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Le sol pollué était un déchet et ça peut coûter cher !

par | 1 Déc 2011

sols pollués, déchet, inépendance de législations, ICPE, Van de Walle, CJCE, CJUE, Modev, Montreuil, Conseil d'état, Un nouvel arrêt du Conseil d’Etat du 23 novembre 2011 vient confirmer la jurisprudence rendue cet été et classant les sols pollués comme des déchets, avec toutes les conséquences économiques que cela implique pour le propriétaire du terrain. Pis encore, l’Administration peut librement choisir de faire financer la remise en état d’un sol pollué  (au  mercure) par le dernier exploitant ou par le propriétaire du terrain (CE, 23 novembre 2011, Ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de l’Aménagement du territoire c/ MODEV req .n° 325334).

Une situation juridique qui, selon notre analyse, ne s’applique plus depuis le 17 décembre 2010 (ordonnance de transposition de la directive Cadre sur les Déchets), ce qui implique une rupture d’égalité entre propriétaires de sols pollués.

Dans cette nouvelle affaire, le Conseil d’Etat juge qu’un préfet peut enjoindre au propriétaire non exploitant d’un terrain dont le sol a été pollué au mercure par une installation classée de financer des travaux de dépollution sur le fondement de la législation des ICPE.

Pour parvenir à cette solution, la Haute Assemblée juge que la circonstance que le propriétaire n’ait jamais eu la qualité d’exploitant d’une installation classée est indifférente, dès lors qu’il est détenteur de déchets de nature à porter atteinte à l’environnement. En effet, l’article L.541-2 du Code de l’Environnement impose à tout détenteur ou producteur de déchets d’en assurer l’élimination, ce qui implique concrètement de financer la dépollution.

En pratique, le Conseil d’Etat procède, à une substitution de base légale pour sauver l’arrêté préfectoral pris sur un mauvais fondement (la législation ICPE), et considérer que le Préfet aurait, en toute hypothèse, pris la même décision sur le fondement de la législation déchets, ce qui est moins évident.

Le contexte particulier de cette décision mérite d’être souligné puisque le propriétaire du terrain exproprié par la ville n’est autre que la SEM d’aménagement de la ville de Montreuil, dans le cadre d’une concession d’aménagement de la ZAC de la porte de Montreuil.

Or, en cas de carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs en matière de police des déchets, le Préfet peut se substituer à lui. Sans rentrer dans les détails, l’arrêt du Conseil d’Etat du 23 novembre 2011 laisse apparaître que le maire de Montreuil n’aurait rien fait pour s’enjoindre à lui-même de financer la dépollution des terrains ….

Analyse juridique

A première lecture, cet arrêt du Conseil d’Etat peut surprendre tant la jurisprudence administrative a presque toujours distingué, sur le fondement du principe d’indépendance des législations, la réglementation ICPE d’une part et la réglementation déchets d’autre part.

Cette jurisprudence traditionnelle est d’ailleurs cohérente avec le principe pollueur/payeur selon lequel c’est à l’exploitant de l’ICPE de financer les travaux de dépollution des terrains qu’il a souillés par son activité.

Cependant, à y regarder de plus près, la décision est d’une logique juridique plus défendable puisqu’elle fait application de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne Van de Walle (CJCE, 7 septembre 2004, Van de Walle, Affaire C-1/03).

Les spécialistes des sols pollués savent que, selon cette décision tant commentée et tant critiquée, les sols pollués peuvent être qualifiés de déchets. Ils savent également que, pour y mettre fin, le législateur européen est intervenu en précisant dans la directive cadre Déchets du 19 novembre 2008 que les sols pollués ne sont pas des déchets.

Cette directive a été transposée en droit interne par l’ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 (JO du 18 décembre), inscrivant un nouvel article L.541-4-1 dans le Code de l’Environnement selon lequel « les sols non excavés, y compris les sols pollués non excavés et les bâtiments reliés au sol de manière permanente » ne sont pas soumis à la législation des déchets.

Les choses sont donc rentrées dans l’ordre puisqu’il est de nouveau admis, par le droit communautaire que les sols pollués ne peuvent pas être qualifiés de déchets.

Mais comme la fonction du juge implique, compte tenu du calendrier des procédures, un temps inéluctable de retard par rapport à l’évolution de la réglementation, c’est seulement maintenant que le Conseil d’Etat apprécie la légalité de décisions administratives prises avant la transposition de la directive cadre Déchets (et du principe selon lequel les sols pollués ne sont pas des déchets). C’est l’objet de cette nouvelle décision MEDDAT c/ MODEV du 23 novembre 2011 selon lequel les sols pollués peuvent être qualifiés de déchets.

