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ZDE – Attention danger : Quand la loi est molle, le juge est dur !

par | 25 Nov 2011

CAA Bdx.JPGUne récente jurisprudence soulève une interrogation majeure sur la sécurité juridique des ZDE. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a en effet jugé que le préfet doit disposer d’éléments « réalistes » et « complets » avant d’approuver la création d’une ZDE. Concrètement, cela se traduit par une campagne de mesures effectuées sur zone pendant une année (CAA Bordeaux, 2 novembre 2011, 6 requêtes n° 10BX02174, 10BX02175, 10BX02176, 10BX02202, 10BX02213, et 10BX02747).

Ce critère prétorien (véritable nouvelle règle de procédure) était jusqu’à présent méconnu des services instructeurs et des opérateurs, ce qui pose un vrai problème de légalité.

Analyse.

1 – Qu’est-ce qu’une « estimation suffisamment réaliste et complète » du potentiel éolien d’une ZDE ?

Selon l’article 10.1 de la loi du 10 février 2000 sur le service public de l’électricité, les ZDE sont définies par le Préfet du Département « en fonction de leur potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés ».

En l’occurrence, pour approuver 6 ZDE, le Préfet de la Haute-Vienne s’était fondé sur la documentation disponible, à savoir :

– les moyennes annuelles de vitesse de vent inscrites dans l’Atlas du potentiel éolien du Schéma régional éolien.

– pour plusieurs dossiers, les données provenant de stations météorologiques situées à quelques kilomètres des ZDE ainsi que les résultats d’études localisées.

La Cour confirme juge cependant que ces documents sont insuffisants et ne permettent pas d’apprécier la réalité du potentiel éolien des zones : « le Préfet doit disposer, au moment où il décide de créer une zone de développement éolien, d’éléments permettant une estimation suffisamment réaliste et complète du potentiel éolien de la zone ».

Or, les données de l’Atlas du potentiel éolien régional sont « par elles-mêmes insuffisantes, pour permettre d’apprécier la réalité du potentiel éolien d’une zone précise », bien qu’elles démontrent une vitesse annuelle de vente de l’ordre de 6 à 6,5 mètres par seconde à 80 mètres de hauteur et qu’elles sont fondées sur les résultats d’une modélisation de Météo France dont la fiabilité a été vérifiée sur 14 stations météorologiques de la région. De même, les études localisées sont « peu représentatives du potentiel éolien de la zone » et n’étaient pas accompagnées de la méthodologie des campagnes de mesures.

En définitive, une seule ZDE est validée par la Cour au motif que la Communauté de Communes a fourni au préfet une évaluation du potentiel éolien de la zone à partir « du relevé précis résultat d’une campagne de mesures effectuées sur place pendant une année dont la méthodologie était indiquée, de sorte que le Préfet disposait d’éléments suffisants pour apprécier le potentiel éolien de la zone ».

Dans ce cas seulement, le préfet a pris une bonne décision au vu de la « moyenne annuelle de vitesse du vent satisfaisante », se sorte que « la création de la zone demandée se justifiait du point de vue de son potentiel éolien » (CAA Bordeaux, 2 novembre 2011, Association pour la Sauvegarde de la Gartempe et Communauté de Communes du Haut-Limousin, req. n° 10BX02747)

2 – Faut-il systématiquement joindre au dossier les résultats complets d’une campagne de mesure de vent ?

L’un des requérants a fort habilement fait observer au juge administratif que son raisonnement revenait à exiger que soient réalisées des mesures de vent, alors que cette formalité n’est pas prévue par les textes. Point du tout, rétorque la Cour, puisque « le législateur n’impose pas au pétitionnaire de réaliser des mesures de vent ». Il n’en demeure pas moins que le projet doit « se fonder sur des évaluations et des informations météorologiques permettant, comme sus-indiqué, une estimation des vents la plus réaliste possible au regard des caractéristiques propres de la zone étudiée » (CAA Bordeaux, 2 novembre 2011, MEDDTL et Association pour la Sauvegarde de la Gartempe, req. n° 10BX02174).

