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Admission des déchets inertes dans les installations de recyclage et de stockage : Un projet d’arrêté qui fait débat

par | 18 Juin 2014

demolition.jpgLe Ministère de l’environnement a récemment diffusé un projet d’arrêté ministériel réformant le droit applicable aux déchets inertes.

Ce texte va avoir des effets notables sur la performance économique des installations de recyclage des déchets du BTP et, donc, sur l’ouverture attendue de cette filière à l’économie circulaire.

– Une première évolution consiste à soumettre les installations de stockage des déchets inertes (ISDI) à la législation des installations classées, sous le régime de l’enregistrement.

– Une seconde évolution consiste à réglementer dans un texte unique l’admission des déchets inertes dans les installations de recyclage, d’une part, et dans les installations de stockage, d’autre part. Comme nous le verrons ci-après, ce choix fait débat dans la mesure ou il soulève la question de la priorité des modes de traitement des déchets.

Il est piquant de constater que la consultation publique sur ce dernier projet de réforme se déroule à l’heure ou l’ADEME organise les premières Assises de l’économie circulaire avec l’Institut de l’économie circulaire et que l’on défend partout, et au plus haut niveau politique, le principe d’une priorité accordée au recyclage des 260 millions de tonnes de déchets du BTP générées chaque année en France.

Je vous propose de prendre connaissance ci-après de mon analyse juridique de ce projet de réforme.

Le projet d’arrêté ministériel relatif aux conditions d’admission des déchets inertes dans les installations classées de recyclage et de stockage peut être consulté ici.

Des observations peuvent également être formulées sur le site du Ministère de l’environnement jusqu’au 19 juin 2014.

Autant le préciser toute de suite, avant d’entrer dans le vif du sujet, le Conseil d’Etat n’a pas fait droit à l’analyse qui va suivre.

En effet, il a jugé dans un arrêt du 29 octobre 2013, rendu à propos d’un recours dirigé contre l’arrêté ministériel du 6 juillet 2011 relatif aux conditions d’admission des déchets inertes dans les installations  classées, qu’il était parfaitement possible de réglementer de la même manière le stockage et le recyclage des déchets inertes :

« l’instauration par l’arrêté attaqué d’une procédure d’admission des déchets inertes dans les installations de recyclage identique à celle déjà applicable aux installations de stockage de ces mêmes déchets n’est pas de nature à méconnaître la hiérarchie établie en matière de gestion des déchets et la priorité donnée au réemploi et au recyclage des déchets par l’ordonnance du 17 décembre 2010 prise pour la transposition de la directive du 19 novembre 2008 » (CE, 29 octobre 2013, req. 353036).

De manière un peu provocante, mais c’est aussi l’intérêt d’un blog, je dirai que cette affirmation du Conseil d’Etat, au demeurant peu argumentée, permettra sans doute aux futurs historiens du droit de constater combien la réglementation française de 2013/2014 était en retard sur les évolutions de la société en ce qui concerne la transition vers une économie circulaire. En effet, le droit français de 2014 semble être à l’âge de pierre de l’économie circulaire, alors que certains autres élèves de la classe européenne (Pays-Bas, Belgique) sont déjà passés à la version 2.0.

En attendant, l’autorité réglementaire a pris l’arrêt du Conseil d’Etat du 29 octobre 2013 au pied de la lettre.

C’est le projet d’arrêté ministériel relatif aux conditions d’admission des déchets inertes dans les installations relevant des rubriques 2515, 2516, 2517 et 2760-4 de la nomenclature des installations classées. Puisque le Conseil d’Etat juge que l’instauration de procédures d’admissions identiques pour le recyclage et le stockage des inertes ne soulève pas de difficultés juridiques, autant fondre les différents textes dans un seul. Cette réforme aura même l’avantage de répondre à l’objectif administratif de réduire le nombre de règlements.

Cependant, comme nous allons tenter de l’expliquer ci-après, en prévoyant une nouvelle fois d’adopter des règles identiques pour le recyclage et l’élimination des déchets inertes, ce projet d’arrêté ministériel manque d’ambition et loupe sa cible. Loin de faire avancer la France vers la société européenne du recyclage, il risque de la faire reculer de quelques années, pour ce qui concerne la très importante filière du BTP.

En droit, ce projet semble méconnaitre l’obligation de conformité des textes réglementaires à la loi.

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L’article L. 541-1 du Code de l’environnement, pris en application de la directive cadre déchets, instaure une hiérarchie des modes de traitement des déchets « consistant à privilégier dans l’ordre a) La préparation en vue de la réutilisation ; b) Le recyclage; c) Toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ; d) L’élimination ».

