cette stratégie avec un plan d’action et l’horizon de temps dans lequel ces actions seront menées.

Les dirigeants devront informer annuellement le Conseil d’administration des résultats obtenus au dans le cadre de la stratégie RSE préalablement définie.

En matière climatique, cette stratégie devra identifier des objectifs précis, selon des échelles de temps. Les résultats obtenus devront être examinés annuellement par le Conseil d’administration, qui pourra adapter les objectifs et les actions en fonction de l’évolution des technologies et de la situation de l’entreprise ainsi que de ses capacités à mettre en œuvre les mesures préconisées.  

La stratégie et les actions engagées devront être présentés aux actionnaires, au moins tous les trois ans, lors d’une assemblée générale ordinaire.

Assortie d’une formation spécifique aux enjeux climatiques

Afin de faciliter la mise en place d’une stratégie RSE et conformément à la pratique soulignée par l’AMF(Autorité des Marchés Financiers) dans son rapport 2022, le nouveau code de gouvernance Afep-Medef  préconise que ces sujets soient examinés en amont du conseil d’administration, par des comités spécialisés (Comités RSE), dont la composition est librement définie par les entreprises.

De plus, la formation complémentaire des administrateurs à la RSE devra comporter un volet spécifiquement dédié aux enjeux climatiques.

Qui devra être intégrée dans la rémunération des dirigeants

D’après le communiqué de presse de l’Afep-Medef, l’intégration, dans la détermination de la rémunération des dirigeants, de critères RSE précis et reflétant les enjeux sociaux et économiques les plus importants pour l’entreprise constituerait un levier puissant pour porter ces préoccupations au premier plan.

Les critères quantifiables doivent être privilégiés et l’un d’entre eux au moins doit être lié aux objectifs climatiques de l’entreprise.

A titre d’exemple, et comme le souligne l’AMF, l’indicateur quantifiable peut être fondé sur le taux de réduction des émissions carbone résultant de l’activité de la société par employé.

Une simple référence à l’application d’une politique RSE ou à des enjeux généraux est insuffisante.

Et mise en place rapidement

Face aux enjeux et même si ces nouvelles recommandations ne s’appliqueront qu’aux assemblées statuant sur les comptes des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023 (en pratique les assemblées tenues en 2024), l’Afep et le Medef recommandent aux Conseils d’administration de faire leurs meilleurs efforts pour les appliquer immédiatement.

Sources :

Code de gouvernance Afep-Medef décembre 2022 www.medef.com

Rapport AMF 2022

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