La nuance est subtile, dès lors que le seul critère ayant permis à la Cour de valider 1 ZDE sur 6 est précisément celui des mesures de vent prises par le pétitionnaire. Bien que la Cour s’en défende, il  semble que le pétitionnaire doive joindre à sa demande une étude de vent localisée, faute de quoi le préfet pourrait se prononcer sur une estimation ni réaliste, ni complète.

3 – Une exigence de pièces administratives non prévue par la loi ni le règlement

En exigeant que des études de vent soient jointes au dossier de demande de création de ZDE, et en considérant que les données plus générales, même localisées, de l’Atlas régional éolien sont insuffisantes, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux vient d’imposer ex nihilo au pétitionnaire de joindre une pièce non prévue, ni par la loi ni par le règlement.

Or, la seule exigence inscrite à l’article 10.1 de la loi du 10 février 2000, est celle de l’appréciation du « potentiel éolien » par le Préfet, sans plus de précisions. Une telle formule ne permet pas d’imposer stricto sensu la production d’un document spécifique, sous réserve d’une erreur de droit. En effet, la jurisprudence prohibe traditionnellement (et notamment en matière d’urbanisme) les exigences de pièces non prévues par la loi (CE, 21 mars 1986, Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble « les Périades » : droit administratif 1986, commentaire 315 ; CE, 24 janvier 1986, époux Naudon, droit administratif 1990, commentaire 195 ; CE, 31 mars 1989, association de protection et d’amélioration de vie secteur 16 arpents : RDI 1989 p. 348 ; CE, 9 octobre 1989, Gontan : RDI 1990 p. 200).

La Cour va même plus loin puisqu’elle exige que la méthodologie et les résultats des campagnes de mesures de vents soient portés à la connaissance du Préfet avant sa décision (CAA Bordeaux, 2 novembre 2011, MEDDTL et association pour la sauvegarde de la Gartempe, req. n° 10BX02174 ; ou MEDDTL, ROSSI, req. n° 10BX02175 ; ou encore MEDDTL et association pour la sauvegarde du patrimoine et des paysages en Haut-Limousin, req. n° 10BX02176). Il s’agit donc bien d’une exigence formelle (de procédure) : e pétitionnaire doit fournir au Préfet un dossier complet indiquant, sur le modèle des études d’impact, la méthodologie employée et les résultats détaillés des mesures de vent. Même la circulaire interministérielle du 19 juin 2006 n’exige rien de tel.

4 – Un contrôle d’opportunité (de justification du choix des zones) ?

Pour l’un des dossiers, la Cour reproche aux études localisées, de révéler une vitesse moyenne de vent de « seulement » 3 mètres par seconde à 10 mètres de hauteur (CAA Bordeaux, 2 novembre 2011, MEDDTL et association pour la sauvegarde de la Gartempe, req. n° 10BX02202). Dans un autre cas, elle juge que la demande de création de zone « se justifiait du point de vue de son potentiel éolien » (CAA Bordeaux, 2 novembre 2011, Association pour la Sauvegarde de la Gartempe et Communauté de Communes du Haut-Limousin, req. n° 10BX02747).

Faut-il déduire que le juge administratif apprécie également, en opportunité, la décision du Préfet ? Traditionnellement, le juge exerce avec beaucoup de prudence un contrôle sur l’opportunité des choix d’aménagement, car cette appréciation soulève aussitôt la question de la compétence technique et ranime le fantasme du juge-administrateur.

A ce titre, on ne peut manquer de rapprocher les arrêts du 2 novembre 2011 de la jurisprudence rendue pendant les années 90 au sujet de la loi littorale. Là aussi, le droit était imprécis (droit mou car par de décret d’application) et, la aussi, le juge administratif a rendu des décisions prétoriennes et critiquées, notamment par un rapport parlementaire (rapport d’information sur l’application de la loi littorale). La jurisprudence s’est radoucie par la suite.

5 – Une exigence d’étude d’impact environnementale ?

Au-delà de la question spécifique du « potentiel éolien », on peut s’interroger sur l’interprétation des autres conditions inscrites par l’article 10.1 de la loi du 10 février 2000 : possibilités de raccordement aux réseaux électriques, de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés.