S’agissant des déchets du BTP, les installations de recyclage relèvent de la rubrique 2515 de la nomenclature des ICPE et, plus indirectement, des rubriques 2516 et 2517. « Privilégier » le recyclage au sens de l’obligation instaurée par l’article L. 541-1 du Code de l’environnement implique d’adopter un cadre réglementaire favorisant l’essor de ces installations sur le plan industriel et économique.

Or, en réglementant le recyclage des inertes au même titre que leur élimination, située deux échelons plus bas dans la hiérarchie des modes de traitement, le projet d’arrêté ministériel ne privilégie pas ce mode de traitement.

En ne singularisant pas les activités de la filière du recyclage par rapport à celle de l’élimination (nouvelle rubrique 2760-4), le projet d’arrêté ministériel freine leur professionnalisation et leur essor à plusieurs titres:

1. Absence de mesure visant à limiter les apports de déchets inertes sur les installations de stockage (élimination) par rapport aux installations de recyclage.

2. Absence de distinction, s’agissant des conditions d’admission, entre les déchets inertes triés ou non triés. Pourtant, si l’admission de déchets inertes en mélange est courante sur les installations de stockage (nouvelle rubrique 2760-4), elle limite considérablement les possibilités de valorisation (et donc de commercialisation) après passage sur les installations de recyclage (rubrique 2515). Les plateformes de recyclage recevant des déchets inertes en mélange ne sont pas suffisamment rentables économiquement.

3. Absence de mesures réglementaires sur la « préparation en vue de la réutilisation » (1er échelon dans la hiérarchie des modes de traitement) et notamment sur le traitement des déchets inertes « in situ » (sur les chantiers de démolition ou de travaux publics).

4. Absence d’obligation de recourir à un pont-bascule à l’entrée des sites. L’efficacité de cet outil (grosse balance ou passent les camions) est avérée et contribue à la professionnalisation de la filière.

En outre, contrairement aux textes auxquels il succède, le projet d’arrêté prescrit en annexe une interdiction absolue des « indésirables » (matériaux tels que métaux, matières plastiques, plâtre, substances organiques, bois, caoutchouc) ce qui peut sans doute rassurer ses auteurs mais sera, en pratique impossible à garantir.

Or, c’est la performance économique des installations de recyclage des déchets inertes qui permettra :

1.  aux opérateurs d’accéder à des standards de qualité (système de management de la qualité) à même de garantir une meilleure prise en considération des intérêts liés à la protection de l’environnement;

2. d’atteindre les objectifs européens et français de valorisation;

3. de passer d’une logique de gestion des déchets à une logique de gestion de produits, à même de faire entrer les acteurs du BTP dans l’économie circulaire.

Pour ces différentes raisons, il me semble que le projet d’arrêté ne « privilégie » pas les professionnels du recyclage, au sens de l’obligation légale inscrite à l’article L. 541-1 du Code de l’environnement.

Plus largement, pour que le cadre réglementaire rejoigne la parole politique et les défis qu’elle entend relever, il est urgent de cesser de saucissonner l’écriture de la norme en la confiant à des experts d’un seul sujet (en l’occurrence la protection de l’environnement). Tout au contraire, il faut privilégier des équipes pluridisciplinaires à même de souligner, dans la phase de rédaction, tous les enjeux du développement durable et, en l’occurrence, ceux de l’économie et du social.

En l’état actuel des choses, en ne se préoccupant pas encore assez de ces deux derniers piliers du développement durable, le droit de l’environnement demeure un droit technique, d’experts, parfois inadapté et même déconnecté des enjeux de la société civile; autrement dit un droit qui n’est pas encore recyclable.

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

Eco-organismes : le Conseil d’État annule partiellement le décret portant réforme de la REP

La société EcoDDS, éco-organisme de la filière des déchets diffus spécifiques ménagers, a demandé l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 27 novembre 2020 n°2020-1455 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs (REP), pris pour application de la loi AGEC.

Par une décision du 10 novembre 2023 n° 449213, publié au Journal Officiel n°0264 du 15 novembre 2023, le Conseil d’Etat a confirmé la solidité juridique du régime de la responsabilité élargie du producteur (REP) en apportant certaines précisions utiles (I).

Un des moyens présentés a cependant été retenu par le juge, relatif au mandat de représentation des producteurs (article R. 541-174 du code de l’environnement). Son annulation emporte des conséquences importantes immédiates pour les éco organismes (II).

I. Les dispositions conformes à la loi

La redevance versée à l’ADEME. Elle n’est pas une condition financière préalable au sens de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Les missions de suivi de l’Ademe sont également conformes à la loi AGEC.

