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Réhabilitation d’un site de stockage avec des déchets inertes : la TGAP s’impose

par | 17 Nov 2011

Green-taxes.pngDans un récent arrêt du 27 octobre 2011, la Cour d’Appel de MONTPELLIER vient de juger que le dernier exploitant d’un centre de stockage de déchets est redevable de la TGAP lorsqu’il utilise des boues de dragage et des déchets inertes pour assurer l’imperméabilité à l’eau et la revégétalisation du site dans le cadre de sa réhabilitation (CA Montpellier, 27 octobre 2011, communauté d’agglomération du bassin de Thau c/ Direction régionale des Douanes, RG n° 11/091216).

L’exploitant d’un centre de stockage peut donc utiliser des déchets recyclés non-comptabilisés dans les tonnages autorisés, tout en restant redevable de la TGAP. Une incertitude juridique de plus pour la filière de l’élimination des déchets.

 

La question posée par l’agglomération du bassin de Thau était loin d’être inintéressante. Celle-ci s’interrogeait sur la légitimité d’un avis de mise en recouvrement établi par les Douanes, pendant la phase de réhabilitation d’un centre de stockage de déchets, pour un montant de 2 millions d’euros.

La collectivité publique objectait qu’il n’existait pas de fait générateur de la taxation dans la mesure où le site n’avait pas reçu des déchets, au sens de la loi et de la jurisprudence judiciaire, mais seulement des matériaux tels que des boues de dragage, ne pouvant être considérées comme telles lorsqu’elles sont utilisées à des fins de réhabilitation du site.

La Cour d’Appel de MONTPELLIER rejette la demande en jugeant que la TGAP s’impose également aux déchets inertes utilisés pour réhabiliter un site en fin d’exploitation.

L’article 266 sexies du Code des Douanes expose que la TGAP s’impose « à tout exploitant d’une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés » et que son fait générateur est constitué par « la réception des déchets par les exploitants » (article 266 sexies). Or, selon la Cour, la fermeture, même définitive, d’un site de stockage de déchets ménagers et la mise en œuvre d’une opération de réhabilitation « ne fait pas perdre au maître d’ouvrage de la réhabilitation sa qualité d’exploitant du site, la phase de réhabilitation constituant l’ultime phase d’exploitation du site ».

La circonstance que le dernier exploitant du site de traitement ne puisse pas, pendant cette même phase de réhabilitation, répercuter le coût des déchets sur les pollueurs ne lui ôte pas sa qualité de redevable puisqu’il ne s’agit pas d’une condition de l’assujettissement à la TGAP.

En outre, la Cour observe que le maître d’ouvrage dispose d’autres moyens pour mettre en œuvre une opération de réhabilitation lui permettant d’échapper à l’impôt, « tels que l’achat des déchets utilisés ou le recours à des matériaux ne constituant pas des déchets taxables ».

La Cour considère par ailleurs que le dernier exploitant du centre est détenteur des déchets dès lors qu’il les a réceptionnés sur le site dont il assurait la réhabilitation.

i. L’acquisition à titre onéreux comme seul critère de sortie du statut de déchet ?

De manière plus surprenante, la Cour d’Appel de MONTPELLIER juge que les déchets inertes utilisés aux fins de réhabilitation de la décharge auraient été « abandonnés à l’origine » et que « la finalité utilitaire qui leur est réservée est sans effet sur leur qualité de déchets sauf s’ils ont été acquis à titre onéreux et pour un prix non dérisoire, ce qui n’est pas allégué en l’espèce ».

Ce faisant, la Cour reconnaît que les déchets inertes peuvent quitter le statut de déchet à la condition d’avoir une finalité utilitaire (matière première secondaire). Cependant, elle retient comme seul critère d’éligibilité à la sortie du statut de déchet celui de l’acquisition à un titre onéreux et à un prix non dérisoire.

Il faut bien reconnaître que les juges de la Cour d’Appel de MONTPELLIER n’ont pas pris toute la mesure de l’article L.541-4-3 du Code de l’Environnement, lui-même pris pour transposer la directive « Déchets » du 19 novembre 2008.