Sur ce point, la Cour administrative d’appel de Bordeaux juge que le dossier est acceptable puisqu’il comportait une « description des paysages concernés par le projet, l’indication des principaux sites remarquables et protégés, et une analyse, accompagnée du document graphique, des covisibilités possibles à partir des différents sites ». En outre, « l’analyse paysagère envisageait et étudiait l’impact des autres zones de développement éolien demandées dans le Nord du département ». De toute évidence, cette analyse est celle d’une étude d’impact. Elle va même jusqu’à contrôler une exigence nouvelle : les effets cumulés de l’opération avec d’autres opérations voisines ayant des maîtres d’ouvrage distincts !

C’est surprenant dès lors que la Cour juge par ailleurs que les ZDE n’ont pas à être précédées d’une évaluation environnementale et que la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 (dite plan-programme) leur est inapplicable. La confusion est d’autant plus grande que la très récente circulaire ministérielle du 25 octobre 2011 sur les ZDE, complémentaire à celle du 19 juin 2006, indique que le Préfet peut soumettre la création d’une ZDE à la réalisation préalable d’une évaluation Natura 2000.

CONCLUSION

Le juge administratif a fait office d’administrateur en exigeant des conditions formelles, tenant au contenu du dossier de création de ZDE :

– étude de vent localisée accompagnée d’une méthodologie et d’un résultat complet

– étude de l’impact paysager du projet sur les autres ZDE

Ces pièces ne sont cependant demandées ni par la loi ni par le règlement, ce qui fragilise les procédures déjà approuvées. Le danger est encore plus grand dès lors que les SRCAE (ayant vocation à se substituer aux ZDE) sont tous actuellement établis par l’administration au vu des données recueillies dans les Atlas régionaux éoliens. Les réactionspourraient venir :

– de l’adoption d’un décret (ou d’un arrêté) faisant application de la loi du 10 févier 2000 et définisant le contenu des dossiers de ZDE;

– d’un revirement de jurisprudence.

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

Suisse : toujours pas de valorisation complète des mâchefers d’incinération de déchets ménagers (Tribunal fédéral, 19 sept. 2024)

En France, la valorisation des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers) est courante, notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Elle est notamment encadrée par un arrêté ministériel et un guide technique d’application.

En revanche, en Suisse, la législation fédérale impose l’enfouissement des mâchefers, alors que les espaces disponibles pour le stockage empiètent sur les terres agricoles et, donc, la souveraineté alimentaire.

Un récent arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023) juge que l’obligation de solidarité des cantons ne leur permet pas de rechercher seuls des solutions innovantes et plus vertueuses.

Les mâchefers d’incinération de déchets ménagers

L’incinération des déchets ménagers répond aux enjeux de l’économie circulaire. Elle doit être privilégiée à l’enfouissement, selon la hiérarchie des modes de traitement des déchets (réduire, réutiliser, recycler).

Cependant, ce mode de traitement génère des mâchefers, c‘est à dire des résidus d’incinération. Ils représentent un peu moins de 20% des déchets incinérés, soit de l‘ordre de 3 millions/tonnes de mâchefers/an en France (pour 120 centrales traitant 14,5 millions de tonnes de déchets/an) et 700 000 tonnes/an en Suisse (pour 30 centrales traitant 4 millions de tonnes de déchets/an).

En Europe, les usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) suisses sont réputées pour leur modernités et leurs performances, notamment en termes de rejets. Pourtant, alors que les mâchefers peuvent être avantageusement valorisés, notamment dans les travaux publics, la loi fédérale suisse (Ordonnance dite « OLED » du 4 décembre 2015), impose leur élimination en décharge.

Dans le canton de Genève, suite à a l’opposition des habitants suscitée face à un projet de création de nouvelle décharge pour stocker des mâchefers sur une zone agricole, une initiative cantonale a prôné le recyclage de ces déchets comme alternative à l’enfouissement.

L’arrêt du Tribunal fédéral du 19 septembre 2024

Toutefois, dans un arrêt rendu le 19 septembre 2024 (n° 1C_426/2023), le Tribunal fédéral a confirmé le jugement de première instance et annulé cette initiative pour deux motifs principaux :

  • la compétence en matière environnementale relève de la Confédération et non des cantons, ce qui limite la marge de manœuvre cantonale dans ce domaine (point 2.3.5 de l’arrêt)
  • la loi fédérale de protection de l’environnement impose aux cantons de collaborer pour planifier la gestion et l’élimination des déchets au-delà de leurs frontières. Cette obligation implique une participation active et constructive à la recherche de solutions communes dans le cadre de la loi (point 2.3.4 de l’arrêt)

En d’autres termes, seul un accord l’échelon confédéral peut permettre la valorisation des mâchefers d’incinération de déchets ménagers plutôt que leur enfouissement.