La résorption des dépôts sauvages. Il revient au cahier des charges de chaque éco-organisme de prévoir au cas par cas si les coûts de ramassage et de traitement des déchets illégalement abandonnés sont pris en charge. Par ailleurs, ce dispositif ne méconnait pas les dispositions du TFUE relatives aux restrictions quantitatives, ni les objectifs de la directive Déchets s’agissant des couts nécessaires à la gestion des déchets.

Les garanties financières en cas de défaillance. Un dispositif financier a été créé pour garantir la continuité du service des éco-organismes (art R. 541-119 du code de l’environnement). Le terme « défaillance » est interprété de manière large, englobant toutes les situations pouvant compromettre la continuité du service public de gestion des déchets, tels que l’arrêt de l’activité, le non-renouvellement de l’agrément, ou des événements imprévus.

La consultation de l’Autorité de la concurrence n’était pas nécessaire, car les contrats types et l’uniformité des contributions n’entravent pas le libre choix des producteurs en matière de prix ou de conditions de vente.

La possibilité de prendre en charge les frais de mise en place des éco-organismes via les éco-contributions. Le Conseil juge que les frais de mise en place (le plus souvent engagés lors du dossier de candidature à l’agrément) peuvent être couverts par l’écocontribution au même titre que les frais de fonctionnement (considérant 47 de l’arrêt). En pratique, cette prise en charge sera rétroactive, puisque les fais de mise en place sont engagés avant l’agrément des éco-organismes.

Le soutien aux collectivités d’outre-mer. Le principe de planification par les éco-organismes est jugé conforme aux dispositions de la directive Déchets. La planification dans les collectivités d’outre-mer, régies par l’article 73 de la Constitution, sera mise en œuvre dans les cas où leurs performances sont inférieures à la moyenne métropolitaine.

Le barème amont. L’article R. 541-110 du code de l’environnement dispose que le cahier des charges peut détailler les modalités d’application du barème amont défini par la loi (L. 541-10-2 code env.). Le Conseil d’État valide cette disposition, au regard de la procédure transparente d’élaboration de ce barème, qui offre des garanties suffisantes et ne portant pas atteinte au principe de « bon rapport cout-efficacité ».

Par ailleurs, les modalités d’agrément des éco-organismes, la création et la compétence des comités des parties prenantes, la modulation de l’écocontribution, le rôle de l’organisme coordonnateur, les modalités d’autocontrôle sont également jugés conformes à la loi.

II. La disposition contraire à la loi : le mandat de subrogation pour les producteurs (art. R. 541-174 code env.)

2.1. Motifs de l’annulation

La société EcoDDS a obtenu l’annulation du décret en ce qu’il introduit l’article R. 541-174 dans le code de l’environnement. Cet article autorisait tout producteur, indépendamment de son origine, à déléguer à un mandataire la responsabilité « d’assurer le respect des obligations liées au régime de responsabilité élargie des producteurs », cette personne serait « subrogée dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur » dont il acceptait le mandat.

Le Conseil d’État relève d’abord que la directive Déchets prévoit seulement une possibilité de mandat pour les producteurs qui commercialisent sur le territoire national des produits élaborés dans autre Etat (art. 8bis §5 de la directive). Dans ce cas, le mandataire est chargé d’assurer le respect des obligations qui découlent du régime de la REP.  La directive souligne en outre que les Etats membres peuvent définir d’autres exigences, telles que l’enregistrement l’information et la communication des données qui doivent être remplies par le mandataire, afin de suivre et de vérifier les obligations du producteur établi à l’étranger.

Ensuite, le Conseil d’État relève que la loi AGEC a partiellement transposé ce point de la directive à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, sans mention d’un mandat, et en prévoyant simplement, pour les producteurs, l’obligation de « pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ». La loi aborde ensuite la mise en place d’éco-organismes agrées auxquels les producteurs transfèrent leur obligation en contrepartie d’une contribution financière.

Ainsi, d’une part, seul le décret transpose cette disposition de la directive, et, d’autre part, selon des modalités singulièrement différentes. En effet, l’article R. 541-174 du code de l’environnement résultant du décret prévoit que le mandat :

  • est permis à tous les producteurs (produisant en France ou à l’étranger)
  • et qu’il emporte une subrogation intégrale dans les obligations du producteur

Ce qui a une portée beaucoup plus large qu’un simple mandat au sens du droit des obligations (art. 1346 et suivants du code civil). La responsabilité attachée à un mandat classique (articles 1984 et suivants du code civil) est plus limitée. Ainsi, dans le cas du mandat avec subrogation, le mandataire doit répondre des obligations du mandant vis-à-vis des tiers. Par exemple les pénalités contractuelles dues aux éco-organismes. Au contraire, dans le cas du simple mandat, le mandant est responsable des actes du mandataire (la responsabilité du mandataire ne pouvant être engagée envers les tiers que dans le cas où il méconnait le mandat).