En effet, selon la loi, un déchet cesse d’être un déchet s’il répond à 4 conditions :

1. la substance ou l’objet est couramment utilisé à des fins spécifiques,

2. il existe une demande pour une telle substance ou un objet ou il répond à un marché,

3. la substance ou l’objet remplit des exigences techniques aux fins spécifiques et respecte la législation ou les normes applicables au produit,

4. son utilisation n’aura pas d’effets globaux nocifs pour l’environnement et la santé humaine.

Aucun de ces critères n’impose une acquisition à titre onéreux et à un prix non dérisoire. Il est seulement prévu qu’il existe une demande pour la substance ou que celle-ci réponde à un marché, ce qui est très différent.

En l’espèce, il existe bien une demande pour recycler, dans des centres de stockage de déchets, des déchets inertes tels que des boues de dragage, des déchets suite à déconstruction ou encore des mâchefers, en phase d’exploitation (notamment pour les recouvrements hebdomadaires) comme lors de la réhabilitation finale. Dans ce contexte, l’assujettissement de ces produits à la TGAP est contestable.

ii. Une harmonisation impérative entre l’Administration des Douanes et celle des installations classées pour la protection de l’environnement

En dernier lieu, cette décision révèle, une nouvelle fois, l’écart qui existe entre l’Administration des Douanes et celle des installations classées pour la protection de l’environnement.

En effet, l’Administration compétente pour contrôler les centres d’enfouissement de déchets est celle des ICPE (DREAL). Or, les inspecteurs des installations classées tolèrent, depuis de nombreuses années, que des exploitants utilisent des déchets inertes en phase d’exploitation ou de réhabilitation aux fins de recouvrement ou de remise en état.

Dès lors que ces déchets ont été recyclés ou valorisés (par exemple, mâchefers de catégorie V ou matériaux issus de la déconstruction), ils ne sont pas comptabilisés dans les tonnages utilisés par les ICPE.

Cette question n’est pas évoquée par la Cour d’Appel de MONTPELLIER dans l’arrêt du 27 octobre 2011, mais il est fort probable que les déchets inertes utilisés pour réhabiliter le site n’ont pas été comptabilisés dans les tonnages autorisés. C’est d’ailleurs logique dans la mesure où l’exploitant doit précisément arrêter son activité et réhabiliter le site d’enfouissement lorsqu’il a épuisé toutes les capacités de stockage autorisées.

En définitive, l’exploitant se retrouve devant une situation paradoxale :

1. – la DREAL (ICPE) accepte que les déchets recyclés utilisés ne soient pas considérés comme des déchets ménagers et assimilés soumis à comptabilisation ;

2. – les Douanes, confortée désormais par la jurisprudence, considère que ces déchets inertes restent des déchets soumis à la TGAP.

 De toute évidence, une remise à plat globale de la fiscalité des centres d’enfouissement de déchets, et plus généralement des matériaux et déchets soumis à la TGAP, s’impose d’urgence pour mettre fin à ces incertitudes juridiques qui empoisonnent l’activité des opérateurs privés et publics chargés du service public d’élimination des déchets.

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

La société EcoDDS, éco-organisme de la filière des déchets diffus spécifiques ménagers, a demandé l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 27 novembre 2020 n°2020-1455 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs (REP), pris pour application de la loi AGEC.

Par une décision du 10 novembre 2023 n° 449213, publié au Journal Officiel n°0264 du 15 novembre 2023, le Conseil d’Etat a confirmé la solidité juridique du régime de la responsabilité élargie du producteur (REP) en apportant certaines précisions utiles (I).

Un des moyens présentés a cependant été retenu par le juge, relatif au mandat de représentation des producteurs (article R. 541-174 du code de l’environnement). Son annulation emporte des conséquences importantes immédiates pour les éco organismes (II).

I. Les dispositions conformes à la loi

La redevance versée à l’ADEME. Elle n’est pas une condition financière préalable au sens de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Les missions de suivi de l’Ademe sont également conformes à la loi AGEC.

La résorption des dépôts sauvages. Il revient au cahier des charges de chaque éco-organisme de prévoir au cas par cas si les coûts de ramassage et de traitement des déchets illégalement abandonnés sont pris en charge. Par ailleurs, ce dispositif ne méconnait pas les dispositions du TFUE relatives aux restrictions quantitatives, ni les objectifs de la directive Déchets s’agissant des couts nécessaires à la gestion des déchets.