Cette situation rappelle les tensions en France liées aux arrêtés municipaux « anti-OGM ». Le juge administratif avait alors rappelé que la police des OGM relève de la police spécial de l’État et que le principe de précaution ne permet pas au maire d’excéder ses compétences (CE, 24 septembre 2012, 342990, Publié au Recueil Lebon).

Une modification à venir du cadre légal fédéral ?

Suite à l’arrêt rendu par le tribunal fédéral suisse, le Conseil d’État genevois (organe exécutif cantonal) a mis en avant, dans un rapport du 4 novembre 2024, la nécessité de recourir à des « procédés innovants » pour valoriser les mâchefers. Il souligne que cette initiative cantonale pourrait constituer une expérimentation visant à « démontrer à la Confédération le bien-fondé de la modification du cadre légal fédéral ». Cette évolution règlementaire serait destinée à permettre :

  • une plus grande valorisation des mâchefers et, par conséquent, la réduction des volumes de déchets enfouis
  • tout en maîtrisant les risques environnementaux et en respectant le principe de coopération intercantonale.

La France peut à ce titre se prévaloir de déjà disposer d’un cadre juridique permettant la valorisation complète des graves de mâchefer (matières premières secondaires issues de l’incinération de déchets ménagers), notamment dans les travaux d’infrastructures routières. Cette pratique est notamment encadrée par un arrêté ministériel du 18 novembre 2011 et un guide technique d’application du Cerema.

Les professionnels du secteur sont représentés en France par l’Association Nationale pour l’utilisation des Graves de Mâchefers en travaux publics (ANGM) et en Europe, par la Fédération internationale du recyclage (FIR), tout particulièrement son groupe « Incinerator bottom ash ».

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Une centrale solaire peut être installée à proximité d’activités sportives et touristiques (jurisprudence cabinet)

Par deux jugements du 3 décembre 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les recours dirigés contre un projet de centrale solaire de 20 MW situé en région Nouvelle Aquitaine (TA Limoges, 3 décembre 2024, 2101881, 2101882 et 2101873). Le développeur du projet était défendu par le cabinet Altes.

Le tribunal a jugé que le projet respectait la réglementation locale d’urbanisme (1) et qu’il n’engendrait pas d’impact environnemental ou paysager (2).

1/ La centrale solaire respecte la réglementation d’urbanisme

Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que le préfet est compétent pour délivrer les autorisations d’urbanisme pour les ouvrages de production d’énergie (art. L422-2, b. du code de l’urbanisme). Parallèlement, la commune ou l’intercommunalité est compétente pour fixer la réglementation d’urbanisme.

1.1. Pas d’illégalité du PLU

Les requérants invoquaient l’« exception d’illégalité » de la règle du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune autorisant des « constructions industrielles concourant à la production d’énergie (centrale solaire PV…) » dans un secteur dédié aux activités sportives, touristiques et de loisir.

Le juge a écarté ce moyen en considérant que le développement des énergies renouvelables n’était pas incompatible avec la promotion de ces activités.

1.2. Pas d’obligation de sursis à statuer en attendant le nouveau PLU en cours d’élaboration

Les requérants reprochaient au préfet de ne pas avoir sursis à statuer sur la demande de permis. Cette possibilité prévue par le code de l’urbanisme (articles L. 153-11 et L. 424-1), concerne le cas où un projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU.

Le juge exerce un contrôle restreint sur l’utilisation ou non de cette faculté, limitée à l’erreur manifeste d’appréciation (voir en ce sens CE, 26 janv. 1979, n° 01485).

Le tribunal juge sur ce point que le seul projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du futur PLU ne justifiait pas un sursis à statuer au regard de son contenu : « eu égard à leur portée et à leur caractère général et en l’absence de zonage les concrétisant, les orientations précitées du PADD ne peuvent être regardées comme traduisant un état d’avancement du projet de plan local d’urbanisme suffisant à fonder une décision de sursis, compte tenu de la localisation du projet en litige ».