On retiendra, de cet arrêt, son paradoxe historique puisqu’il applique, à la demande du Ministère de l’Environnement, la jurisprudence VAN DE WALLE au détriment d’une collectivité locale, alors que l’auteur de l’acte attaqué (le Préfet de la Seine-Saint-Denis) ignorait totalement qu’il pouvait passer de la logique ICPE à la logique déchets lorsqu’il a pris sa décision initiale en 2001.

La circonspection est d’autant plus grande que le MEDDTL a toujours contesté la jurisprudence VAN DE WALLE, en adoptant même une circulaire maintenant la division entre législation des déchets d’une part et législation des ICPE d’autre part !

 Si l’on fait fi de ces circonstances (mais on  peut avoir du mal), le raisonnement du Conseil d’Eat se tient dans la mesure où l’article L.541-4-1 du Code de l’Environnement excluant les sols pollués de la législation déchets n’a pas seulement un caractère recognitif. Il vient au contraire contrebalancer une jurisprudence (européenne), de sorte qu’il ne serait pas d’application rétroactive, contrairement à laj urisprudence qui, elle, révèle le droit.

Il n’en demeure pas moins que la rupture d’égalité entre les propriétaires de sols pollués ayant fait l’objet de prescriptions de remise en état avant l’adoption de cet article et les autres est sérieuse :

– Les premiers doivent payer la dépollution des sols alors même qu’ils n’y sont pour rien ;

– les seconds sont désormais légalement protégés par la disposition selon laquelle le propriétaire d’un sol pollué, en sa seule qualité de détenteur, n’a pas à devoir payer la dépollution sur le fondement de la législation déchets.

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Louis Vuitton : le motif à damier ne constitue pas une marque valable

Pour être valable, une marque doit être distinctive, c’est-à-dire permettre aux clients de reconnaître les produits ou services proposés sous cette marque, de ceux des autres entreprises.

Si le signe déposé à titre de marque est dépourvu de caractère distinctif en lui-même (par exemple : la marque est trop descriptive), ce caractère distinctif peut être acquis par l’usage. S’agissant d’une marque de l’Union Européenne (UE), cet usage doit avoir lieu au sein de l’UE, être ancien et suffisamment important pour que le signe utilisé soit perçu directement par le consommateur comme étant une marque.

Si ce principe est simple sur un plan théorique, dans la pratique, la preuve de l’existence de ce caractère distinctif acquis par l’usage est difficile à établir, comme l’illustre l’arrêt du Tribunal de l’Union Européenne (TUE), du 12 octobre 2022, qui a refusé de consacrer l’acquisition par l’usage du caractère distinctif de la marque sur le motif à damier de la pourtant célèbre maison Louis Vuitton.

En l’espèce, en 2015, un citoyen polonais avait saisi la division d’annulation de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO, à l’époque OHMI) d’une demande en nullité de la marque de l’UE déposée par Louis Vuitton.

La division d’annulation avait fait droit à la demande en annulant la marque, annulation confirmée par la Chambre des recours, considérant que le motif à damier ne constituait pas un caractère distinctif intrinsèque, ni qu’il avait été acquis par l’usage, dès lors que Louis Vuitton ne rapportait pas la preuve de cette acquisition dans six pays de l’UE (en l’occurrence six pays d’Europe de l’Est). Le TUE a validé ce raisonnement, et ainsi, confirmé l’annulation de la marque de Louis Vuitton.

Il a considéré d’une part, que « le motif à damier est un motif figuratif basique et banal,(…) (il) ne comporte ainsi aucune variation notable par rapport à la représentation conventionnelle de damiers et coïncide avec le modèle traditionnel d’un tel motif », le rendant donc dénué de toute distinctivité intrinsèque et d’autre part, que le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque « doit être démontré dans l’ensemble de ce territoire, et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité du territoire de l’Union », ce qui n’est pas le cas ici.

Cette décision n’est pas étonnante, l’EUIPO apprécie de manière très stricte l’acquisition du caractère distinctif d’une marque de l’UE par l’usage.

Source :

TUE, 19 oct. 2022, aff. T-275/21, Louis Vuitton Malletier c./ Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

Référence de l’image : Marque internationale n°986207 déposée par Louis Vuitton Malletier (Data.inpi.fr)

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Déchéance partielle d’une marque : nom patronymique et usage trompeur

Dans un arrêt du 12 octobre 2022, la Cour d’appel de Paris a prononcé la déchéance partielle de marques patronymiques en raison de l’usage trompeur fait par leur titulaire. La Cour a également jugé que la garantie d’éviction ne rend pas irrecevable la demande reconventionnelle en déchéance par le cédant.