Les garanties financières en cas de défaillance. Un dispositif financier a été créé pour garantir la continuité du service des éco-organismes (art R. 541-119 du code de l’environnement). Le terme « défaillance » est interprété de manière large, englobant toutes les situations pouvant compromettre la continuité du service public de gestion des déchets, tels que l’arrêt de l’activité, le non-renouvellement de l’agrément, ou des événements imprévus.

La consultation de l’Autorité de la concurrence n’était pas nécessaire, car les contrats types et l’uniformité des contributions n’entravent pas le libre choix des producteurs en matière de prix ou de conditions de vente.

La possibilité de prendre en charge les frais de mise en place des éco-organismes via les éco-contributions. Le Conseil juge que les frais de mise en place (le plus souvent engagés lors du dossier de candidature à l’agrément) peuvent être couverts par l’écocontribution au même titre que les frais de fonctionnement (considérant 47 de l’arrêt). En pratique, cette prise en charge sera rétroactive, puisque les fais de mise en place sont engagés avant l’agrément des éco-organismes.

Le soutien aux collectivités d’outre-mer. Le principe de planification par les éco-organismes est jugé conforme aux dispositions de la directive Déchets. La planification dans les collectivités d’outre-mer, régies par l’article 73 de la Constitution, sera mise en œuvre dans les cas où leurs performances sont inférieures à la moyenne métropolitaine.

Le barème amont. L’article R. 541-110 du code de l’environnement dispose que le cahier des charges peut détailler les modalités d’application du barème amont défini par la loi (L. 541-10-2 code env.). Le Conseil d’État valide cette disposition, au regard de la procédure transparente d’élaboration de ce barème, qui offre des garanties suffisantes et ne portant pas atteinte au principe de « bon rapport cout-efficacité ».

Par ailleurs, les modalités d’agrément des éco-organismes, la création et la compétence des comités des parties prenantes, la modulation de l’écocontribution, le rôle de l’organisme coordonnateur, les modalités d’autocontrôle sont également jugés conformes à la loi.

II. La disposition contraire à la loi : le mandat de subrogation pour les producteurs (art. R. 541-174 code env.)

2.1. Motifs de l’annulation

La société EcoDDS a obtenu l’annulation du décret en ce qu’il introduit l’article R. 541-174 dans le code de l’environnement. Cet article autorisait tout producteur, indépendamment de son origine, à déléguer à un mandataire la responsabilité « d’assurer le respect des obligations liées au régime de responsabilité élargie des producteurs », cette personne serait « subrogée dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur » dont il acceptait le mandat.

Le Conseil d’État relève d’abord que la directive Déchets prévoit seulement une possibilité de mandat pour les producteurs qui commercialisent sur le territoire national des produits élaborés dans autre Etat (art. 8bis §5 de la directive). Dans ce cas, le mandataire est chargé d’assurer le respect des obligations qui découlent du régime de la REP.  La directive souligne en outre que les Etats membres peuvent définir d’autres exigences, telles que l’enregistrement l’information et la communication des données qui doivent être remplies par le mandataire, afin de suivre et de vérifier les obligations du producteur établi à l’étranger.

Ensuite, le Conseil d’État relève que la loi AGEC a partiellement transposé ce point de la directive à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, sans mention d’un mandat, et en prévoyant simplement, pour les producteurs, l’obligation de « pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ». La loi aborde ensuite la mise en place d’éco-organismes agrées auxquels les producteurs transfèrent leur obligation en contrepartie d’une contribution financière.

Ainsi, d’une part, seul le décret transpose cette disposition de la directive, et, d’autre part, selon des modalités singulièrement différentes. En effet, l’article R. 541-174 du code de l’environnement résultant du décret prévoit que le mandat :

  • est permis à tous les producteurs (produisant en France ou à l’étranger)
  • et qu’il emporte une subrogation intégrale dans les obligations du producteur

Ce qui a une portée beaucoup plus large qu’un simple mandat au sens du droit des obligations (art. 1346 et suivants du code civil). La responsabilité attachée à un mandat classique (articles 1984 et suivants du code civil) est plus limitée. Ainsi, dans le cas du mandat avec subrogation, le mandataire doit répondre des obligations du mandant vis-à-vis des tiers. Par exemple les pénalités contractuelles dues aux éco-organismes. Au contraire, dans le cas du simple mandat, le mandant est responsable des actes du mandataire (la responsabilité du mandataire ne pouvant être engagée envers les tiers que dans le cas où il méconnait le mandat).

