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Obligation faite aux négoces d’organiser la reprise des déchets – Le Conseil constitutionnel va devoir trancher

par | 19 Oct 2016

Par une décision du 16 octobre 2016, le Conseil d’Etat vient de déclarer recevable la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la confédération du commerce de gros et international (CGI) à l’encontre de l’article L. 541-10-9 du Code de l’environnement, dans le cadre du recours dirigé contre le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016.

Ce décret fixe les modalités d’application de l’obligation faite aux distributeurs de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels (négoces) d’organiser la reprise des déchets issus de ces matériaux.

Ainsi, le Conseil d’Etat sursoit à statuer sur la légalité du décret en attendant que le Conseil constitutionnel ait statué sur la question de constitutionnalité de la loi (article L. 541-10-9 du code de l’environnement).

Voici notre décryptage et analyse.

Contexte

Les déchets du secteur du bâtiment représentent environ 15% de la production de déchets du BTP, soit 50 millions de tonnes par an. Mais seulement 50 % sont recyclés. Le phénomène des décharges sauvages est encore répandu sur certaines parties du territoire national.

Conformément aux objectifs qu’elle s’est fixée, en accord avec l’Union européenne, la France a décidé d’endiguer cette pratique en organisant le traitement de ces déchets.

S’agissant tout particulièrement des déchets de construction et de démolition du bâtiment, l’une des mesures adoptées concerne la création de points de collecte.

C’est ainsi que, dans le cadre de l’adoption de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le gouvernement a présenté un amendement confiant aux distributeurs de matériaux de construction la mission d’organiser un maillage territorial de points de collecte.

L’objectif était de supprimer la pratique des décharges sauvages via une solution intermédiaire entre les déchetteries professionnelles et la constitution d’une filière de responsabilité élargie du producteur (REP).

Le législateur a précisé cette mesure (art. L. 541-10-9 code env. issu de art. 93 loi n°2015-998 du 17 août 2015). A cette occasion, il a cependant également renvoyé au pouvoir réglementaire le soin d’élaborer un dispositif permettant l’application de cette disposition.

Le décret n°2016-288 du 10 mars 2016 portant diverses dispositions d’adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets crée un dispositif opérationnel permettant de mettre en œuvre le principe adopté par le législateur (art. D. 543-288 à D. 543-290 Code env.).

Une éventuelle censure du Conseil constitutionnel pourrait remettre en cause l’entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2017.

Analyse de la décision du 16 octobre 2016 du Conseil d’Etat déclarant recevable la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la CGI

Par une décision du 16 octobre 2016, rendue sous les conclusions du rapporteur public Xavier de Lesquen (req. n° 399713 6ème et 1ère chambres réunies), le Conseil d’Etat vient de déclarer recevable la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la confédération du commerce de gros et international (CGI).

Cette première décision est importante. Elle signifie que le Conseil d’Etat a estimé que l’obligation légale soulevait une interrogation sérieuse quant à une atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Plus particulièrement, le Conseil d’Etat a jugé que l’obligation faite aux négoces de s’organiser pour la reprise des déchets issus des mêmes types de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels qu’ils vendent peut méconnaître la Constitution pour trois raisons :

1/ Elle pourrait méconnaitre la liberté d’entreprendre et le principe d’égalité devant la loi. En effet, l’obligation ne concerne que le commerce de gros et pas les grandes surfaces de bricolage (codes NACE différents). En outre, les négoces ne sont pas des professionnels du déchet.

2/ Elle n’aurait pas prévu les garanties nécessaires au respect de cette liberté et de ce principe. En effet, aucune solution n’est proposée pour les cas ou les négoces ne disposeraient pas des moyens matériels (notamment foncier) pour organiser la reprise.

3/ Elle aurait méconnu le principe réservant au législateur la détermination des crimes et délits. En effet, la méconnaissance du dispositif légal emporte un risque de condamnation pénale alors que les modalités d’application (périmètre de 10 km) ont été fixées par le décret.

La décision du Conseil constitutionnel est attendue dans les 2 à 3 prochains mois. Le tableau des instances en cours du Conseil constitutionnel indique que des demandes en intervention peuvent être déposées jusqu’au 8 novembre 23016 à 12h.

La décision à venir emportera des conséquences politico-juridiques qui pourraient être très variables :

a) d’un côté, une éventuelle réponse politique pouvant aller jusqu’à l’abandon pur et simple du dispositif;

b) de l’autre, au contraire, une éventuelle réponse juridique avec à la clé un possible renforcement du dispositif légal, à savoir :

  • son élargissement à tous les négoces (Business to Business mais aussi Business to Consumer) ; ce qui permettrait de régulariser la question de la rupture d’égalité ;
  • une détermination des modalités de mise en œuvre de l’obligation de reprise dans la loi (et pas dans le décret), ce qui permettrait de régulariser la question de la détermination des crimes et délits par le seul législateur (et non indirectement par le pouvoir exécutif).