En l’espèce le créateur Jean-Charles Castelbajac avait cédé les marques JC de CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC à la société PMJC. Cette dernière l’a attaqué pour contrefaçon car le créateur utilise aujourd’hui son nom patronymique pour promouvoir son activité, notamment sur son site internet.

La Cour a jugé que le créateur usait simplement de sa liberté de présenter ses activités sous son nom et avec sa signature et qu’aucun acte de contrefaçon n’était caractérisé.

En revanche, la Cour a partiellement donné raison à monsieur Castelbajac, qui avait formé une demande reconventionnelle en déchéance de ces marques pour usage trompeur. En effet il reprochait entre autres, à la société PMJC d’induire les consommateurs en erreur, en leur faisant croire que les produits commercialisés sous ces deux marques avaient été conçus par lui ou sous sa direction artistique, alors que ce n’était pas le cas.

Si cette décision est en faveur du créateur, la Cour de Cassation pourrait être saisie d’un pourvoi et donner une interprétation différente concernant la déchéance d’une marque patronymique devenue trompeuse du fait de son titulaire.

Cette décision fait écho aux célèbres jurisprudences en la matière : Ines de la Fressange, Cass. com., 31 janv.2006 et Bordas, Cass. com., 12 mars 1985.

Source :

Déchéance partielle de marques composées du nom patronymique d’un créateur en raison de l’usage trompeur par leur cessionnaire | INPI PIBD ;

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 12/10/22, 20/11628 (M20220269) PMJC SAS c. Jean-Charles C, LouisMarie C et Castelbajac Creative SAS (inpi.fr)

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

RSE des entreprises : un nouveau code de gouvernement de l’Afep-Medef

L’Afep-Medef s’est doté, en décembre 2022, d’un nouveau Code de gouvernance plaçant la stratégie RSE, notamment en matière climatique, au cœur des missions des Conseils d’administration.

La stratégie RSE : une mission essentielle du Conseil d’administration

Le code s’enrichit ainsi d’une nouvelle recommandation, intitulée « Le conseil d’administration et la responsabilité sociale et environnementale ».

Il appartiendra désormais au Conseil d’administration de déterminer les orientations stratégiques pluriannuelles en matière de RSE et à la direction de l’entreprise de présenter les modalités de mise en œuvre de cette stratégie avec un plan d’action et l’horizon de temps dans lequel ces actions seront menées.

Les dirigeants devront informer annuellement le Conseil d’administration des résultats obtenus au dans le cadre de la stratégie RSE préalablement définie.

En matière climatique, cette stratégie devra identifier des objectifs précis, selon des échelles de temps. Les résultats obtenus devront être examinés annuellement par le Conseil d’administration, qui pourra adapter les objectifs et les actions en fonction de l’évolution des technologies et de la situation de l’entreprise ainsi que de ses capacités à mettre en œuvre les mesures préconisées.  

La stratégie et les actions engagées devront être présentés aux actionnaires, au moins tous les trois ans, lors d’une assemblée générale ordinaire.

Assortie d’une formation spécifique aux enjeux climatiques

Afin de faciliter la mise en place d’une stratégie RSE et conformément à la pratique soulignée par l’AMF(Autorité des Marchés Financiers) dans son rapport 2022, le nouveau code de gouvernance Afep-Medef  préconise que ces sujets soient examinés en amont du conseil d’administration, par des comités spécialisés (Comités RSE), dont la composition est librement définie par les entreprises.

De plus, la formation complémentaire des administrateurs à la RSE devra comporter un volet spécifiquement dédié aux enjeux climatiques.

Qui devra être intégrée dans la rémunération des dirigeants

D’après le communiqué de presse de l’Afep-Medef, l’intégration, dans la détermination de la rémunération des dirigeants, de critères RSE précis et reflétant les enjeux sociaux et économiques les plus importants pour l’entreprise constituerait un levier puissant pour porter ces préoccupations au premier plan.

Les critères quantifiables doivent être privilégiés et l’un d’entre eux au moins doit être lié aux objectifs climatiques de l’entreprise.

A titre d’exemple, et comme le souligne l’AMF, l’indicateur quantifiable peut être fondé sur le taux de réduction des émissions carbone résultant de l’activité de la société par employé.

Une simple référence à l’application d’une politique RSE ou à des enjeux généraux est insuffisante.

Et mise en place rapidement

Face aux enjeux et même si ces nouvelles recommandations ne s’appliqueront qu’aux assemblées statuant sur les comptes des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023 (en pratique les assemblées tenues en 2024), l’Afep et le Medef recommandent aux Conseils d’administration de faire leurs meilleurs efforts pour les appliquer immédiatement.

Sources :

Code de gouvernance Afep-Medef décembre 2022 www.medef.com

Rapport AMF 2022

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