Il a sur ce point confirmé la jurisprudence selon laquelle un sursis ne peut être pris que si le projet de PLU forme une quasi-norme, formalisée et décantée (voir en ce sens CE, 9 déc. 1988, n° 68286 ; CE, 21 avril 2021, n°437599, conclusions du RP ; et aussi par ex. CAA Bordeaux, 9 juill. 2020, n° 19BX00571). Ainsi, l’exécution du PADD n’étant pas compromise ou rendue plus onéreuse, le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

2/ La centrale solaire n’emporte aucun impact environnemental ou paysager sur le golf voisin

Les requérants contestaient enfin les impacts du projet sur l’environnement (art. R. 111-26 du code de l’urbanisme). Cependant, le tribunal juge que la localisation du projet dans une zone agricole non artificialisée ne permet pas d’établir des atteintes à l’environnement.

Les autres impacts présumés sur le paysage (art. R. 111-27), notamment un impact visuel sur un golf voisin, des risques liées aux retombées de balles, des impacts sur le drainage du terrain, ainsi qu’une dépréciation de la valeur du golf ne sont pas matériellement démontrés, d’autant plus que le projet répond efficacement à chacun de ces présumés impacts, notamment grâce à la topographie et des mesures d’insertion.

Ces jugements constituent un signal encourageant pour le développement des énergies renouvelables, même dans un contexte local parfois éprouvant. Ils démontrent également l’importance de la coordination entre le préfet et la commune dans le processus de délivrance des permis des installations de production d’énergie. Ainsi que, au besoin, l’utilité d’un accompagnement juridique des promoteurs pour limiter le risque d’annulation.

Autorisation environnementale : le juge peut forcer sa régularisation malgré l’inertie du préfet (CAA Douai, 29 août 2024)

Autorisation environnementale : le juge peut forcer sa régularisation malgré l’inertie du préfet (CAA Douai, 29 août 2024)

La procédure dite de régularisation « dans le prétoire » a été inscrite au code de l’environnement en 2017 pour faire aboutir des projets industriels et d’énergies renouvelables (notamment parcs éoliens) malgré des recours en justice. En pratique, elle peut durer et demeurer aléatoire. Cette décision démontre l’efficacité du dispositif, y compris si l’Etat, après avoir accordé une autorisation illégale, refuse in fine de la régulariser. En octroyant la régularisation malgré le refus du préfet, le juge se comporte comme un administrateur et se substitue à l’inertie de l’Etat.

En l’espèce, suite à un recours dirigé contre l’autorisation environnementale d’un projet éolien, le juge administratif avait pris un sursis à statuer (SAS) dans l’attente de sa régularisation. Deux ans plus tard, la société n’avait toujours pas obtenu l’arrêté préfectoral nécessaire à la continuité de son projet. Finalement, la Cour administrative d’appel de Douai délivre elle-même la régularisation attendue, après avoir jugé que l’inertie de l’administration était illégale (CAA Douai, 29 août 2024, 24DA00695).

1/ Une innovation prétorienne

Le recours direct contre un refus de régularisation est possible. Un refus tacite de régularisation est un acte administratif faisant grief, de sorte qu’il peut faire l’objet d’un recours. La particularité est l’articulation de ce recours mené par la société porteur du projet éolien, avec celui entamé initialement par les opposants contestant ledit projet.

Les opposants ont demandé l’annulation de l’arrêté d’autorisation environnementale alors que la société demande, quatre ans plus tard, l’annulation du refus de régulariser la même autorisation environnementale. Suivant les conclusions de sa rapporteure publique, la Cour juge que ce nouveau recours implique un recours distinct (voir en ce sens CE, 9 novembre 2021, Sté Lucien Viseur req. 440028 B), n’y reconnaissant que le statut d’observateur aux opposants.

La rapporteure publique recommande également aux juges d’examiner la légalité du refus de régularisation avant de poursuivre l’instance dirigée contre l’autorisation initiale suspendue.

Le silence opposé par le préfet à une demande de régularisation vaut refus. En l’espèce, le préfet n’avait pas explicitement refusé la demande de la société mais s’était contenté de rester silencieux.