Dans tous les cas cependant, le Ministère de l’Environnement pourrait devoir revoir sa position quant à la portée réelle du dispositif. Celui-ci semble considérer, jusqu’à présent, que les négoces seraient personnellement responsables de la reprise des déchets concernés, avec à la clé une obligation de s’engager par contrat.

Nous sommes au contraire d’avis que l’obligation légale et réglementaire générée par le dispositif n’est pas d’une telle nature.

A la lumière de la décision qui vient d’être rendue par le Conseil d’Etat le 16 octobre 2016, et du risque de méconnaissance du principe de liberté d’entreprendre (et de l’absence de détermination des garanties qui lui sont nécessaires), cette position du ministère de l’Environnement mériterait sans doute d’être réexaminée.

Une autre lecture du texte, juridiquement défendable, est que le dispositif :

  • impose seulement aux négoces d’organiser la reprise mais pas de procéder eux-mêmes à cette reprise ; ce qui signifie que les négoces n’ont pas à entrer en possession des déchets des artisans mais qu’il doivent seulement jouer un rôle d’intermédiaire entre ces derniers et des collecteurs de déchets du BTP (mise en relation, affichage…) ;
  • génère à l’égard des négoces une obligation de moyen et non de résultat : A l’impossible nul n’est tenu et les négoces ne sauraient devenir à eux-mêmes des collecteurs de déchets en l’absence d’initiative/soutien privé ou public indispensable à la réalisation de l’objectif initial de maillage territorial en points de collectes de l’important gisement des déchets du BTP.
Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

Le Département Infrastructures et Matériaux du Cerema Méditerranée organise une Conférence Technique Territoriale le 12 octobre 2023 :

« Economie circulaire dans le BTP : développements et perspectives sur notre territoire« .

Maitre Rosalie Amabile, responsable du bureau de Marseille du cabinet Altes, y interviendra sur le thème du « Cadre juridique de l’économie circulaire : commande publique et BTP »

Le nombre de places est limité et la conférence aura lieu uniquement en présentiel sur le site d’Aix-en-Provence.

Les inscriptions sont obligatoires et se font par internet via ce lien.

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Le Club des avocats environnementalistes (CDAE) organise son prochain colloque à la Maison des Avocats le jeudi 28 septembre 2023, autour de la très importante et actuelle thématique de l’eau.

L’eau : entre protection de la ressource et conflits d’usages.

A cette occasion, notre associé Carl Enckell interviendra tout particulièrement sur le sujet de la « Circularité de l’eau : freins et leviers de la réglementation ».

Inondations : l’État a exagéré les risques (jurisprudence cabinet)

Inondations : l’État a exagéré les risques (jurisprudence cabinet)

Par un jugement du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 27 juillet 2021 rendant immédiatement opposables certaines prescriptions du projet de Plan de prévention des risques inondation (PPRi) (art. L. 562-2 et R. 562-2 code env.).

I. Contexte

Un PPRi vise à délimiter les zones exposées au risque d’inondation et réglementer l’urbanisation (permis de construire, usage des bâtiments en zone inondable…) (art. L. 562-1 code env.). Selon le niveau de risque, les constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations sont interdits, encadrés ou autorisés.

Le risque peut notamment être lié aux aléas de submersion de cours d’eau et de submersion marine. Ces aléas – de modérés à très forts – sont modélisés selon la hauteur de l’eau ainsi que sa dynamique (rythme d’écoulement et vitesse de montée en cas d’inondation).

La qualification des risques par les services de l’État ayant des conséquences directes sur les droits à construire, des documents méthodologiques de référence ont été élaborés pour garantir son homogénéité sur l’ensemble du territoire (par ex., circulaire du 27 juillet 2011, guide méthodologique de mai 2014). Depuis un décret de 5 juillet 2019 relatif aux « plans de prévention des risques concernant les aléas débordement de cours d’eau et submersion marine », ces recommandations ont une valeur réglementaire.

II. Motifs d’annulation : des risques d’inondation surévalués

En l’espèce, le juge a constaté que la qualification des aléas de débordement de cours d’eau et de submersion marine par les services de l’État excédait les critères prévus par les différents documents de référence précités, ce dont il déduit l’illégalité de l’arrêté rendant ces prescriptions opposables immédiatement.

S’agissant de l’aléa de submersion marine, le juge relève que le rapport de présentation du PPRi n’évoque pas la prise en compte de la dynamique de l’eau (un des critères à prendre en compte avec la hauteur de l’eau). S’agissant de l’aléa de submersion de cours d’eau, le dossier du projet de PPRi ne démontre pas une vitesse de montée des eaux dont il résulterait une dynamique forte (vitesse d’écoulement dépassant rarement 0.50 m/ s).

La cartographie résultant de l’évaluation des aléas étant irrégulière, les projets de constructions situés sur la commune du Barcarès (Pyrénées-Orientales) restent donc soumis à la cartographie précédente des risques (dernier plan approuvé).

Source : TA Montpellier, 5ème chambre, 27 juin 2023 – n° 2106773

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