Les conclusions du Rapporteur public, Nicolas Agnoux, permettent d’éclairer l’arrêt sur ce point : « Ces dispositions entretiennent ainsi une confusion entre la possibilité, prévue au paragraphe 5 de l’article 8 bis de la directive, de désigner un simple « mandataire » chargé d’agir au nom et pour le compte du producteur, sans transfert de responsabilité, conformément à la définition qu’en donne le code civil (art. 1984 et 1998) et un régime de subrogation entraînant, comme l’indique la deuxième phrase de l’article, un transfert de la responsabilité élargie du producteur. Or cette seconde hypothèse apparaît non seulement contraire à la directive (CE, 13 juillet 2006, 281231) mais également entachée d’incompétence en ce qu’elle régit les obligations civiles des opérateurs ».

Pour ces raisons, le Conseil d’État juge que le pouvoir règlementaire a excédé sa compétence. L’article R. 541-174 du code de l’environnement est annulé dans son intégralité et immédiatement, sans effet différé.

2.2. Conséquences de l’annulation

Le fondement réglementaire de la subrogation intégrale ayant disparu avec l’annulation de l’article R. 541-174 code env., les mandats passés sont a minima devenus inopposables à l’administration sur ce point (cad les dispositions contractuelles désignant les mandataires des producteurs comme interlocuteurs « exclusif » de l’éco-organisme).

L’annulation emportant en outre des effets rétroactifs, l’article est censé n’avoir jamais existé, ce qui peut nécessiter une reconstitution du passé par l’administration. Cela peut donc également remettre en question les poursuites engagées et les sanctions déjà infligées à des mandataires en lieu et place des producteurs (les pénalités au titre des dispositions contractuelles spécifiques à chaque éco-organisme mais aussi au besoin les amendes administratives tel que prévu à l’article L. 5421-10-11 code env.). En cas de préjudice (risque de remboursement notamment), la responsabilité de l’État pourra être engagée.

Pour mémoire, en faisant reposer la responsabilité sur les épaules du mandataire, le décret d’application de la loi AGEC partait d’une bonne intention, consistant à faciliter les possibilités de poursuites vis-à-vis de producteurs situés à l’étranger en cas de dysfonctionnement.

De ce fait, désormais, si un producteur établi à l’étranger importe sa production en France, il est seul soumis au régime de la responsabilité élargie du producteur. Dans la mesure où il méconnaitrait ses obligations, l’éco-organisme doit le poursuivre directement et pas son mandataire.

Un mandat simple de représentation demeure possible. De même les cas particuliers ou des groupes ou maisons mères sont désignés mandataires par leurs filiales doivent pouvoir être pris en compte par les eco-organismes, y compris avec une responsabilité solidaire si elle est librement consentie.

2.3. Suites possibles

Une solution serait que le législateur vote une disposition reprenant les termes de l’article R. 541-174 du code de l’environnement, à savoir la possibilité d’un mandat avec subrogation intégrale pour les producteurs, sous réserve de sa conventionnalité et de sa constitutionnalité. Elle ne sera cependant valable que pour l’avenir, sans effets rétroactifs.

Save the date – Conférence du CEREMA : « Économie circulaire dans le BTP »

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Le Département Infrastructures et Matériaux du Cerema Méditerranée organise une Conférence Technique Territoriale le 12 octobre 2023 :

« Economie circulaire dans le BTP : développements et perspectives sur notre territoire« .

Maitre Rosalie Amabile, responsable du bureau de Marseille du cabinet Altes, y interviendra sur le thème du « Cadre juridique de l’économie circulaire : commande publique et BTP »

Le nombre de places est limité et la conférence aura lieu uniquement en présentiel sur le site d’Aix-en-Provence.

Les inscriptions sont obligatoires et se font par internet via ce lien.

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Save the date – Colloque « Eau » du Club des avocats environnementalistes

Le Club des avocats environnementalistes (CDAE) organise son prochain colloque à la Maison des Avocats le jeudi 28 septembre 2023, autour de la très importante et actuelle thématique de l’eau.

L’eau : entre protection de la ressource et conflits d’usages.

A cette occasion, notre associé Carl Enckell interviendra tout particulièrement sur le sujet de la « Circularité de l’eau : freins et leviers de la réglementation ».

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