Les conclusions du Rapporteur public, Nicolas Agnoux, permettent d’éclairer l’arrêt sur ce point : « Ces dispositions entretiennent ainsi une confusion entre la possibilité, prévue au paragraphe 5 de l’article 8 bis de la directive, de désigner un simple « mandataire » chargé d’agir au nom et pour le compte du producteur, sans transfert de responsabilité, conformément à la définition qu’en donne le code civil (art. 1984 et 1998) et un régime de subrogation entraînant, comme l’indique la deuxième phrase de l’article, un transfert de la responsabilité élargie du producteur. Or cette seconde hypothèse apparaît non seulement contraire à la directive (CE, 13 juillet 2006, 281231) mais également entachée d’incompétence en ce qu’elle régit les obligations civiles des opérateurs ».

Pour ces raisons, le Conseil d’État juge que le pouvoir règlementaire a excédé sa compétence. L’article R. 541-174 du code de l’environnement est annulé dans son intégralité et immédiatement, sans effet différé.

2.2. Conséquences de l’annulation

Le fondement réglementaire de la subrogation intégrale ayant disparu avec l’annulation de l’article R. 541-174 code env., les mandats passés sont a minima devenus inopposables à l’administration sur ce point (cad les dispositions contractuelles désignant les mandataires des producteurs comme interlocuteurs « exclusif » de l’éco-organisme).

L’annulation emportant en outre des effets rétroactifs, l’article est censé n’avoir jamais existé, ce qui peut nécessiter une reconstitution du passé par l’administration. Cela peut donc également remettre en question les poursuites engagées et les sanctions déjà infligées à des mandataires en lieu et place des producteurs (les pénalités au titre des dispositions contractuelles spécifiques à chaque éco-organisme mais aussi au besoin les amendes administratives tel que prévu à l’article L. 5421-10-11 code env.). En cas de préjudice (risque de remboursement notamment), la responsabilité de l’État pourra être engagée.

Pour mémoire, en faisant reposer la responsabilité sur les épaules du mandataire, le décret d’application de la loi AGEC partait d’une bonne intention, consistant à faciliter les possibilités de poursuites vis-à-vis de producteurs situés à l’étranger en cas de dysfonctionnement.

De ce fait, désormais, si un producteur établi à l’étranger importe sa production en France, il est seul soumis au régime de la responsabilité élargie du producteur. Dans la mesure où il méconnaitrait ses obligations, l’éco-organisme doit le poursuivre directement et pas son mandataire.

Un mandat simple de représentation demeure possible. De même les cas particuliers ou des groupes ou maisons mères sont désignés mandataires par leurs filiales doivent pouvoir être pris en compte par les eco-organismes, y compris avec une responsabilité solidaire si elle est librement consentie.

2.3. Suites possibles

Une solution serait que le législateur vote une disposition reprenant les termes de l’article R. 541-174 du code de l’environnement, à savoir la possibilité d’un mandat avec subrogation intégrale pour les producteurs, sous réserve de sa conventionnalité et de sa constitutionnalité. Elle ne sera cependant valable que pour l’avenir, sans effets rétroactifs.

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Le Département Infrastructures et Matériaux du Cerema Méditerranée organise une Conférence Technique Territoriale le 12 octobre 2023 :

« Economie circulaire dans le BTP : développements et perspectives sur notre territoire« .

Maitre Rosalie Amabile, responsable du bureau de Marseille du cabinet Altes, y interviendra sur le thème du « Cadre juridique de l’économie circulaire : commande publique et BTP »

Le nombre de places est limité et la conférence aura lieu uniquement en présentiel sur le site d’Aix-en-Provence.

Les inscriptions sont obligatoires et se font par internet via ce lien.

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Le Club des avocats environnementalistes (CDAE) organise son prochain colloque à la Maison des Avocats le jeudi 28 septembre 2023, autour de la très importante et actuelle thématique de l’eau.

L’eau : entre protection de la ressource et conflits d’usages.

A cette occasion, notre associé Carl Enckell interviendra tout particulièrement sur le sujet de la « Circularité de l’eau : freins et leviers de la réglementation ».

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