Pour conclure que cette inertie équivaut à un refus, la Cour se base sur le délai du droit commun énoncé à l’article L.231-1 du code des relations entre le public et l’administration. Ainsi, le principe est que silence gardé par l’administration (deux mois après la demande) vaut acceptation. Par exception, le silence vaut refus dans certains cas, tel que la demande d’autorisation d’un projet soumis à étude d’impact environnemental (annexe du décret 2014-1273 du 30 octobre 2014).

La Cour juge que la demande de la société tendant à la délivrance d’une autorisation modificative, « devait conduire le préfet à apprécier s’il impliquait une modification substantielle ou seulement notable du projet autorisé. Dans la mesure où, d’une part, l’une ou l’autre de ces modifications était susceptible de justifier soit une nouvelle étude d’impact, soit une modification de l’étude d’impact et où, d’autre part, l’autorisation d’un projet soumis à étude d’impact environnemental déroge au principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation » (considérant 11). Une décision tacite est donc née, mais elle vaut refus. En outre, une décision tacite de refus est par principe illégale dans la mesure où elle n’est pas motivée.

Un nouvel exemple du juge administrateur. Le juge n’a pas régularisé l’acte spontanément. C’est seulement au vu de la durée de la procédure de régularisation et de l’inertie de l’administration qu’il fait usage de ses pouvoirs de plein contentieux et se substitue à l’administration pour permettre à la continuité du projet. La rapporteure publique souligne que reconnaître cette action est le seul moyen de combattre la tendance de l’administration de refuser de statuer expressément sur certains projets éoliens.

Ainsi, la Cour précise que « [le juge administratif] a, en particulier, le pouvoir d’annuler la décision par laquelle l’autorité administrative a refusé l’autorisation sollicitée puis, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d’accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu’il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions » (considérant 31). La formulation de ce considérant de principe laisse entendre que le juge peut régulariser ou compléter la procédure, avant d’accorder lui-même l’autorisation.

2/ Comment procéder lorsque la procédure de régularisation n’aboutit pas ?

La procédure ordinaire : classique mais robuste. Dans le cas où l’acte est susceptible d’être régularisé, le juge sursoit à statuer en fixant un délai pour l’administration (article L. 181-18, I, 2° du code de l’environnement).

Le recours des tiers dirigé contre l’autorisation est alors suspendue jusqu’à ce que le préfet statue sur la mesure de régularisation. De plus, le Conseil d’Etat a précisé, dans un avis contentieux, que le juge doit user de ses pouvoirs de régularisation lorsque les conditions en sont réunies à le faire (CE, avis contentieux, 10 novembre 2023, n° 474431). La régularisation est donc devenue le principe, et non pas une simple faculté.

Enfin, le dépassement éventuel du délai fixé par le juge pour mener la procédure de régularisation ne constitue pas une entrave (Voir en ce sens CE, 16 février 2022, Société MSE la Tombelle, req. 420554, 420575  à propos de la régularisation d’un permis de construire selon l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, « [le juge administratif] ne saurait se fonder sur la circonstance que ces mesures lui ont été adressées alors que le délai qu’il avait fixé dans sa décision avant dire droit était échu pour ne pas en tenir compte dans son appréciation de la légalité du permis attaqué »).

La procédure finalisée par le juge : une exception. Le juge a certes l’obligation de sursoir à statuer en l’attente de l’acte de régularisation. Mais si celui-ci tarde à arriver, en raison d’un blocage du préfet, comment agir ?

En suivant l’exemple du cas d’espèce, le porteur du projet, doit d’abord procéder aux formalités qui lui incombent nécessaires pour régulariser les vices constatés (par ex. mise à jour du dossier).

Il doit ensuite demander à l’administration, au besoin après qu’elle ait finalisé les formalités à même de régulariser l’autorisation illégale (par ex. demande d’avis ou enquête publique complémentaire) de délivrer une autorisation modificatrice, à savoir un arrêté préfectoral complémentaire portant régularisation.

Si l’administration refuse explicitement ou ne répond pas, le porteur de projet peut saisir le juge pour contester cette décision. Si la décision préfectorale de refus est jugée illégale, c’est le juge qui accordera – le cas échéant après avoir régularisé ou complété la procédure – lui-même l’autorisation aux conditions qu’il fixe.

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